« Cap 2050 » Tenants, aboutissants, et réformes possibles.

, par Mélanie Laplace

« Cap 2050 » Tenants, aboutissants, et réformes possibles.

Au lendemain de la conférence de Durban, l’environnement est bien évidemment au centre de la réflexion communautaire. Véritable enjeu mondial et européen, l’Union a adopté une feuille de route visant à développer les énergies propres et à réduire les émissions de gaz à effets de serre. Alors que certains pays, comme la Pologne éprouve des difficultés à réaliser les objectifs européens, comment la Commission pourrait elle faciliter cette transition ?

Véritable leader en matière d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, l’UE initie déjà le mouvement avec le triple 20 en mars 2007 (réduire les émissions de gaz à effet de serres de 20% d’ici à 2020, porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation d’énergie totale, et accroître de 20% l’efficacité énergétique en Europe) avec pour but de faire en sorte que le réchauffement climatique planétaire ne dépasse pas 2 degrés en 2020. Ces engagements pris dans l’urgence étaient nécessaires mais insuffisants, l’UE décide alors d’agir aussi sur le long terme avec « cap 2050 », document programmatique de la Commission adopté en mars 2011, qui débouche sur l’adoption d’une « roadmap » de l’énergie le 15 décembre 2011. L’idée générale est d’arriver à une réduction d’émission de 80% à 95% par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2050. Cela concerne principalement les pays développés, qui sont, per capita, les plus gros centres d’émission de gaz.

La raison de cette action ?

La compétitivité industrielle et le fonctionnement général de la société dépendent d’une énergie à la fois abordable, sûre et sécurisée. Les mesures déjà proposées pour 2020 seront efficaces et d’une aide précieuse puisqu’elles aideront à réduire de 40% les émissions d’ici 2050. Elles sont le premier pas nécessaire d’une démarche plus importante pour atteindre les objectifs de « décarbonisation » fixés pour 2050. Des changements, structurels et sociaux,doivent alors intervenir. Concernant ce qui doit suivre l’agenda 2020, la situation n’est pas vraiment claire et les scénarios de cette « roadmap » 2050 sont nombreux, explorant tous, par le biais de changements majeurs, les différents chemins possibles vers la « décarbonisation » du système de l’énergie. En effet le secteur de l’énergie est développé et fortement émetteur de gaz à effet de serres, et considérant l’interdépendance grandissante des marchés de l’énergie, un cadre global est indispensable.

De plus, il ne faut pas oublier que les résultats dépendront aussi d’un accord global sur le climat à prévoir suite à la conférence de Durban et l’arrivée à échéance du protocole de Kyoto. Parmi les scénarios proposés, le scénario de haute efficacité énergétique propose par exemple un engagement politique pour de plus importantes économies passant par exemple par une obligation d’économie pour les entreprises du secteur de l’énergie ; le scénario de Hautes sources d’énergies renouvelables propose des mesures de support fortes pour les sources d’énergies renouvelables, menant à un partage de ces énergies dans la consommation finale…

En addition de cela, un besoin de changements structurels est annoncé. Au total, la Commission fait ressortir dix changements, parmi lesquels une baisse du prix du fioul, le rôle grandissant de l’électricité, des économies d’énergie importantes, une utilisation plus importante des énergies renouvelables, le développement de l’utilisation de la procédure de capture et de stockage du carbone (qui incite les entreprises à trouver des techniques permettant de capter le CO2 rejeté pas l’industrie, et de le stocker dans des formations géologiques afin de l’isoler à long terme de l’atmosphère). Toutes ces réformes sont non seulement nécessaires mais aussi bénéfiques à l’UE, elles encourageront à long terme l’investissement dans la communauté, rehaussent le rang de l’UE au sein du marché commun de l’énergie, et opèrent aussi des apports sérieux en terme de baisse de pollution et de santé des citoyens.

La difficile mise en œuvre de cette politique

Mais tout n’est pas si facile et des obstacles sont à prévoir, l’Europe en mettant en œuvre toute cette démarche doit éviter d’agir de manière isolée et prendre en compte les autres pays. De manière générale, la communauté a déjà fait remarquer relativement au renouvellement du protocole de Kyoto, que si elle devait agir seule, autant ne pas agir, affirmation qui s’applique aussi dans le cas plus précis du secteur de l’énergie. Assurément, des effets non désirables, essentiellement en termes de compétitivité, sont à craindre, ce qui pourrait amener la communauté à réfléchir à un changement synchrone du système de la concurrence dans ce secteur. Cela découle du fait que l’Europe seule ne peut pas atteindre une décarbonisation totale qui doit au contraire résulter d’une action globale. Le postulat est alors celui d’une plus grande intégration et d’une plus grande association des pays voisins en créant des complémentarités et des « interconnections » énergétiques au-delà des frontières européennes.

Cependant, cet idéal sera difficile à atteindre aux vues de la position de certains pays sur le sujet. La Pologne a en effet déjà exprimé sa réticence par rapport à ce projet en juillet 2011. L’électricité de la Pologne est principalement produite à partir de charbon (94% en 2009) ce qui rend son industrie lourde très dépensière en énergie. Est donc menacée la viabilité même des entreprises polonaises. Sur la base des PNA (Plan Nationaux d’Allocation de permis d’émissions) il y a toujours la possibilité de racheter à des pays qui n’en ont pas besoin, des droits d’émission supplémentaires sur le marché secondaire des titres d’émission, mais les dépenses à entreprendre sont démesurées pour le gouvernement (2 milliards d’euros) et les répercutions sur les prix de l’énergie sont inévitables.

Les décisions se prenant selon les modalités de la majorité qualifiée depuis le traité de Lisbonne, il semble que la Pologne ait du mal à faire entendre sa voix. Le pays réfléchissait déjà à des alternatives en 2009, telles que la construction d’ici 2020 d’une ou de deux centrales nucléaires d’une capacité unitaire de 3000 MW, ou la mise en œuvre d’un nouveau site d’extraction de gaz d’ici 2013, ou le renforcement des capacités de stockage qui pourraient atteindre jusqu’à 4 milliards de m3 de gaz ainsi que le renforcement des connections gazières avec l’Allemagne, l’Autriche et le Danemark … Alternatives qui devraient indubitablement être remises à l’ordre du jour.

Sur le plan communautaire, La Commission fait des efforts, elle accepte d’allouer gratuitement aux industries énergivores des permis jusqu’en 2016. Pour le reste, la mise aux enchères prévue par le paquet climat énergie est mise en place progressivement, et ne sera donc totale qu’en 2027. Ces concessions ont permis la mise en place d’un mécanisme financier de solidarité pour les pays membres les moins riches.

Concrètement, 12% des permis sont alloués gratuitement à des pays qui sont pour la plus part des jeunes entrant, dont la Pologne. Les 88% restant sont répartis entre les 27 en fonction des émissions passées (selon le paquet climat énergie), les pays concernés par le mécanisme de solidarité viennent donc deux fois à la distribution, avantage qui pourrait satisfaire des pays comme la Pologne faute d’une aide financière directe de la Commission. En fait on peut se demander si une action de la Commission via des fonds structurels ne serait pas opportune dans une telle situation.

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