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Jacques Barrot tente de sauver Galileo

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen

, par Florent Banfi

Jacques Barrot tente de sauver Galileo

Le commissaire Jacques Barrot a révélé mercredi 15 mai ses trois scénarios pour le futur du projet Galileo. La solution proposée par le vice président de la Commission européenne nécessite un investissement de 2,4 Milliards d’euros de la part de l’Union Européenne ou des Etats membres et une mise à l’écart temporaire du secteur privé.

Les négociations entre les différents partenaires industriels du projet sont au point mort depuis janvier 2007. Lors de la réunion du 2 mars 2007, le Conseil des Ministres des Transports a demandé à la Commission d’évaluer l’ensemble des progrès accomplis concernant le projet Galileo et de présenter des solutions détaillées en concomitance avec l’Agence Spatiale Européenne.

La Commission entrevoie trois scénarios possibles pour la poursuite du projet Galileo :

 Le premier scénario est de ne rien changer à la situation actuelle. Les négociations continuent pour répartir le développement, la construction et l’exploitation du programme entre les partenaires privés. Cette situation a démontré son inefficacité car malgré les bonnes volontés affichées par les industriels, les progrès ne suivent pas.

 Le deuxième scénario comporte l’acquisition par le secteur public de 18 des 30 satellites avec leur mise en service en 2011. Les offres opérationnelles seraient limitées pendant deux ans en attendant la mise en service des 12 autres satellites acquis par le secteur privé.

 La troisième solution proposée est l’acquisition des 30 satellites par le secteur public ce qui permettrait de fournir la totalité de l’offre aux utilisateurs. Le secteur privé interviendrait dans le fonctionnement et l’exploitation du système.

Cette dernière voie est celle proposée par la Commission au Conseil des ministres du 7 juin qui effectuera le choix définitif. « Aucun projet comme Galileo n’a jamais été financé avec de l’argent privé. Il n’est donc pas étonnant que les autorités publiques se chargent de construire la totalité de l’infrastructure » a déclaré Michele Cercone, porte-parole du Commissaire aux transports.

Galileo aujourd’hui : un projet innovant mais qui coute cher

La radionavigation par satellite est une technologie permettant aux utilisateurs de connaître leur localisation à tout moment dans le monde entier. Les applications qu’elle permet sont multiples et couvrent un grand nombre de domaines qui s’étendent, entre autres, des transports conventionnels aux télécommunications, à la surveillance du territoire, à l’agriculture, à la pêche, à la protection de l’environnement, à la recherche scientifique, au tourisme.

Afin de réaliser un tel projet, des partenaires publics et privés furent associés au projet. La Commission européenne contrôle l’ensemble du projet et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) effectue la première étape du développement. Les industriels sont réunis dans un consortium pour effectuer successivement une partie du développement ainsi que l’exploitation du système.

Galileo comprenait au départ le lancement de 30 satellites afin de fournir une gamme de services compétitifs par rapport au GPS américain. Aujourd’hui, seuls quatre satellites sont en orbite et l’on parle désormais de 2012 pour les 26 restants. Depuis janvier 2006, les partenaires privés tentent de trouver un accord sur la répartition financière du programme alors que le projet a vu son premier satellite expérimental lancé en décembre 2005. Dans la résolution qu’il a adoptée le 24 avril 2007, même si le Parlement européen réaffirmait son soutien au programme GALILEO, il exprimait ses préoccupations quant aux retards enregistrés.

Le programme a aujourd’hui 5 ans de retard... pour quelles raisons ?

Au delà des difficultés techniques, un défi industriel

Selon la Commission, la structure organisationnelle mise en place ne permet pas d’être efficace et est une cause importante des retards engendrés par le projet. En effet, le consortium d’industriels n’est pas capable de s’autogérer, les négociations sont au point mort depuis 5 mois et créent des retards supplémentaires. L’absence de rôle clair du secteur public n’a pas favorisé la prise de décision et a même obligé le Conseil des ministres à intervenir.

Toujours selon le commissaire Jacques Barrot, la complexité du système aurait été sous-évaluée. Cela ne comporte rien de surprenant si l’on se réfère aux autres projets de cette envergure qui subissent tous des retards. Il suffit de penser aux programmes militaires américains comme l’avion de combat JSF ou l’hélicoptère Comanche qui a fut même abandonné...

La Commission a néanmoins une quatrième possibilité devant elle : réduire l’envergure du programme, ce qui correspond à la pratique la plus courante dans les programmes militaires. Cette solution permettrait certainement de progresser en maintenant la structure actuelle mais elle doit affronter deux contre-arguments d’ordre économique. Tout d’abord, un changement de la nature du programme impliquerait un changement des services associés et par conséquent l’annulation de contrats industriels en cours de développement. De plus, Galileo n’est pas le seul système de navigation par satellite et les promoteurs du projet doivent prendre en compte les améliorations du GPS afin de rester compétitif.

La Commission dans son rôle de représentation de l’intérêt commun

Les problèmes subits par Galileo s’inscrivent dans un cadre industriel européen dont on commence à entrevoir les défauts. Il existe des points communs entre le projet Galileo et le projet de gros porteur A 380 d’Airbus. En effet, dans les deux cas, les problèmes viennent principalement de l’interaction entre partenaires publics et partenaires privés.

Mais dans le cas du projet Galileo, il existe un acteur qui représente l’intérêt commun qui peut dépasser les différents intérêts nationaux. Ainsi, la Commission coordonne le projet mais peut également taper du point sur la table quand cela est nécessaire. La proposition du commissaire Jacques Barrot est assez drastique : nous retirons les partenaires privés du développement et nous leur laissons l’exploitation. Cette proposition est possible car la Commission a la maîtrise du projet. Si le Conseil (ou un ensemble d’Etats) avait ce rôle (comme c’est le cas en partie avec Airbus), nous n’aurions jamais eu une décision aussi ambitieuse mais qui n’en demeure pas moins nécessaire.

Néanmoins, la Commission ne possède pas d’indépendance financière car ce sont majoritairement les Etats qui financent soit le projet directement, soit le budget de l’Union Européenne. La décision que prendrons les ministres des transports le 7 juin sera donc une décision étroitement liée à leur capacité à dégager des fond supplémentaires à moyen terme même si cela aura des conséquences sur l’efficacité et de la rentabilité du projet à long terme. En effet, la solution proposée par la Commission est plus chère car elle oblige l’acquisition de 30 satellites mais reste plus rentable pour le secteur public.

Si incontestablement le rôle de la Commission comme coordinateur du projet est une avancée par rapport aux initiatives industrielles précédentes, il n’en demeure pas moins que sa dépendance financière envers les Etats membres constitue un frein important à ses initiatives. Un budget indépendant des Etats membres est une condition de stabilité et d’efficacité lorsqu’il s’agit de programmes complexes menés sur le long terme. Il s’agit également d’un pas politique qu’il faudra franchir si nous voulons que l’Union européenne puisse relever les défis industriels qu’elle doit affronter.

Illustration :} Schéma d’explication du fonctionnement de la navigation par satellite sur le site de la Commission.

A lire :
 Euractiv.fr -> La Commission fixe le sort de Galileo
 site de la Direction générale des Transports et de l’Energie de la Commission -> Galiléo

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