Auparavant, en Juillet 2005, on avait déjà commémoré les dix ans des massacres de Srebrenica.
Des atrocités et des crîmes de guerre commis par des nationalistes serbes qui avaient alors coûtés la vie à près de 8500 Bosniaques musulmans [1].
A l’occasion de ces commémorations, David Soldini - l’un de nos adhérents, membre du comité de rédaction de ce webzine - avait écrit le texte ci-dessous : un document qui reste aujourd’hui encore d’actualité, à l’heure où précisément s’ouvre [2] le procès de sept responsables de ces atrocités...
Il y a dix ans - on aimerait qu’il en soit passé cent - la radio annonçait avec la monotonie qui caractérise si bien le flux d’information continu, que dans une certaine petite ville d’un pays qui n’existait pas encore, une offensive avait été lancée. Par qui ? l’opinion européenne avait du mal à comprendre. Contre qui et pourquoi ? Mystère toujours, des musulmans dit-on, une guerre de religion, comme au Moyen-âge. Une guerre que l’on ne voulait pas comprendre.
Les racines de cette guerre mettent encore mal à l’aise certains de nos commentateurs, si prêts à oublier l’histoire pour se plier aux petites modes de nos sociétés surmédiatisées et repliées sur elles mêmes. Nationalisme, idéologie communiste, ethnocentrisme.
Des mots qui rappellent notre préférence nationale, ou communautaire, des mots qui font douloureusement écho à cette fierté qu’il faudrait entretenir et qui a permit à la France de s’affranchir de l’Europe en croyant donner une leçon à ses voisins [3].
Des leçons à tirer de Srebrenica
Pourtant Srebrenica aurait pu être une leçon, de celle qui font avancer l’homme et l’humanité. Il n’en fut rien. Sous les yeux, et parfois même avec la complicité innocente et naïve des forces européennes présentes sur place, sur mandat de l’ONU, on a procédé à un nettoyage ethnique en règle. Mais attention, pour une fois pas besoin de se cacher. Cela s’est fait sous les yeux et à la barbe d’une communauté internationale impuissante et d’une Europe couverte de ridicule et de honte.
Symbole d’une Europe qui n’existe pas, Srebrenica aurait pu devenir le symbole du renouveau européen, de l’affirmation que l’Europe sert réellement la paix, que le continent est réuni, que cette réunification crée de la solidarité, que ceux qui peuvent aider aideront, et que ceux qui recevront cette aide s’en sortiront.
Pour réaliser cela, l’Europe avait en main toute les cartes, elle les a encore. La croyance farouche et inébranlable dans la force du droit, le respect de la personne, le refus des discriminations, la lutte pour les minorités, le respect des autres. Il lui en manque une cependant, peut être la plus importante, celle qui permet ensuite de tirer toute les autres : la force, brute, militaire, le pouvoir, la puissance, politique.
Se donner les moyens de construire l’Europe, pour la paix
Et lorsqu’il y a quelques semaines [4] nous avons pu lire placardé sur nos murs que les français ne voulaient pas d’une Europe militaire, qu’il ne voulait pas d’armée européenne, que la paix n’en avait pas besoin, moi, je pensais à Srebrenica, et aux enfants, comptés par les Casques bleus impuissants et naïfs, et qui furent, après comptage régulier, tués, un par un, méticuleusement, et jetés avec désinvolture dans une tranchée.
Et quand je lisais le bas de l’affiche, ces lettres rouges de sang qui soit-disant créaient l’espoir, je pensais à ce militaire qui avait grandit dans l’armée du régime communiste le plus moderne d’Europe et qui se délectait à écraser la tête de la jeune fille qu’il venait de violer. J’aurais pourtant aimé qu’un militaire, tout de bleu vêtu, lui tire une balle dans le crâne et lui fasse sauter la cervelle. J’aurais aimé que ce militaire porte l’uniforme européen.
J’aurais aimé que les européens puisse regarder Srebrenica avec douleur mais aussi avec fierté. Il n’en est rien. Et quand je vois les français se passer si facilement d’Europe et prendre tout cela avec légèreté, cette fameuse légèreté du mois de mai, je pense à Mladic et Karadzic, principaux responsable des massacres et qui vivent des jours heureux dans les montagnes d’un certain pays, au sud d’un certain continent que l’on appelait autrefois avec une certaine fierté, Europe.
1. Le 30 juillet 2006 à 10:58, par Fabien En réponse à : Et l’on se mit à croire à l’Europe sur les cendres de Srebrenica
C’est terrible de voir David comment l’impuissance politique de l’Europe fait que nos valeurs qui sont pourtant partagées - comme tu les as si bien décrites dans ton article - ne peuvent fleurir sur les monts du Liban...
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