Discours sur l’état de l’Union européenne : il y a quelque chose qui cloche…

, par Traduit par Hélène Boussi Astier, Joan Marc Simon

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Discours sur l'état de l'Union européenne : il y a quelque chose qui cloche…

Quelque chose cloche quand les pro-européens rejoignent les eurosceptiques pour railler le Président de la Commission européenne. Quelque chose cloche quand aux heures les plus sombres depuis la seconde guerre mondiale, nous ne combattons la crise qu’avec des mots. Quelque chose cloche quand au sein d’un parlement les députés doivent bénéficier d’incitations financières pour aller écouter le président de l’exécutif…

Quand on l’écoute, le discours sur l’état de l’Union européenne prononcé par J.M Barroso le mardi 7 septembre le confirme à maintes reprises : quelque chose cloche avec l’Union européenne. Et devinez quoi ? Il ne s’agit pas de Barroso. J’aurais souhaité pouvoir me joindre aux Européens convaincus et aux eurosceptiques dans la lapidation du président de la Commission pour non respect de la démocratie, manque d’idées, pour avoir été assommant, hypocrite, faible, etc. Mais ce serait trop simple. Par ailleurs ce ne serait pas très utile.

Un manque de leadership et de moyens

La raison pour laquelle personne n’a souhaité apparaître dans l’hémicycle pour écouter le discours de Barroso sur l’Union n’est pas que l’on méprise sa personne, mais simplement que tout le monde sait que l’empereur, en plus d’être désarmé, est incapable de livrer les réformes dont l’UE a besoin pour sortir de la crise. Il n’en a tout simplement pas le pouvoir. Quand bien même Barroso aurait la personnalité d’Obama, cela ne le rendrait pas plus attirant ou puissant pour autant. C’est là qu’est l’impasse.

La Commission européenne a fait des miracles au cours des soixante dernières années ; le système communautaire fut l’un des plus importants piliers du projet européen et certainement l’un des plus révolutionnaires. Pourtant, le contexte actuel confirme que, par son fonctionnement, la Commission européenne ne peut suffire à enrayer le déclin de notre continent.

L’UE requiert autant de leadership que de moyens pour agir. Actuellement elle ne possède ni l’un ni l’autre. 2010 a mis en évidence le fait que le leadership européen était à Berlin alors que ses instruments se trouvaient dans la capitale européenne. Bruxelles est le lieu où les Etats membres viennent s’asseoir autour de la table pour coordonner les réponses nationales à la crise, et non le lieu où une réelle réponse européenne se dessine. La Commission européenne est devenue le « spectateur privilégié » du démantèlement du rêve européen. Dans le meilleur des cas elle coordonne et facilite l’organisation des réunions mais elle ne peut jamais prendre de décisions. N’oublions pas que le seul participant aux négociations se préoccupant de l’intérêt européen est la Commission européenne, les autres participants ne faisant qu’y protéger les intérêts des citoyens de leurs Etats. En 2010 nous avons constaté à quel point l’intérêt national persistait à prévaloir sur l’intérêt européen.

Et ce sont les citoyens européens (qui se trouvent être aussi les citoyens d’un Etat membre) qui en paient le prix.

« Bruxelles est le lieu où les Etats membres viennent s’asseoir autour de la table pour coordonner les réponses nationales à la crise, et non le lieu où une réelle réponse européenne se dessine. »

La voie à suivre

La seule voie à suivre pour éviter le déclin est de réformer le mode de gouvernement de l’Union. Cela peut sembler impopulaire et insurmontable mais s’avère pour autant nécessaire. Si nous voulons que les députés réapparaissent dans l’hémicycle, lors du discours du président de l’exécutif européen sur l’état de l’Union, nous avons besoin d’un président qui s’adresse à son électorat, les citoyens européens ; qui propose une solution européenne à la crise à l’aide des outils adéquats, le budget et les politiques de l’UE ; et qui rassure les citoyens et les Etats membres sur son engagement. Après tout, c’est ce qu’on attend de lui.

Actuellement le Président de la Commission n’est que le plus petit dénominateur commun de la volonté des dirigeants des Etats membres. Nous avons vu à quel point en temps de crise, il fut mis de côté pour laisser Merkel et Sarkozy mener le jeu.

Cette situation nécessite quelques ajustements, tout d’abord, en accordant au président de l’exécutif européen le soutien des citoyens européens et ainsi la responsabilité et la légitimité de faire prévaloir l’intérêt européen sur l’intérêt national.

Enfin, l’exécutif européen devrait posséder les moyens d’agir, et ceci suppose de disposer d’un budget européen conséquent. Le pouvoir émane du peuple et des moyens financiers. Barroso ne possède ni l’un, ni l’autre ; et de ce fait il n’en tire que peu de respect.

Les temps sont durs pour l’UE, et exigent des changements audacieux menés avec courage et discernement. La gouvernance de l’UE devrait sortir profondément rénovée de la crise ; d’une Commission européenne habituellement faible et compromise, nous aurions besoin d’un exécutif européen fort, qui ressemblerait autant que possible à un gouvernement. Un gouvernement qui serait doté d’un budget fédéral pour mettre en place des politiques et qui serait soutenu par les citoyens européens.

Comment donner au président de la Commission européenne le pouvoir de faire ce que l’on attend de lui ?

