Un parti européen à l’origine d’un parti national
Il s’agit sans doute de la première fois dans l’histoire européenne où une formation de dimension européenne précède la formation de partis nationaux ayant les mêmes caractéristiques. Hier, le centre gauche italien a créé le Partito democratico, demain Bayrou créera le Parti démocrate, mais le Parti démocrate européen date bien d’avant-hier…
Il est alors légitime de s’interroger sur cette particularité. Pourquoi avoir avant toute chose créer un parti européen ? Les raisons sont probablement doubles. D’une part, du point de vue politique, il est évident que créer une force transpartisane est plus simple au niveau du Parlement européen qu’au niveau national, surtout dans des pays fortement polarisés comme la France, ou dans des pays où le centre a eu une importance considérable, en s’opposant à la gauche traditionnelle comme en Italie. Les résistances de la part des députés sont moins grandes, le suffrage à la proportionnel empêche en effet les deux grands partis de féodaliser les autres, qui peuvent se maintenir grâce aux sièges accordés à la proportionnelle.
Ensuite, et d’un point de vue moins stratégique, il semble que le combat européen soit primordial pour cette force politique nouvelle qui essaie d’émerger dans toute l’Europe. Des libéraux anglais ou allemands, aux réformistes de la Margherita italienne ou aux bayrouiste de l’UDF décomposée, l’Europe semble être au cœur de ces courants politiques convergents. Une Europe qui conjugue à la fois la liberté et l’humanisme, le libéralisme et le respect de la personne humaine, la croyance en la capacité d’agir collectivement et le rejet de tout exclusivisme national.
Le Centre pose aussi question au Parlement européen
Cette force politique nouvelle existe en réalité depuis plusieurs années au Parlement européen, sous le sigle barbare de ALDE, Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe (à noter le « pour l’Europe » qui se substitue au E pour « Européen » du PPE, PSE, ect…). Ce groupe politique, bien qu’il apparaisse parfois peu homogène regrouppant les libéraux et les démocrates, s’affiche comme une force politique proeuropéenne, sans aucune ambiguïté.
A la différence de ces deux grands rivaux, le PSE et le PPE (Parti socialiste européen et Parti populaire européen), l’ALDE refuse en général les tractations entre partis politiques pour l’attribution des postes, comme ce fut le cas lors de l’élection du président du Parlement européen. Le PSE et le PPE ne disposant pas de majorité, et incapable de négocier avec des forces politiques qui leur serait proches, ont préféré s’allier entre eux pour se partager le siège... Cela rend d’autant plus surprenantes (et ridicules) les fréquentes attaques menées contre les députés du centre, accusés de brouiller les cartes en ayant une approche politicienne !
En réalité, au Parlement européen, il semble que ce soit les grands partis qui font fi du vote des électeurs et se partagent allègrement les places au détriment des représentants des petits partis.
Il est évident que la création de ce nouveau parti, sa position en Europe et sur l’Europe risque de ne pas plaire à tous les députés ou aspirant députés de l’UDF actuelle. Enfermés dans une vision électoraliste qui leur fait préférer systématiquement la droite grâce à laquelle ils ont été élus, les députés actuels risquent de ne pas être suivis par l’essentiel de l’electorat de M. Bayrou. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le divorce entre la famille centriste et le Parti Populaire européen a eu comme fondement la question européenne. Ce divorce n’est pas circonstanciel et lié à des considérations électorales. Il s’agit bien d’un divorce sur le fond. Le PPE de Berlusconi, Aznar et des conservateurs anglais apparait effectivement bien éloigné du rêve européen que voudrait incarner cette force politique nouvelle.
N’en déplaise aux différents pourfendeurs, plus ou moins sincères, du pari de Bayrou, celui ci repose effectivement sur une analyse réaliste du paysage politique européen contemporain. Une droite qui se popularise et qui refuse de renier son passé conservateur d’une part, et une gauche qui se débat encore avec ces vieux démons révolutionnaires d’autre part, laissent un formidable espace à cette force politique modérée mais convaincue de ces valeurs. Si demain cette force politique permet aux uns et aux autres de se débarasser de leurs boulets respectifs en proposant une alternative de gouvernement, les véritables vainqueurs seront les citoyens européens et la démocratie.
