La situation initiale ressemblait comme deux gouttes d’eau à celle des votations précédentes : le parlement adopte une loi progressiste, des conservateurs isolationnistes (chapeautés par l’Union démocratique du centre UDC) recueillent les 50 000 signatures et imposent un référendum populaire. Cette fois les griefs étaient dirigés contre la LcEe, qui établissait le cadre législatif pour des contributions aux fonds de cohésion, principalement au bénéfice de l’Europe de l’Est, plafonnés à 625 millions d’euros (un milliard de francs suisses) et distribués en parts égales pendant les 5 ans à venir. Comparé à d’autres postes budgétaires (jamais mis en cause), cette somme a l’air dérisoire : le maintien de l’armée de milice suisse exige des dépenses annuelles de plus de 2,5 milliards d’euros – une institution sur la seule menace qui pèse encore est sa propre crise d’identité.
Néanmoins, l’argument budgétaire a été utilisé pour saper l’engagement européen de la Suisse. Les slogans lancés étaient du genre : « Halte au sponsoring des États postsoviétiques », « la Suisse est la vache à lait de l’Europe », « carte blanche pour des paiements ultérieurs ». Dans le débat public, l’enjeu de la LcEe en était largement réduit aux « Ostmilliarde ». La décision de fixer le plafond à exactement 1 milliard de francs suisses invitait à l’abus populiste et était imprudente.
La campagne du oui faisait appel à des répertoires d’action plus ou moins conventionnels. Son objectif central était de détourner l’attention de l’argument budgétaire vers ce qui était véritablement en jeu :
Quant à la partie conventionnelle de la campagne, la YES coopérait avec le Mouvement européen suisse. Les deux organisations utilisaient le même tract et harmonisaient les arguments. Plusieurs actions de rue et de distribution ont été réalisées conjointement par des membres des deux organisations.
La partie moins conventionnelle était purement YES. Des opportunités comme l’action sur les visas de la JEF Europe ont été intégrées dans le cadre de la campagne et utilisées pour souligner les réalisations de l’intégration européenne. La YES parvint également à réunir l’ensemble des partis de jeunes progressistes et à mettre en place une puissante plateforme en faveur de la LcEe. Cette coalition de jeunes comprenait un total d’environ 180 000 personnes. Pendant la phase finale de la campagne, comme point culminant, la YES a provoqué avec un coup d’éclat dans les médias nationaux après avoir diffusé une parodie sous forme d’un clip. Cela a sans aucun doute encore incité quelques jeunes électeurs de dernière minute à mettre leur bulletin dans l’urne.
Organisation pragmatique, la YES disposait également d’un scénario en cas de non. Dès la tombée de la nuit, des militants auraient tapissé tout Berne, Genève, Zürich et Lucerne avec des avis de recherche, exposant les portraits et les numéros de téléphone portable des politiciens responsables du désastre euro-politique.
C’est maintenant la quatrième fois depuis 2000 que les électeurs suisses ont fait preuve d’une attitude pro-européenne.Toutes ces votations renvoient au paradoxe d’une Suisse s’approchant matériellement et juridiquement de plus en plus de l’Union sans pour autant que les cœurs des citoyens suisses commencent à battre à l’européenne. 53,4 % en faveur de la LcEe s’impliquent pas 53,4 % favorables à l’adhésion à l’Union. Au contraire. La LcEe n’a fait que cimenter que le statu quo : coopérer avec l’Europe sur une base bilatérale, assurer une politique d’amitié et de bon voisinage sans contracter trop d’engagements et sans se mêler des institutions de européennes.
1. Le 10 janvier 2007 à 00:33, par Emmanuel Vallens En réponse à : Encore un référendum suisse, encore une campagne de jeunes : 4-0 pour l’Europe
beau boulot, les Suisses !
suis pas sûr que les Français auraient voté comme ça... :-(
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