Premièrement, en légitimant sa situation aux yeux des citoyens européens. Barroso a été désigné et non élu. L’UE a besoin de faire des élections au Parlement européen de véritables élections européennes, à l’occasion desquelles les différents partis européens feraient campagne au niveau européen pour une tête de liste qui, si elle atteignait la majorité, présiderait la Commission européenne et peut être aussi l’Union européenne. L’actuel système bicéphale de l’UE, à savoir Barroso et Van Rompuy, dessert clairement l’identification d’un leadership européen et il est nécessaire de débattre de la fusion potentielle de ces deux fonctions, ce qui n’impliquerait pas de modifications de traité [1].

Deuxièmement, en construisant un véritable budget européen fondé sur des ressources propres, qui pourrait combler l’inconsistance du discours sur l’état de l’union. Le budget de l’UE ne consisterait pas en un poids supplémentaire pesant sur les citoyens européens, mais simplement en une répartition plus efficiente des dépenses. Le nouveau budget ajouterait aux actuelles et insignifiantes ressources propres de l’UE, les Euro-obligations- selon les suggestions de la Commission- mais aussi les taxes sur les transactions de capitaux spéculatifs et la taxe-carbonne, laissant aux Etats membre les taxes sur le travail.

Malheureusement, afin de permettre à la fois la réforme de la loi électorale européenne et celle de la création d’impôts européens, l’UE a besoin de l’unanimité des Etats membres. Une fois encore ce vieux blocus qui paralyse l’Union depuis son origine.

Que serait-il arrivé si le discours sur l’état de l’union avait été prononcé par la chancelière Angela Merkel ? Après tout, elle a joué un rôle plus important que quiconque en Europe, dans les réponses à apporter à la crise – elle a le pouvoir et les moyens financiers. Les pro-européens et les eurosceptiques ne joindraient-ils pas une fois de plus leurs critiques pour dire que l’Europe est contrôlée par un ou deux Etats, et qu’au nom de la démocratie c’est inacceptable ? Eh bien, c’est ce que 2010 a appris à ceux qui refusent toujours d’ouvrir les yeux : l’Europe est menée par un petit nombre de capitales européennes, et non par Bruxelles.

La gouvernance européenne nécessite un gouvernement européen

Pour toutes ces raisons, chers pro-européens et euro-sceptiques, Barroso n’est pas le centre du problème, mais simplement un symptôme supplémentaire à un plus large problème européen.

Ce qui cloche avec l’Europe réside en ce que ses Etats membres et ses citoyens refusent d’accepter que la gouvernance européenne nécessite un gouvernement européen, qu’on le veuille ou non. Cet impact sur les souverainetés nationales effraie tout le monde et empêche d’avancer ; et pourtant au vu des derniers développements, nous pouvons confirmer que la décision à prendre n’est pas de savoir si les états membres devraient abandonner davantage de souveraineté à l’UE, mais plutôt si ils préfèrent que leur souveraineté soit prise de force, comme dans le cas de la crise grecque, ou avec leur consentement et leur participation, comme dans le cas de la Communauté du Charbon et de l’Acier.

Illustration : José Manuel Barroso lors de la conférence de presse sur le lancement de la stratégie 2020, le 3 mars 2010.

Source : Service audiovisuel de la Commission européenne

Notes

[1Le traité de Lisbonne n’interdit pas de cumuler la position de président du Conseil européen et président de la Commission européennée

Vos commentaires
  • Le 22 septembre 2010 à 06:49, par Martina Latina En réponse à : Discours sur l’état de l’Union européenne : il y a quelque chose qui cloche…

    Laissez-moi comme à l’ordinaire saisir les mots publiés par le TAURILLON et rebondir avec eux : la cloche a sonné, fini de clocher !

    Car l’heure est venue depuis longtemps d’aimer L’EUROPE et de le prouver, chacun à sa place, pour qu’elle ne boîte plus, qu’elle ne soit pas soumise, mais qu’elle aille au rythme courageux et généreux que lui impriment depuis des millénaires un divin TAURILLON grec et l’infatigable figure d’Europe la Phénicienne, certes enlevée par lui par-delà mer et nuit, mais incarnant précisément nos moyens de contact inépuisables : les techniques nautiques et l’art alphabétique, eux aussi d’origine phénicienne.

  • Le 23 septembre 2010 à 17:24, par Nicolas Delmas En réponse à : Discours sur l’état de l’Union européenne : il y a quelque chose qui cloche…

    Je dois reconnaître que je suis particulièrement troublé par ta conclusion. Pourtant, le fond de l’article est en accord avec les tréfonds de ma pensée. Cependant, je refuse de penser qu’il existe un non-choix. Dites oui à l’Europe volontairement. Sinon, tôt ou tard, vous serez contraints de l’accepter (non sous une menace physique mais en raison de problèmes économiques - Tu utilises la Grèce en exemple). Si un jour (et je souhaite ardemment qu’il arrive), l’Europe se fait. Alors, oui, elle ne peut et doit se faire qu’avec le plein accord de ses citoyens, pas un accord volé faute de mieux, un accord voté et sans crainte aucune.

    L’Europe n’est pas une impasse sur laquelle les gens s’écrasent pour former un tas plus grand. L’Europe est un projet, un grand projet pour vivre ensemble

    (cf Ernest Renan, Qu’est qu’une nation

    PS : Soyons patients, mais actifs dans la construction de l’Europe de demain

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