L’objectif du nouveau parti est sans aucun doute de faire ce que la gauche française a toujours été incapable de faire et ce que la droite française ne peut sans doute pas faire pour des raisons… « génétiques » : construire une alternative au modèle étatiste et national qui structure encore les mentalités et qui malheureusement guide la politique française. A en croire les sérieux fléchissements des discours des deux candidats traditionnels depuis l’annonce du score de Bayrou, ce pari est loin d’être impossible à gagner.
Que l’on soit dans un camp, dans l’autre ou dans aucun, on ne peut, en tant qu’européen, que se réjouir de cette saine évolution de la vie politique française et européenne, quoi qu’en pense les Robien et autre Santini, décidemment très attaché à leur siège...
1. Le 4 mai 2007 à 09:59, par jbc En réponse à : hexagonalisation du débat vs. perspective européenne
Merci, David, de rappeler la filiation européenne du/de la futur/e parti/alliance démocrate. Il est effectivement indispensable de redonner une perspective européenne au débat politique hexagonal pour que les lignes de clivage, figées, du débat politique, puissent évoluer.
La dynamique du Parti démocrate européenne est la plus novatrice ; espérons que son succès attendu puisse conduire le PS à se rapprocher de ses partis frères pour construire une social-démocratie européenne et réformiste, et l’UMP à clarifier sa place dans la nébuleuse des partis conservateurs/libéraux européens.
2. Le 5 mai 2007 à 00:25, par Laurent En réponse à : L’Europe aura-t-elle des voix / une voie... ?
Le Mouvement Démocrate de François Bayrou sera-t-il plus européen que les autres partis hexagonaux ? Oui, à condition que les Européens sincères et convaincus y adhèrent sans tarder, et sans arrière pensée de boutiquiers d’appareils traditionnels. On a peut-être ainsi une chance de sauver la mise européenne en France, qu’on soit de gauche ou de droite, saisissons cette chance là !
Merci en tout cas pour cet article éclairant et pertinent, David.
3. Le 8 mai 2007 à 13:02, par ? En réponse à : Bayrou un peu seul, quand même...
C’est vrai que la création de ce nouveau parti a tendance à susciter l’enthousiasme chez tous les fédéralistes et plus largement pro-européens... Mais Bayrou va-t-il réussir à créer une dynamique ... Il se retrouve quand même un peu seul... La plupart de ses soutiens le quitte (Maurice Leroy, Hervé Morin, Jean Arthuis et 23 députés sur 29...). Quant aux ralliements ils sont bien faibles : Azouz Begag, Corine Lepage... Et que dire du sceptissisme de Jean-Louis Bourlanges... Il est pour moi l’un des meilleurs députés européens et il semble à la limite de renier son soutien à Bayrou, après avoir voté Sarko au 2nd tour...
4. Le 9 mai 2007 à 13:30, par Ronan En réponse à : Bayrou un peu seul, quand même...
Mmouais, encore qu’il faut tacher de relativiser les choses, de bien les mettre en perspective et de ne - décidément - pas tout mélanger : si - certes - 23 des 29 députés UDF (et apparentés) ont effectivement annoncés qu’ils voteraient au second tour pour Sarkozy (et appelé leurs électeurs, dans leurs circonscriptions, à voter pour Sarkozy à cette occasion...) ont-ils tous - pour autant - clairement annoncé leur désir de quitter l’UDF ?! (de ne pas prendre leur carte au futur ’’Mouvement démocrate’’ ?!), de rejoindre formellement l’UMP ?! ou de concourrir aux prochaines législatives sous l’étiquette ’’majorité présidentielle’’ ?! Il me semble que non...
PS : Quand au ralliement de Corinne Lepage à l’UDF, voilà quelque chose qui n’est décidément pas un scoop et qui ne devrait pas être présentée (ni ici, ni ailleurs...) comme une nouveauté de cette dernière campagne électorale : puisque voilà une chose clairement acquise depuis au moins les Universités de l’UDF de Seignosse (Landes), en septembre 2003...
5. Le 3 juin 2007 à 11:22, par Ronan En réponse à : Bayrou un peu seul, quand même...
Bon, et bien voilà - quitte à parler de politique intérieure franco-française - où on est le ’’centre’’ à quelques dix jours environ des prochaines élections législatives.
