Présidentielle 2007 et Europe

Citoyenneté nationale contre citoyenneté européenne

Pour que naisse un sentiment européen !

, par Sophie Gérardin

Citoyenneté nationale contre citoyenneté européenne

Ségolène Royal a récemment suggéré que les Français placent le drapeau tricolore à leurs fenêtres. Quant à son rival, Nicolas Sarkozy, il prévoit la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Quid de l’Europe ? Pourquoi pas un drapeau européen aux fenêtres et un ministère de l’identité européenne ? L’Union européenne est une réalité, mais le sentiment d’appartenance à l’Europe reste ténu chez les Européens. La citoyenneté européenne demeure largement passive.

La citoyenneté européenne et plus globalement l’Europe, sont absentes ou presque du débat électoral. Ceci s’explique peut-être par le fait que ce concept reste problématique. Mal appréhendée par les citoyens, la citoyenneté européenne demeure abstraite car plus présente dans les textes communautaires que dans les faits. Il n’existe pas de conscience commune sur laquelle elle pourrait se baser.

Les livres d’école restent centrés sur leur histoire et leur culture nationales et la peur de l’étranger vivace. « Qui a peur de l’avenir ou craint pour son emploi préfère l’enracinement (…). S’ajoute la crainte du nouveau venu qui bouleverse les habitudes, relativise les points d’appui traditionnels (langue, culture, religion, etc.) et surtout apparaît à beaucoup comme un concurrent direct sur le marché du travail », souligne Yves Mény, président de l’institut universitaire européen de Florence [1].

Les citoyens français, comme leurs voisins, connaissent peu leurs droits au niveau européen et ne les exercent pas, comme en témoignent les taux d’abstention élevés aux élections européennes. Contrairement aux droits qui n’ont cessé de progresser, les devoirs et leur participation à l’Europe n’ont quasiment pas évolué. Ils ont toujours été mis à l’écart des principales décisions, quand ils ne comprennent carrément rien à son fonctionnement.

Une inflation de droits

Pour mieux comprendre la problématique que soulève la citoyenneté européenne, il faut en revenir aux fondements de la citoyenneté : une nation et des symboles. D’une part, elle est historiquement fondée sur l’appartenance à un territoire délimité par des frontières. Elle est fortement liée à la nationalité, notamment en France. La citoyenneté confère des droits (civiques, sociaux et économiques), mais aussi des devoirs.

 Le Traité de Maastricht

Le traité de Maastricht, signé en 1992, fait voler en éclat le cadre national en instituant une citoyenneté à l’échelle européenne. Comme le stipule l’article 17, « est citoyen de l’Union, toute personne ayant la nationalité d’un des Etats membres. » Elle ne se substitue pas à la citoyenneté nationale, mais apporte de nouveaux droits aux ressortissants de l’Union européenne (UE) : libre circulation, droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes et municipales et possibilité d’une protection consulaire dans un pays extra-communautaire. Tout citoyen peut faire reconnaître ces droits en déposant une plainte auprès de la Commission européenne, en adressant une pétition au Parlement européen ou en saisissant le médiateur européen.

 Le Traité d’Amsterdam

Le traité d’Amsterdam, signé en 1997, réaffirme et clarifie ce concept. On note aussi des avancées en matière sociale : création des comités d’entreprise européens, droit au congé parental pour les hommes et les femmes, reconnaissance de l’égalité des droits des travailleurs, régulation des contrats à durée déterminée, interdiction de toute forme de discrimination, droit à l’information et défense des consommateurs.

 Le TCE

Enfin, le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe propose de renforcer le rôle du Parlement européen, seule instance démocratique de l’UE. Ce texte ajoute un droit d’initiative populaire pour permettre aux citoyens de prendre l’initiative d’une proposition législative si au moins un million de signatures sont réunies.

Des symboles mal connus

D’autre part, toute citoyenneté repose sur des symboles. L’Europe a les siens : un drapeau, un hymne, l’Hymne à la joie de Beethoven, une devise, « Unis dans la diversité », une journée, le 9 mai et une monnaie, l’euro. Premier constat : un sondage rapide autour de soi montre que peu de personnes connaissent le nombre d’étoiles sur le drapeau (en l’occurrence douze), la devise de l’UE et la date de la journée de l’Europe. Et lorsque que les candidats à l’élection présidentielle pourtant pro-européens, comme Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, réaffirment l’importance des symboles et des valeurs français, ils en oublient ceux de l’Europe.

A une question sur l’erreur de la gauche et de la droite d’avoir abandonné les thèmes et les symboles de l’identité nationale au FN, Bernard-Henri Lévy répond : « La vraie erreur, ce n’est pas de laisser la nation au Front national, c’est de laisser l’Europe aux autres Européens. La vraie erreur, c’est lorsque nos partenaires européens se sont réunis à Madrid pour un sommet récent et que la France n’était pas là. » Bien qu’il défende la candidate socialiste, il poursuit : « La bonne idée, c’était de mettre un drapeau français dans son salon, sur la cheminée, mais de mettre aussi à côté un drapeau européen [2]. »

Que proposent les candidats pour relancer la Constitution européenne ? Comment lutter contre la résurgence du populisme en Europe ?

Comment encourager la démocratie participative à l’échelle européenne ? Les observateurs du débat électoral que nous sommes attendent des actions, pour que naisse un sentiment d’appartenance européen et une confiance renouvelée dans l’avenir de la construction européenne.

Illustration : drapeau européen sur drapeau français, réalisation Taurillon.

Notes

[1La Revue Civique, printemps 2007

[2Le Monde du 10 avril 2007

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