« Construire un socle commun de droits à tous les salariés européens » pour Marcel Grignard

Interview réalisée dans le cadre des EGE III à Strasbourg

, par Fabien Cazenave

« Construire un socle commun de droits à tous les salariés européens » pour Marcel Grignard

Interview de Marcel Grignard, secrétaire général adjoint de la CFDT, en charge des questions européennes. Il intervient aux Etats Généraux de l’Europe du 17 avril 2010 à Strasbourg dans l’atelier « Une Union plus juste - Vers une convergence sociale des pays européens ? ».

Fabien Cazenave : Aux EGE, vous présidez un atelier intitulé « Une Union plus juste, pour une convergence sociale entre pays européens ». En quoi une telle convergence peut-elle contribuer à la construction d’une Union plus juste ?

Marcel Grignard : L’Union européenne connait une réalité sociale très hétérogène, même si, par rapport au reste du monde, des caractéristiques communes montrent une spécificité européenne, notamment en ce qui concerne la protection sociale et le dialogue social. Mais d’un Etat membre à l’autre, on constate des situations très variables sur le niveau et les modalités de protection sociale, la place du dialogue social (domaines abordés, force des acteurs, articulation loi-négociation, …), le coût du travail, les modalités de représentation des salariés, …

Le marché unique franchit un nouveau pas important avec la transposition de la directive services, tandis que les concurrences sont vives entre États membres, tant au niveau social que fiscal, alors que ces domaines restent essentiellement de compétence nationale. Les restructurations et délocalisations d’entreprises auxquelles sont confrontés les salariés, accentuées par la crise actuelle, tendent à renforcer une vision de l’Union européenne incapable de répondre aux défis sociaux, ainsi que, par voie de conséquence, les replis nationaux. Ce qui ne fait qu’aggraver la concurrence entre salariés. Il est donc urgent de réagir, et cela ne peut se faire que par une coopération entre pays européens qui les renforce en leur permettant de mutualiser des moyens et d’éviter que les situations les plus défavorables ne tirent l’ensemble vers le bas.

Fabien Cazenave : Face à de telles différences, comment trouver une voie européenne commune et est-elle souhaitable ?

Marcel Grignard de la CFDT

Marcel Grignard : Le dialogue avec les autres européens et la prise en compte de leurs réalités sont essentiels. Notamment par rapport aux nouveaux pays membres, il est impossible de vouloir leur imposer du jour au lendemain les standards sociaux de la Suède, la France, ou l’Autriche. Ce serait le meilleur moyen d’empêcher leur développement. C’est pourquoi nous parlons de convergence et non d’harmonisation.

Depuis leur adhésion, ces pays ont fait beaucoup de progrès et ont tiré la croissance européenne. Mais le niveau de dialogue social y est encore très faible, ce qui freine les progrès dans les conditions de travail, les salaires et la protection sociale. Les Directives européennes et les accords cadre entre partenaires sociaux ont commencé à construire un droit social européen, avec des droits en matière d’hygiène et santé au travail, de lutte contre les discriminations, de droits des travailleurs temporaires et intérimaires, etc. Mais il faut aller beaucoup plus loin pour construire un socle commun de droits à tous les salariés européens de façon à lier développement économique et progrès social.

Fabien Cazenave : Voir des Etats obtenir des opt out sur la Charte des Droits fondamentaux vous inquiète-t-il ?

ETUC

Marcel Grignard : Dès lors que l’on qualifie ces Droits de fondamentaux, il est tout à fait anormal que l’on considère que l’on puisse ne pas les appliquer partout. Comment l’Union européenne peut-elle, dans ces conditions, demander l’intégration de normes sociales dans les accords internationaux ? Ces opt out constituent donc des entraves au progrès social, en Europe et dans le monde. Mais il faut se placer dans une perspective dynamique. Le Royaume Uni n’avait pas signé le protocole social du Traité de Maastricht, mais a ratifié quelques années plus tard le Traité d’Amsterdam qui incluait ce protocole … Rien n’est donc impossible, mais à condition de reprendre une dynamique positive dans la construction européenne. La crise actuelle et les défis d’avenir face à la montée des pays émergents et des problèmes environnementaux planétaires montrent plus que jamais le besoin d’Europe. A nous de saisir l’occasion et au syndicalisme européen de peser dans ce sens.

Fabien Cazenave : Quelles sont les directives à surveiller particulièrement en ce moment ?

Marcel Grignard : Des consultations vont bientôt démarrer sur la relance de la directive « temps de travail ». Cela fait partie du socle de droits pour l’ensemble des européens. Il faut veiller à éviter des dérives dangereuses pour la santé des salariés, et permettre un équilibre entre vie au travail et vie privée. La réglementation du travail en France et en Europe présente des failles que les entreprises, dans leur recherche de compétitivité, peuvent exploiter au détriment des conditions de travail. Ce n’est évidemment pas la bonne méthode et nous devons être vigilants sur cette question.

