Elections législatives au Pays-Bas : le début du déclin pour le populisme en Europe ?

, par Charles Nonne

Elections législatives au Pays-Bas : le début du déclin pour le populisme en Europe ?
Mark Rutte, Premier ministre hollandais Services audiovisuels de la Commission européenne

Les récentes élections législatives néerlandaises marquent un tournant résolument prometteur pour les Pays-Bas, ainsi qu’une défaite historique des idéologies populistes en Europe. Les Néerlandais ont fait prévaloir le réalisme sur la tentation illusoire du repli.

Un profond enracinement culturel et historique en Europe

La Hollande était, bien avant la construction européenne, une nation prépondérante dans l’histoire de l’Europe. Elle a dominé le monde à plusieurs reprises par son ambition commerciale, la notoriété de ses villes (Rotterdam, Amsterdam), un empire colonial inégalé. Le Royaume a ainsi entretenu un attachement historique à l’Europe, largement dépendant de son ouverture aux autres nations et continents.

Cependant, les Pays-Bas connaissent aujourd’hui une profonde remise en cause identitaire. Sur le plan économique, cet Etat du Nord est certes vertueux sur le plan budgétaire, bénéficiant d’une dette maîtrisée et d’exportations stables. Cependant, les Néerlandais et leur modèle social commencent à ressentir les effets de la crise des dettes souveraines et de plans de rigueur sans précédent.

Sur le plan politique, le pays est au rang des monarchies parlementaires, où des élections législatives au scrutin proportionnel s’achèvent généralement par la mise en place d’une coalition entre de nombreux partis. Le système a cependant montré ses limites et a connu, comme de nombreux voisins, la montée en puissance progressive et continue de partis extrémistes, antieuropéens et parfois anti-immigration. Le Parti pour la liberté (ou PVV) est ainsi né en 2006 et son leader Geert Wilders a été jusqu’en 2012 une personnalité politique de premier plan.

La Constitution européenne n’a pas uniquement échoué, en 2005, à cause du référendum français de ratification. Les Néerlandais furent l’autre peuple d’Europe à avoir rejeté le nouveau traité, initiant une période d’incertitude sur la place du Royaume en Europe. In fine, les élections législatives de 2012 ont permis aux Néerlandais de lever cette incertitude.

Populistes et « réalistes »

Jusqu’en avril 2012, une coalition héritée des élections de 2010 a réuni le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) et l’Appel démocrate-chrétien (CDA), tous deux modérés, ainsi que le Parti pour la liberté (PVV), ouvertement europhobe et isolationniste. C’est le PVV, soutenant le gouvernement sans y participer, qui déclencha une nouvelle crise politique en refusant de cautionner les mesures de rigueur budgétaire proposées par le gouvernement, provoquant de facto des élections législatives anticipées.

Durant la campagne, tous les sondages ont prédit une victoire des partis populistes rejetant résolument l’Union européenne et l’euro. A l’extrême gauche, le Parti « socialiste », dirigé par Emile Roemer, a rejeté toute nouvelle politique de rigueur et plaidé pour l’abandon des traités en cours de ratification : plusieurs sondages l’ont placé en tête à la chambre basse du Parlement. A l’extrême droite, Geert Wilders a abandonné ses thèmes de campagne traditionnels – notamment l’immigration – pour se concentrer sur une attaque féroce contre les politiques européennes. A l’image de Marine Le Pen, Geert Wilders s’est opposé aux deux partis de gouvernement en souhaitant ériger le scrutin en référendum contre l’Europe.

Dans le même temps, le Parti libéral mené par le Premier ministre Mark Rutte et le parti travailliste de Diederik Samsom se sont placés dans une logique ouvertement pro-européenne. Malgré leurs profondes divergences sur les questions économiques et sociales, les deux leaders ont assumé leur place dans le jeu européen et manifesté leur volonté de poursuivre l’intégration des Pays-Bas dans la zone euro et l’Union européenne.

La prévalence du pragmatisme sur le désespoir

Le 12 septembre 2012, plus de neuf millions de Néerlandais se sont rendus aux urnes lors d’un scrutin décisif pour les Pays-Bas. La proclamation des résultats, lundi 17, par le Conseil électoral, a déjoué tous les pronostics, entérinant la victoire décisive d’un Parti libéral ayant obtenu le résultat le plus élevé de son histoire (41 sièges). Le VVD fut suivi de près par le parti travailliste de Diederik Samsom (39 sièges).

Les partis extrémistes et antieuropéens furent les grands perdants de ces élections. Le Parti socialiste, que l’on pensait supplanter le parti travailliste, n’a gagné aucun siège supplémentaire, conservant sa place de formation secondaire au sein de la chambre basse. Le Parti pour la liberté a quant à lui perdu neuf sièges, subissant un revers cinglant après la montée en puissance de 2010. Quant au parti chrétien-démocrate, ancien partenaire de la coalition, il a également subi une défaite historique. Après avoir été un parti dominant de la vie politique néerlandaise, il devient aujourd’hui la cinquième formation politique au Parlement.

Il est probable qu’une grande coalition entre la gauche et la droite proeuropénnes soit forgée au cours des prochaines semaines. Cette coalition « violette », rassemblerait le parti libéral et le parti travailliste qui à eux deux dominent la chambre basse du Parlement. Il est probable que des petits partis centristes intègrent le futur gouvernement pour jouer un rôle de « pivot » et aplanir les clivages encore persistants entre les deux grandes formations : le parti chrétien-démocrate, ou le parti fédéraliste D66, pourraient assumer ce rôle.

Vers la défaite des populismes européens ?

Les élections du 12 septembre témoignent en premier lieu de la place qu’ont pris les médias néerlandais, qui n’ont eu de cesse de décrédibiliser les partis populistes en multipliant les plaidoyers en faveur de l’Europe. Elles illustrent en second lieu un pragmatisme retrouvé par les Pays-Bas : le peuple néerlandais, malgré ses souffrances actuelles et les sombres perspectives du pays, a pris conscience que son avenir ne pourrait avoir lieu que par l’Europe, au sein de l’Europe.

Aucun des dirigeants hollandais n’a nié l’ampleur des problèmes auxquels leur pays allait être confronté : la nécessité de venir en aide à des Etats du Sud de l’Europe a été acceptée comme telle. Il est dès lors possible que la vague de populisme qui a frappé l’Europe depuis le début des années 2000 ait entamé son déclin aux Pays-Bas, confrontée à une nouvelle vague de « réalisme » et de prise de conscience par les citoyens européens.

Le quotidien néerlandais De Volkskrant affirmait que « contrairement aux espoirs de Wilders, sa tentative de faire des élections un référendum sur l’Europe a échoué ». Bien au contraire, Geert Wilders est parvenu à ses fins : les Néerlandais se sont prononcés en faveur de l’Europe, et ont clôt une crise politique par un message courageux et prometteur pour l’avenir. Sept ans après le traumatisme du référendum européen, le « oui » a pris sa revanche.

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