Grèce, alerte brune

, par Benjamin Abtan

Grèce, alerte brune
logo du European Grassroots Antiracist Movement

Dans une indifférence européenne coupable, la Grèce se rapproche dangereusement de l’explosion sociale et raciale.

Dans les rues d’Athènes, les réfugiés et les immigrés ont peur. Des quartiers entiers leur sont de facto interdits car y rôdent les milices du parti néo-Nazi « Aube Dorée » qui organisent régulièrement des ratonades.

Les déclarations racistes, antisémites et négationnistes se multiplient, notamment de la part de hauts responsables politiques. La Présidente du Comité du Parlement pour les droits de l’homme a ainsi récemment comparé les immigrés à des cafards, dans l’indifférence générale. Le porte-parole d’Aube Dorée a pu citer le célèbre faux antisémite "Les Protocoles des Sages de Sion" en plein parlement sans que cela ne provoque de condamnations.

Le Premier Ministre Samaras s’entête à sanctuariser la présence au Conseil de l’Europe de la néo-Nazi Eleni Zaroulia, qui qualifiait récemment les immigrés de « sous-hommes ». Les journalistes qui dénoncent cet état de fait sont quant à eux régulièrement menacés.

Face à la montée du racisme, de l’antisémitisme et du néo-Nazisme, les institutions démocratiques dysfonctionnent coupablement.

La police tout d’abord, présente un niveau de corruption record et une collusion extrêmement forte avec le néo-Nazisme : entre 30% et 50% des officiers de police ont voté pour Aube Dorée, et nombre d’entre eux en font partie.

On ne compte plus les victimes d’attaques racistes, arrivées en sang au poste de police, à qui l’on intime l’ordre de ne pas porter plainte, que l’on menace mais ne secourt pas.

La Justice ensuite : alors que le nombre de déclarations et de passages à l’acte explose, aucun procureur n’engage de poursuites, et aucune condamnation avec la circonstance aggravante de racisme n’a été prononcée depuis 2008.

Cette montée du racisme s’explique également par le fait que, depuis mai, les néo-Nazis n’ont pas connu de véritable défaite ni buté sur les limites qu’impose la démocratie, agissant en toute impunité.

De plus en plus, comme le montre la très récente création d’une branche de Aube Dorée en Italie, ils représentent un exemple pour les mouvements et partis néo-Nazis en Europe, de la Hongrie à la Lettonie et du Danemark à l’Autriche.

En effet, ils n’ont jamais fait mine d’abandonner l’antisémitisme comme idéologie structurante ni le racisme comme discours dominant, contrairement à ceux qui ont tenté une stratégie de communication de « dédiabolisation ». Ils combinent l’action légale – la présentation aux élections – et l’action illégale – les agressions physiques dans la rue - avec efficacité. Ils mettent à jour la démission des démocrates, au premier rang desquels les partis grecs démocratiques et l’UE, qui leur offrent la permissivité avec laquelle ils agissent depuis des mois, investis d’un funeste sentiment de toute-puissance.

L’UE, et en particulier l’Allemagne, portent une lourde responsabilité dans l’essor du néo-Nazisme en Grèce.

Deux dogmes européens créent en effet les conditions de cet essor.

Tout d’abord, imposé sous forte pression allemande, le dogme de l’austérité amène à une situation sociale intenable car il n’offre à la population, en particulier à la jeunesse, aucun autre horizon que celui indépassable du remboursement de la dette.

Il crée un contexte de déliquescence de la société et de ses structures sociales traditionnelles, dans lequel les discours de désignation de boucs émissaires et d’appartenance à un collectif, fût-il raciste, présentent un fort pouvoir d’attraction, en particulier pour les jeunes.

Les coupes sombres imposées par la troïka dans le budget de la sécurité ont pour conséquence directe le manque de forces de police pour couvrir tout le territoire, laissant ainsi des quartiers entiers sous la coupe des gangs d’Aube Dorée qui assurent la « sécurité » à ceux qu’ils considèrent comme « racialement Grecs ». Cet abandon du monopole de la force par l’Etat, condition fondamentale de l’existence de l’Etat de droit, permet ainsi aux néo-Nazis d’asseoir une grande partie de leur succès électoral.

Ensuite, le dogme de « l’Europe forteresse » instaure la délocalisation des entrées-sorties sur le territoire de l’UE à la frontière entre la Turquie et la Grèce, imposant à celle-ci d’être le point d’entrée principal des réfugiés et immigrés en Europe.

Ce dogme est le résultat d’une victoire de l’extrême droite, qui a réussi à imposer le rejet de toute immigration comme paradigme idéologique dominant alors même que l’Europe a aujourd’hui besoin d’immigration.

Il crée une situation intenable pour la Grèce, car si le nombre d’immigrés et de réfugiés y entrant est souhaitable pour l’Europe, il est impossible à gérer pour la Grèce seule si elle est isolée du reste de l’Europe.

La situation qui lui est ainsi imposée offre à l’extrême droite l’occasion de toutes les instrumentalisations.

La position de l’Allemagne ne peut qu’interroger.

Au moment où son surmoi national, constitué des rescapés de la Shoah, disparaît peu à peu avec ces derniers, l’Allemagne défend des positions qui poussent la Grèce, père fondateur de la démocratie européenne, à l’effondrement et à l’expulsion de la zone Euro, voire de l’Europe.

Cette tentation ou tentative de meurtre du père à l’échelle des nations européennes est poussée par une énergie qui, si elle venait à être libérée par l’expulsion ou l’écroulement effectifs de la Grèce, serait génératrice de violences incommensurables, dont l’essor actuel du néo-Nazisme n’est qu’un signe annonciateur.

Face à cette perspective, il est urgent que les démocrates se mobilisent à travers toute l’Europe, car la Grèce est aujourd’hui la ligne de front du grand et beau combat pour la démocratie.

Le projet politique récemment couronné par le Prix Nobel de la Paix ne se remettrait pas d’une défaite des démocrates face à ses ennemis irréductibles, et il revient aux dirigeants politiques et aux sociétés de s’engager pour faire vivre le rêve européen d’un continent véritablement démocratique car débarrassé du racisme, de l’antisémitisme et du néo-Nazisme.

A l’initiative de l’EGAM, des dizaines de personnalités grecques et étrangères, dont le prix Nobel italien de littérature Dario Fo, ont appelé à une mobilisation européenne contre la percée néonazie en Grèce, avec une marche sur l’Acropole le 15 décembre à Athènes. Plus d’infos ici

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Vos commentaires
  • Le 17 décembre 2012 à 00:06, par Kventino En réponse à : Grèce, alerte brune

    Il est dommage que la légitime dénonciation de la montée du néo-nazisme en Europe se vautre complaisamment dans la mise en accusation bien facile de l’Allemagne, sur la même rengaine que ces extrémistes grecs qui comparaient Merkel à Hitler.

    « La position de l’Allemagne ne peut qu’interroger.

    Au moment où son surmoi national, constitué des rescapés de la Shoah, disparaît peu à peu avec ces derniers, l’Allemagne défend des positions qui poussent la Grèce, père fondateur de la démocratie européenne, à l’effondrement et à l’expulsion de la zone Euro, voire de l’Europe. »

    Ce triste épisode de psychologie des peuples ne tient même pas compte de la réalité. Quoi que l’on pense de la politique allemande, on ne peut pas dire que le gouvernement fédéral pousse sciemment à la poussée de l’extrême-droite en Europe, alors que c’est le SEUL pays du continent à y échapper.

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