Le déclin progressif du « bon élève de l’élargissement »
Pays frontalier de l’Italie comme de la Croatie, la Slovénie fut une partie intégrante de l’ex-Yougoslavie tout en conservant un certain attachement à l’Europe occidentale : elle fut, longtemps avant l’indépendance, le pays le plus riche de la région. Dès 2004, cet Etat de quelque deux millions d’habitants intégrait l’OTAN, puis l’Union européenne. En 2007, il abandonnait son ancienne monnaie depuis 1991, le tolar, pour adopter l’euro. Très rapidement, cet Etat a su se détacher des pays de l’ex-Yougoslavie pour faire de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie ses principaux partenaires commerciaux. A partir de l’indépendance, la Slovénie s’est imposée comme un modèle de démocratie. Son système politique fut caractérisé par la volonté de favoriser l’expression de chaque citoyen, par des élections législatives à la proportionnelle intégrale ainsi que par l’organisation d’une multitude de référendums.
Le pays est désormais frappé par la crise et pourrait être, après l’Espagne et Chypre, le sixième Etat nécessitant une aide européenne. Le 30 novembre 2012, la Slovénie est entrée en récession (avec une croissance du PIB de - 0,6% au troisième trimestre 2012). Face à un chômage dépassant les 11,6% de la population active, un déficit budgétaire supérieur à 5% du PIB, un système bancaire fragilisé et une dégradation de sa note souveraine par les agences de la notation, le gouvernement conservateur de Janez Janša tente d’imposer des réformes douloureuses. Ces réformes se traduisent notamment, comme pour de nombreux autres pays, par une réduction des aides sociales et par une dégradation du traitement des agents de la fonction publique.
Fragilisations de l’Etat de droit et des institutions
L’élection présidentielle des 11 novembre et 2 décembre 2012 intervient alors que la situation politique s’est particulièrement dégradée depuis les élections législatives de 2011. Le mode de scrutin des élections législatives et l’incertitude des familles politiques aidant, les nécessaires coalitions entre partis ont largement favorisé l’instabilité gouvernementale. Le précédent président du gouvernement Borut Pahor fut renversé suite au rejet par référendum d’une réforme des retraites et du marché du travail rendue inévitable en raison du climat économique, mais désapprouvées par la population (72% en faveur du « non »).
Le 10 février 2012, le chef du parti démocratique slovène Janez Janša fut nommé président d’un gouvernement de coalition au terme de nombreux marchandages politiques. Depuis plusieurs mois, celui que certains surnomment cyniquement le « prince des ténèbres » semble prendre progressivement le contrôle de la justice et des services secrets en y nommant plusieurs de ses fidèles, dans la plus grande indifférence de la communauté européenne. M. Janša fait actuellement l’objet d’un procès pour corruption (concernant des faits commis lors d’un récent achat d’armes à la Finlande). Quant à la politique économique initiée par le nouveau gouvernement, elle est à la fois dictée par les impératifs économiques et par une idéologie libérale ; elle ne se distingue pas particulièrement de celle menée par l’ancien gouvernement social-démocrate, bien que les mesures préconisées soient plus radicales (allègements fiscaux sur les entreprises, baisse des dépenses publiques et des charges sociales notamment).
Plusieurs manifestations, peu courantes dans ce petit pays, rassemblèrent de manière spontanée des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs villes du pays – ces manifestations furent aussitôt condamnées par le gouvernement.
Désintérêt notable des Slovènes pour la campagne présidentielle
Plus de 1,7 millions d’électeurs slovènes étaient appelés à élire pour cinq ans un président dont les fonctions sont très largement honorifiques, mais dont la position et la stature sont susceptibles d’incarner une certaine stabilité et de faciliter la gouvernance du pays.
Trois personnalités se sont affrontées lors de ce scrutin. Milan Zver, député européen, ancien ministre de l’Education et des Sports, incarnait le parti du président, le parti démocratique (conservateur). L’ancien chef du gouvernement social-démocrate Borut Pahor s’est également porté candidat pour affronter Danilo Türk, président sortant indépendant et soutenu par Slovénie Positive, première force politique d’opposition dirigée par le maire de Ljubljana. M. Türk faisait figure de favori durant cette campagne.
Le premier tour de l’élection fut caractérisé par une très faible participation (environ 50%). Défiant tous les sondages, le social-démocrate Borut Pahor fut placé en tête des résultats (40,01% des suffrages), mettant Danilo Türk en ballotage (35,83%) et excluant le candidat conservateur du second tour (24,16%).
Ce dernier fut effectivement évincé au soir du second tour, obtenant environ 33% face à Borut Pahor. La participation fut encore plus faible qu’au second tour (47,66%). Comme dans de nombreuses démocraties parlementaires, le nouveau président élu devra probablement s’efforcer de constituer un facteur de rassemblement national face aux tourments économiques que la Slovénie va devoir affronter. Les relations de M. Pahor avec le Premier ministre Janez Janša, devraient, de l’avis de nombreux observateurs, être meilleures que lorsque Danilo Türk était président.
Malgré des perspectives peu enthousiasmantes pour l’avenir économique et social du pays, les Slovènes conservent un regard positif sur l’Europe. Le transfert de nombreux pouvoirs à Bruxelles et de difficiles réformes ne semblent pas avoir affaibli ce sentiment.
La perspective d’un hypothétique « bail-out » pour la Slovénie risque toutefois de ne pas accroître l’intérêt que le peuple slovène porte aujourd’hui pour ses institutions politiques, ni la confiance qu’il voue en l’Europe.
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