Europe des projets ou absence de projet ?

Carton rouge à M. Dominique de Villepin

L’idée européenne vaut mieux que ça

, par Fabien Cazenave

Carton rouge à M. Dominique de Villepin

Ce 25 septembre dernier, dans une conférence de presse, M. de Villepin, premier ministre français, s’est exprimé sur l’avenir de l’Europe. Ceci, deux semaines après que son Ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy, ait proposé une relance de l’Europe par l’établissement d’un ’’mini-traité’’.

Alors que les leaders de la Gauche et de la Droite font du voyage à Bruxelles un passage obligé (Mme Royal et M. Sarkozy y étant venus quelques temps auparavant...), nous ne pouvons que regretter, de la part de notre Premier Ministre actuel, cette évidente volonté de ’’laisser du temps au temps’’ avant de réaborder ces questions institutionnelles pourtant si importantes pour l’Europe.

L’éloignement des perspectives institutionnelles

M. le Premier Ministre est venu affirmer à l’occasion de son déjeuner de travail avec le Président de la Commission européenne son attachement à l’idée européenne. Cependant, sûrement marqué par l’échec du référendum sur le Traité constitutionel en France, ce dernier semble vouloir enterrer les questions institutionnelles pour la construction de l’Europe.

Si on se réfère à la Dépêche de l’Agence Reuters publiée à la suite à cette conférence de presse : M. de Villepin estime que ’’nous avons besoin aujourd’hui de relancer l’Europe, de montrer son efficacité et de rassembler les Européens à travers un certain nombre de projets concrets« , en estimant qu’ensuite, tout »naturellement« , voire »mécaniquement", ils accepteront les nécessaires réformes institutionnelles.

Ainsi, il refuserait de se laisser enfermer dans une quelconque idéologie. Pour ne pas aborder les sujets qui fâchent, autant se contenter des projets concrets. Cela porte à croire que selon le premier ministre français, le message du peuple français au référendum du 29 mai 2005 est qu’il ne faut pas l’embêter avec l’Europe mais bien d’améliorer son quotidien.

Il précise même sur la question institutionnelle qu’il fallait l’aborder ’’avec cette dynamique de travail qui aura été permise par plusieurs années de travail en commun avec les pays qui sont entrés récemment et qui auront acquis à la fois la connaissance et la pratique de l’Europe’’. Par conséquent, ce n’est donc pas pour bientôt que nous verrons l’Europe politique avancer.

Cette approche fait la prime à l’Europe dîte ’’fonctionaliste’’ qui prétend être à l’origine de la construction européenne. Ainsi, l’Europe redeviendrait pure. Bref : ne faisons que des petits projets communs, Madame la Marquise, et tout ira bien. Mais comment dès lors espérer construire une Europe politique qui puisse affirmer sur la scène internationale une base commune autre que celle du plus petit dénominateur commun ?

Le déplacement du concours présidentiel au niveau européen

En fait, il s’agit d’un calcul purement politicien. Un peu le jeu du « si mon rival dit quelque chose, je me démarque et dis le contraire ». Exemple : si jamais M. Sarkozy propose un mini-traité institutionnel, je le dénonce en rejetant aux calendes grecques toute perspective politique européenne. Ainsi, alors que le Premier Ministre refuserait toute idéologie dans la construction de l’Europe, il applique en fait ici la sienne : "Je suis différent de M. Sarkozy". Mais cela va trop loin : au lieu de proposer un projet différent pour l’Europe, M. de Villepin ne propose rien.

Or, c’est pourtant ces avancées dans l’ombre que les citoyens français ont en partie rejeté, en mai 2005. Alors comment faire pour que les citoyens s’approprient l’Europe si cela ne se fait pas grâce à la mise en place d’institutions politiques lisibles ? Sinon, comment leur donner des repères clairs ? De plus, il s’agit ici d’une opération pour le moins égoïste. En effet, notre Premier Ministre cale son rythme avec la prochaine échéance politique française, à savoir la campagne présidentielle. Pourquoi ralentir l’avancée de la construction politique de l’Europe pour cette seule raison ?!

Nous voyons là un exemple de plus de l’actuelle dérive de nos dirigeants, atteints de « sondagisme ». Dérive selon laquelle, l’Europe n’étant décidément pas la priorité des Français dans les sujets mis en avant par les sondages, il ne serait donc pas urgent d’en parler. Pour le premier ministre, "à chaque jour suffit sa peine". La vision d’une Europe pouvant peser dans les affaires du Monde n’étant pas celle qui vient de prîme abord chez les Français, pourquoi donc un homme politique irait-il plus loin ?! Avec ce type de raisonnement, pourquoi donc ne pas alors se contenter d’une seule zone de libre-échange comme le veulent une partie des libéraux ?!

Un patriotisme économique ’’Etat par Etat’’ (et non européen...)

A cette même occasion, le Premier Ministre a développé sa vision d’une Europe qui aurait "la maîtrise de son destin économique et social" et pourrait ainsi mieux "protéger nos citoyens" des aléas de la mondialisation. Et cela passerait par la création de "champions européens s’appuyant sur les grands champions nationaux" (une allusion au mariage entre Gaz de France et Suez que M. de Villepin a défendu auprès d’une Commission aujourd’hui chargée d’en étudier les effets...).

La confiance des citoyens européens viendrait de la protection offerte par une économie continentale forte. Mais paradoxalement, M. de Villepin y conjugue un patriotisme économique se limitant aux sphères des Etats. Mais comment expliquer que des entreprises ne dépassant pas le territoire de la France, par exemple, auraient la capacité de porter l’économie continentale ?

De plus, alors que le Premier Ministre semble vouloir affirmer les valeurs européennes pour améliorer le quotidien de nos populations dans le contexte de la Mondialisation, pourquoi considérer qu’une entreprise doive se limiter, dans sa direction, aux champions d’un Etat ?! Comme si conclure une alliance avec une entreprise issue d’un pays voisin était une chose totalement différente ? Ou devons-nous donc en conclure qu’un Italien, c’est par principe moins bien qu’un Français, entrepreneurialement parlant ?!

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter un tel discours de la part d’un homme politique tel que M. de Villepin et nous lui adressons donc un carton rouge.

Un carton rouge qui a pour but de tirer la sonnette d’alarme à l’approche d’une campagne présidentielle. Laquelle doit permettre l’échange des idées, mais pas un quelconque enfermement idéologique limité au seul principe du « je suis différent de l’autre, donc je suis contre ».

Car nous avons besoin d’une Europe politique forte qui nous permette de protéger ces valeurs qui nous sont communes, dans le respect de nos différences. Or, M. le Premier ministre, pour nous - en ce moment - vous êtes trop éloigné de la voie fédérale !

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie de Dominique de Villepin, document tiré de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

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