Depuis les élections générales de 2007, un Gouvernement de coalition est au pouvoir, entre le PDK (Parti démocratique du Kosovo) et la LDK (Ligue démocratique du Kosovo). Le partage des fonctions s’est inscrit en faveur du premier. Hashim Thaçi (PDK) était jusqu’alors chef du Gouvernement, et le leader de la LDK, Fatmir Sejdiu, Président aux pouvoirs honorifiques. Cette coalition fragile a aujourd’hui vécu, et s’est largement décrédibilisée, à travers des projets polémiques, des scandales de corruption et un impact très limité sur la qualité de vie des Kosovars. De plus, Fatmir Sejdiu cumulait, depuis 2006, ses fonctions de Président de la République et de Président de parti. Un cumul inconstitutionnel qui a amené la Cour du Kosovo à juger la démission de Sejdiu. Le poste est depuis vacant.
L’ensemble de la classe politique a appelé, ces dernières semaines, à l’organisation d’élections anticipées. Et pour cause, elles arrivent à point nommé pour Pristina ! En effet, elles offriront, au prochain Gouvernement, une période de 3 ans sans échéance politique, avant les élections municipales de 2013. La réforme très polémique des services postaux (PTK) est notamment en jeu. Elles donneront également un mandat clair, au parti vainqueur, avant les négociations cruciales avec la Serbie. Un Gouvernement légitimé par un nouveau mandat a symboliquement plus de poids face à Bruxelles et Belgrade. Et enfin, ces élections anticipées pourraient permettre un renouveau du jeu politique kosovar.
L’opposition se construisait, jusqu’à aujourd’hui, autour de trois partis. L’AAK, dont le très charismatique et populaire leader, Ramush Haradinaj est aujourd’hui en exil carcéral à La Haye, la LDD, issue en 2006 de la LDK, et l’AKR, plus « à gauche » de l’échiquier politique. Le paysage politique kosovar reste toutefois relativement fragmenté, aucun parti n’est en mesure de gouverner seul le pays. Surtout, il demeure fortement lié à la personnalité de ses leaders historiques, unique réel clivage politique au Kosovo. Jusqu’à aujourd’hui.
En effet, en opposition au système partisan traditionnel, la société civile kosovare semble vouloir sortir de son rôle traditionnel pour se muer en force politique. Deux nouvelles formations issues de mouvements sociaux et d’ONG entendent insuffler un vent nouveau au Kosovo.
Un souffle nouveau au « Fryma » de l’hiver
Tout d’abord, Vetëvendosje, du très populaire Albin Kurti, se présentera pour la première fois aux prochaines élections, surfant notamment sur le rejet du « thaçisme » et de la mission européenne EULEX. Un succès électoral du mouvement d’auto-détermination ne saurait cependant être une solution durable, ni souhaitable, pour le Kosovo. A l’heure de l’apaisement des relations entre Pristina et Belgrade, le slogan phare du mouvement, Jo negociata ! (« pas de négociations ! »), enliserait en effet davantage le Kosovo dans l’impasse diplomatique. Sans compter les dangers d’unification du peuple albanais à travers les Balkans, fantasme à peine caché des plus radicaux du mouvement. Mais les partisans d’Albin Kurti doivent, avant tout, réussir leur mutation et traduire, dans les urnes, leur fort soutien populaire. La création du parti Fryma e Re, par les directeurs des think tanks GAP et KIPRED, Shpend Ahmeti et Ilir Deda, souligne la forte volonté de la société civile de se faire entendre sur le front politique. Issu de l’élite intellectuelle de Pristina, ce nouveau parti entend moderniser le paysage politique du pays en insufflant, au Kosovo, un « souffle nouveau » (Fryma e Re). Ahmeti et Deda défendent, à ce titre, une forte volonté d’autonomie toutefois couplée avec une étroite coopération avec l’Union européenne. Cependant, l’image quelque peu élitiste du parti aura sûrement du mal à séduire les campagnes kosovares. Leur base électorale est en effet quasi-inexistante, si ce n’est dans les cafés branchés de la capitale.
Il existe, ainsi, entre Vetëvendosje et Fryma e Re, un socle commun d’idées. Les deux mouvements veulent devenir une alternative crédible à la tradition politique kosovare, marquée par le clientélisme, la corruption et une grande fragilité face au pouvoir de la communauté internationale. Toutefois, les conclusions tirées par Kurti et Ahmeti-Deda sont diamétralement opposées. Si le premier entend jouer la carte de l’auto-détermination et le rejet des négociations avec Belgrade, les seconds épousent une logique plus progressiste et coopérative. En somme, les deux formations offrent un choix clair aux électeurs.
Le Kosovo est aujourd’hui à la croisée des chemins et doit réussir, par lui même, le renouvellement de ses cadres. La montée en puissance de Vetëvendosje et de Fryma e Re, face aux partis traditionnels, peut ainsi marquer une rupture inédite dans le paysage politique du pays. Un système partisan enfin basé sur des clivages et des stratégies politiques divergentes ? Reste à observer le succès réel de ces formations et la résistance des partis traditionnels.
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