Le syndicalisme européen est également préoccupé par la directive sur le détachement des travailleurs, car elle pose le problème de l’équité de traitement entre les salariés d’un pays et ceux qui viennent y travailler temporairement. Les arrêts de la Cour de Justice européenne ont mis le doigt sur ce problème. La solution ne passe pas forcément en premier par la révision de la directive. A la CFDT, nous sommes convaincus que les solutions adaptées viendront de la discussion entre partenaires sociaux et non des marchandages entre Etats membres au Conseil.

CFDT

D’autres directives en préparation posent question. C’est le cas aujourd’hui, par exemple, de la directive sur la Société privée européenne. Elle vise à créer un nouveau statut juridique pour des PME à l’échelle européenne, ce qui, en soi, peut être une bonne chose pour le dynamisme de l’économie européenne. Mais les propositions actuelles, en laissant les possibilités de transfert de siège social trop peu réglementées, risquent de favoriser des entreprises « boite à lettre » qui échapperaient aux règles sociales ou fiscales.

La veille législative est donc importante. Pour autant, la construction de l’Europe sociale ne se résume pas aux directives adoptées par l’Union. Avec un dialogue social européen à la hauteur des enjeux, on aurait moins besoin de surveiller les directives européennes, car celles-ci traduiraient l’accord entre partenaires sociaux. C’est donc la relance du dialogue social européen qui nous semble prioritaire. Nous attendons de la Commission Barroso II une attitude plus incitative en faveur du dialogue social, ce qui correspondrait à l’engagement pris par son Président en faveur de l’Europe sociale.

Illustration :
 logo des Etats Généraux de l’Europe
 photographie de Marcel Grignard
 logo de la Confédération européenne des Syndicats
 logo de la CFDT

États Généraux de l’Europe III : le samedi 17 avril 2010 à Strasbourg

Venez échanger, écouter et proposer vos idées pour l’avenir du projet européen le samedi 17 avril 2010 à Strasbourg ! Venez découvrir l’Europe dans sa diversité et sa vivacité à travers le Café littéraire, un Village européen de plus de 80 stands, les expositions, la simulation du Parlement européen pour les 16-23 ans, les jeux pour enfants, les concerts et les films.

Les États Généraux de l’Europe (EGE) donnent rendez-vous aux citoyens européens : ils offrent un lieu de débats accessible au grand public sur l’Europe, ses enjeux et son avenir. Une programmation culturelle et sportive ainsi que des activités divertissantes complètent les 18 ateliers-débats et donnent ainsi l’occasion à toutes les générations de s’exprimer ! Ils sont organisés à l’initiative de la société civile, en toute indépendance dans une approche pluraliste et participative.

Pilotés depuis 2007 par 3 associations : EuropaNova, le Mouvement Européen-France et Notre Europe, plus de 80 organismes (associations, ONG, thinks tanks, syndicats, entreprises et médias) ont déjà pris part à l’organisation des Etats Généraux de l’Europe lors des deux précédentes éditions. Ils se réalisent en coopération avec les institutions européennes, nationales et locales.

Après les réussites de Lille et de Lyon qui ont chacune rassemblé 4000 - 5000 participants, les organisateurs ont décidé de renouveler l’expérience en 2010. Dans le contexte des 60 ans de la déclaration Schuman et des nouvelles mandatures de la Commission et du Parlement européens, les Etats Généraux de l’Europe III se dérouleront le samedi 17 avril 2010 à Strasbourg autour du thème :

« L’Europe : un héritage, quelles responsabilités ? »

Le pays invité d’honneur de ces troisièmes États Généraux sera l’Allemagne.

Lors des deux premières éditions, plus de 120 intervenants ont déjà participé, dont de nombreuses personnalités politiques, économiques, syndicales ; intellectuels et militants associatifs.

Le programme est disponible sur le site officiel des EGE : http://www.etatsgeneraux-europe.eu

Les inscriptions SONT OUVERTES

L’inscription aux États Généraux de l’Europe 2010 est gratuite, mais pour des raisons d’organisation, il est préférable de vous inscrire via le formulaire disponible sur http://www.etatsgeneraux-europe.eu/...

Retrouvez les États Généraux de l’Europe également sur : Facebook http://www.facebook.com/pages/Les-E... Twitter http://twitter.com/EG_Europe

Vos commentaires
  • Le 9 avril 2010 à 05:54, par Martina Latina En réponse à : « Construire un socle commun de droits à tous les salariés européens » pour Marcel Grignard

    Merci pour cet entretien : oui, « la convergence sociale » est à rechercher pour « une Union plus juste », et ce notamment par « la veille législative » nécessaire à la solidarité possible autant que nécessaire. Car « le besoin d’Europe » se fait sentir chaque jour davantage dans tous les domaines ;

    or le peuple européen a reçu d’EUROPE - la jeune Phénicienne qui lui imprima son énergie avec son nom voilà trois millénaires en se laissant déposer par un TAURILLON mythique au bord de la future EUROPE - les moyens bien réels de la justice et de la paix grâce aux outils toujours actuels de communication démocratique : alphabétiques et (inter)nautiques. Que ces Etats Généraux déclenchent donc une mobilisation sociale plus efficace, mieux concertée, digne enfin de l’Union Européenne.

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