Chine : L’occasion pour l’Europe d’avancer ?

, par Niki Tzavela, Traduit par Marie-Sixte Imbert

Chine : L'occasion pour l'Europe d'avancer ?
Chinese Calligraphy, par Phoenix Han (certains droits réservés)

Les réserves chinoises s’élèvent aujourd’hui à 2,4 milliards de dollars, se classant ainsi au premier rang planétaire. Les deux tiers environ de ce montant, d’une hauteur de 1,6 milliards, furent investis dans des titres liés au dollar, ce qui fait de la Chine un important détenteur de la dette américaine.

Les réserves chinoises en devises étrangères, investies dans des instruments financiers classiques, tels que les obligations émises par le Trésor américain, sont relativement sures mais présentent des rendements très faibles. Ces réserves ont en tout état de cause soutenu l’économie chinoise, en contribuant à la croissance de la consommation américaine, qui se traduit en grande partie par des importations de produits chinois.

Des limites de deux ordres brident néanmoins les possibilités d’achats d’obligations du Trésor américain par la Chine. Les obligations américaines ne sont pas en quantité inépuisable, et par ailleurs, étant donné le risque d’un affaiblissement du dollar, les Chinois ne voudraient miser uniquement sur le dollar en mettant tous leurs œufs dans le même panier. Jusqu’à ce que l’euro montre récemment des signes de faiblesse, les Chinois ont progressivement acheté de plus en plus de produits financiers libellés en euros, reconnaissant qu’il était nécessaire d’aider les consommateurs européens à acheter leurs propres produits. Néanmoins, ni le dollar ou l’euro, ni le yen ne sont en mesure d’absorber les énormes et constamment croissantes réserves en devises étrangères de la Chine.

Il n’est guère étonnant que les autorités chinoises s’efforcent de diversifier et de rentabiliser leurs investissements à travers le monde, en mobilisant par exemple l’outil des investissements directs à l’étranger. En 2009 le montant total de ces investissements atteignait 300 milliards de dollars américains, soit 32 fois le montant de 2002. Selon les prévisions les plus sérieuses et dignes de confiance, la Chine placera annuellement de 100 à 140 millions de dollars en investissements directs d’ici 2013, tandis que le montant total des investissements directs à l’étranger excédera probablement les 500-550 milliards cette même année.

Les flux d’investissements directs à l’étranger de la Chine se dirigeaient par le passé vers les pays en développement, et notamment vers l’Asie du Sud-Est, ce qui par la même occasion attestait l’intérêt porté par la Chine à la sécurisation des sources de matières premières que sont le pétrole, le charbon, le fer, le cuivre et le soja. Ces dernières années néanmoins, la Chine a fait montre de sa volonté de rediriger ses investissements directs à l’étranger vers les acquisitions de compagnies étrangères, et ce notamment dans les pays développés.

A mesure que les opportunités engendrées par les économies d’échelle se réduisent en Chine, le pays s’est réorienté vers une politique de mise en valeur de ses industries de transformation, d’acquisition de technologies plus avancées, et la percée dans des secteurs présentant des marges de profit beaucoup plus importantes.

En outre, un grand nombre de sociétés chinoises suivent l’exemple du système japonais des années 1960 et 1970 par une plus grande importante accordée à la qualité, dans l’espoir de rendre le nom de leur marque synonyme de grande qualité et non plus de travail à bas coût sur le marché mondial. Dans certains secteurs déjà, les fabricants chinois offrent des produits répondant aux standards internationaux de qualité. La Chine s’efforce par ailleurs de se développer en direction de nouveaux secteurs hautement technologiques, plus rentables.

Les efforts les plus récents de la Chine en faveur de fusions ou acquisitions d’entreprises étrangères dans des pays développés se heurtent à de nombreux obstacles. Le fait est que les entreprises d’Etat chinoises ne reçoivent guère un accueil favorable, et ce notamment aux Etats-Unis. Lorsqu’en 2005 l’entreprise chinoise CNOOC tenta de racheter l’américain Unocal, malgré le fait que la production de pétrole aurait été destinée à long terme aux marchés internationaux, les ingérences politiques ont conduit à la vente de la société à Chevron, poussé à faire une contre-offre par le gouvernement.

La grande méfiance à l’égard de la Chine est le fondement des arguments, en partie compréhensibles, de sécurité nationale souvent fournis du côté américain pour justifier les interruptions d’opérations d’acquisition chinoises. Un mélange de préoccupations stratégiques légitimes, de préjugés dépassés et de pressions en faveur du protectionnisme, engendre un climat défavorable à l’égard de certaines catégories d’investissements chinois aux Etats-Unis ; et ce malgré la perte aux Etats-Unis, au cours des trois dernières années, de 16 % des emplois industriels, ramenant le taux de ces emplois à son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les Etats-Unis et l’Europe semblent avoir de grandes difficultés à prendre conscience de ce délicat et nouvel état de fait. La part des Etats-Unis dans le total des investissements directs à l’étranger s’est par exemple réduite de moitié en vingt ans. Les Etats-Unis et l’Europe ont désormais fondamentalement besoin des investissements chinois afin de stimuler une croissance molle, se retrouvant dans la même situation que les pays en développement à l’égard des investissements américains et européens il y a quelques dix ou vingt ans.

Mais les Etats-Unis et l’Europe font preuve d’un désir inconséquent, en contradiction avec leurs besoins réels, qui réclament certains types d’investissements chinois comme les investissements directs et les acquisitions d’entreprises, outils à travers lesquels la Chine s’efforce d’infiltrer de nouveaux marchés.

Malgré les inquiétudes exprimées ci-dessus, la situation actuelle se présente comme une grande occasion. Des pays développés comprenant mieux les besoins en investissements et en plans stratégiques des Chinois, dont le but est de jouer un rôle majeur dans de nouveaux secteurs tels que la distribution, la conception et les produits de marque, seront à même, via des consultations bilatérales, de mettre sur pied des projets communs et d’ouvrir des perspectives bénéficiant plus de l’immense potentiel d’investissement de la Chine.

La Chine représente sans aucun doute une opportunité et des débouchés économiques majeurs ; cela se traduira incontestablement par des créations d’emplois pour les citoyens européens.

L’Europe ne mérite-t-elle pas que l’on réalise des efforts plus importants et coordonnés dans cette perspective ? De tels efforts seront fondés sur les avantages comparatifs que les Chinois considèrent comme importants pour mettre en œuvre leur stratégie aux retombées bénéfiques mutuelles.

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