Un ’’centre’’ démultiplié qui - peut-être pour cause de campagne électorale - connait effectivement à l’heure actuelle un intense ’’bouillonnement’’ : phénomène majeur de ce scrutin avec l’inquiétante - pour lui-même - atonie du PS, l’actuel ’’dynamisme’’ présidentiel (un activisme qui touche jusqu’au dossier européen...) et - par l’avis de nombreux sondages convergents - l’affirmation du ’’rouleau compresseur’’ de l’UMP (récente politique de ’’ralliements’’ ministériels oblige).
Un ’’centre’’ éclaté, donc :
– 1- Avec les "Centristes" déjà ralliés à l’UMP - ce ’’grand parti de la Droite et du Centre-Droit’’ - dès 2002 : les Méhaignerie, Gaudin, Raffarin, Douste-Blazy et consorts (lesquels, aujourd’hui complètement exclus du gouvernement Fillon), n’ont jamais réussi - malgré leurs intentions déclarées en ce sens - à former quelque ’’courant’’ autonome que ce soit au sein de la ’’grande maison’’ UMP).
– 2- Avec (puisque c’est donc fait...) les récents ralliements d’environ 23 des 29 Députés anciennement UDF à la ’’majorité présidentielle’’ actuellement en formation. Lesquels ’’transfuges’’ ont décidé, à l’instigation d’Hervé Morin (ancien président du groupe parlementaire UDF à l’Assemblée nationale, devenu depuis peu Ministre de la défense du gouvernement Fillon) et d’André Santini (actuel député maire ’’centriste’’ d’Issy-les-Moulineaux) de former un nouveau parti « social, libéral et européen » (PSLE) ou « Nouveau Centre ». Parti sans militant (sans électeur ?) et peut-être, bientôt (?), sans ministre...
– 3- Avec l’actuel ’’bourgeonnement’’ chez les « Radicaux » de diverses obédiences (PRG - traditionnel allié ’’résiduel’’ du PS - et Radicaux valoisiens, parti ’’croupion’’ de centre-droit aujourd’hui ’’associé’’ à l’UMP) où l’on parle depuis peu d’une éventuelle prochaine ’’réunification’’ de leurs diverses familles écartelées. Tout ça, avec la bénédiction du ministre Borloo (derrière lequel on imagine les Rossinot et autres Léonetti...), à la grande satisfaction - on imagine - du ministre ’’socialiste’’ Kouchner, à l’instigation d’un certain Bernard Tapie (qui n’avait guère caché son soutien au candidat Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle...) mais avec l’attentisme d’un Baylet et l’extrême désapprobation - on imagine - d’une Christiane Taubira, toujours fortement ancrée à gauche.
– 4- Et, enfin, le nouvel « UDF-Modem » (i. e : Mouvement démocrate) (anciennement ’’UDF’’ ou ’’Nouvelle UDF’’) : dernier né de la famille centriste et de la récente campagne présidentielle, autour de la personnalité de François Bayrou (le ’’troisième homme’’ de ce dernier scrutin présidentiel) et avec tous les nombreux élus (eurodéputés, sénateurs, conseils régionaux, conseillers généraux, élus munipaux...) qui lui sont tout de même restés.
Le ’’Modem’’ (jolie trouvaille sémantique ’’informatico-moderniste’’...) : nouveau parti politique - de militants (mais bientôt sans élus ?) - qui ambitionne de décrocher - tout de même - quelques élus aux législatives, sinon de quoi former un groupe parlementaire. (Verdict aux prochaines législatives...).
Bref, aujourd’hui : un centre démultiplié, un président surmultiplié. Alors, le ’’centre’’ - forcément social, forcément libéral et ’’forcément’’ européen - aujourd’hui, combien de divisions ?!
Tant il est clair qu’il est éminemment regrettable que tant d’ ’’Européens’’ proclamés soit ainsi séparés par tant de nouvelles frontières partisanes (et autres ambitions personnelles...). Ce qui ne peut évidemment que nuire à la réalisation de ce qu’on pouvait (peut ?) quand même imaginer être leur ’’rêve européen’’ commun. Et tout ça, à l’heure où le volontarisme ’’sarkozyen’’ semble pouvoir faire des ’’miracles’’ (même sur le dossier européen...).
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