Le Taurillon : Europanova organise avec une dizaine de partenaires français et européens une grande convention « L’Europe d’après » le 3 mars à Science-Po. Quel en sera le thème ?
Guillaume Klossa : L’idée de « l’Europe d’après », c’est que l’Europe ne peut plus être la même avant et après les crises multiples que nous vivons. L’Europe doit changer pour être en mesure de répondre aux attentes des Européens. Les défis économiques et financiers, climatiques, géopolitiques appellent des réponses véritablement européennes. La présidence française a impulsé une dynamique collective qui a permis de juguler pour un temps la crise bancaire à l’automne et d’esquisser une relance coordonnée lors du Conseil européen de décembre. Mais depuis, la mise en œuvre opérationnelle tarde et les Européens ont le plus grand mal à apporter des réponses efficaces qui ne peuvent être prises qu’au niveau collectif, les plans nationaux se succèdent avec une efficacité réduite et la tentation protectionniste rode.
En fait, mis à part la parenthèse de la présidence française, l’Europe manque désespérément de leadership politique, d’incarnation et de force de réflexion commune, rôle que ne joue pas suffisamment la Commission. Les institutions de Lisbonne sont donc plus nécessaires que jamais sans être suffisantes. Dans l’immédiat, l’Europe a besoin d’idées vraiment européennes pour sortir de la crise, c’est l’un des enjeux de la convention, 10 propositions concrètes, si possible non protectionnistes qui puissent contribuer à ce que les Européens se sortent de la période de récession que nous vivons le mieux possible. En débat, la question du renforcement de la solidarité européenne avec la création d’un fonds des solidarités actives européen qui intègre notamment le fonds d’accompagnement de la mondialisation, des prêtes à taux zéro pour les jeunes effectuant un programme européen de mobilité, le projet d’un fonds monétaire européen, d’une agence européenne des sans abris, le sujet de la régulation avec la création d’une agence européenne de supervision bancaire, un code éthique européen pour la transparence des rémunérations les plus élevés, des propositions sur la relance, la démocratie européenne...
Le 3 mars, c’est aussi la symbolique d’une génération qui s’engage, bien sûr de manière non exclusive avec les autres générations, la génération 89 qui avaient être 15 et 25 ans en 1989 est qui est aujourd’hui prête à s’engager pour une Europe plus intégrée, plus politique, plus active.
Le Taurillon : Quel doit être le rôle de l’Europe dans le futur ?
Guillaume Klossa : L’Union européenne doit se concentrer là où sa valeur ajoutée est manifeste, la politique étrangère, la politique énergétique, le développement durable, la R&D dans les domaines de la défense, la santé, les industries numériques, mais aussi l’enseignement supérieur. Bien sûr, la gouvernance économique et monétaire doit être revue radicalement. L’Europe constitue un laboratoire concret pour une future gouvernance mondiale, mais si nous ne somme spas capables de nous organiser nous-mêmes, comment être influent et crédible dans le monde qui vient ?
L’Europe, c’est aussi l’espace de protection des droits de l’Homme mais aussi sociaux le plus avancé et le plus abouti du monde, nous devons rester exemplaires mais aussi être fiers de ce que nous avons construits collectivement. Sans fierté européenne collective, il est peu probable que la construction européenne résiste aux crises qui s’annoncent au delà de la crise économique et financière que nous vivons aujourd’hui.
Le Taurillon : Un souvenir de la chute du mur ? Depuis la chute du Mur en 1989, l’Union européenne a changé de visage. 20 après, quel bilan peut-on en tirer ?
Guillaume Klossa : Le 9 novembre 1989, j’étais à Salonique en session plénière du Parlement européen des Jeunes, j’avais 17 ans et présidais la délégation française. On me passe un mot, « le mur est tombé, tu es le président de la délégation française, tu dois intervenir et parler aux allemands à la tribune ». Je réponds au mot par « En êtes-vous bien sûr ? » Réponse « Oui ». Je fais ému mon premier discours européen. L’idée en était « J’ai la grande joie d’annoncer à mes collègues allemands et européens que le mur de Berlin vient de tomber, bientôt le continent européen trouvera pour la première fois son unité ». Ce jour là, j’ai senti le souffle de l’histoire souffler au dessus de mon épaule. Depuis, l’Europe a trouvé son unité économique, son unité politique est en marche certes saccadée et 500 millions d’européens disposent d’un espace de liberté, de paix et de sécurité commune, c’est une première dans l’histoire.
Mon regret, c’est que nous Européens de l’Ouest n’avons pas répondu pleinement et à temps aux attentes des Européens de l’Est qui nous ont rejoint progressivement. Ils étaient prêts à faire le pari de l’Europe politique et nous leur avons demandé en priorité de respecter des règles de marché, leur première expérience de l’Europe, c’est la contrainte technocratique.
Le Taurillon : Les élections européennes du 7 juin ne semblent pas passionner les médias. Pourquoi ?
Guillaume Klossa : L’échéance est encore et malheureusement trop loin. Surtout, les élections européennes ne sont pas concrètes pour les médias. Ce qui va être intéressant, c’est de voir comment la campagne va se dérouler. Plus il y aura de candidats éligibles ayant un parcours, un engagement européen, plus il sera facile pour les médias, notamment la presse écrite de faire des sujets incarnés pour les élections européennes.
Pour se passionner, les médias ont besoin de raconter des histoires. Ce qui est vrai pour la politique nationale l’est plus encore pour la politique européenne.
1. Le 3 mars 2009 à 19:18, par Fabien En réponse à : Guillaume Klossa : « l’Union européenne doit se concentrer là où sa valeur ajoutée est manifeste »
live-blogging de la convention sur mon blog : fabiencazenave.blogspirit.com
2. Le 5 mars 2009 à 07:38, par Gérard C En réponse à : Guillaume Klossa : « l’Union européenne doit se concentrer là où sa valeur ajoutée est manifeste »
Belle initiative, chapeau ! ça fait du bien de voir s’impliquer et s’engager une nouvelle génération de décideurs qui sont souvent trop timides dès qu’il s’agit de s’afficher publiquement.
Ce qui est intéressant aussi, c’est l’angle symbolique, c’est assez fort.
Bonne chance
3. Le 5 mars 2009 à 21:48, par valy En réponse à : Guillaume Klossa : « l’Union européenne doit se concentrer là où sa valeur ajoutée est manifeste »
Je tenais à féliciter les organisateurs de la convention, Guillaume Klossa, j’imagine, Cynthia Fleury et leurs équipes, c’était vraiment un très bel événement européen comme on en aurait plus besoin, et surtout j’ai trouvé très fort cet affichage collectif, on sent que les décideurs invités ont de l’ambition, mais on sent aussi qu’ils ont un esprit d’équipe et ça c’est rarissime dans le microcosme européen où tout le monde se tire la bourre et s’amuse à critiquer les autres
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