Journée mondiale des océans : pour une réforme de la politique commune de la pêche qui privilégie la durabilité écologique

, par Amélie Malafosse

Journée mondiale des océans : pour une réforme de la politique commune de la pêche qui privilégie la durabilité écologique
Chaussure élaborée par André Perugia en 1931

Dans un mois, la Commission européenne dévoilera le texte final de sa proposition réformant la politique commune de la pêche. Sachant que l’Union européenne est le premier marché pour la consommation de produits de la pêche et le troisième producteur mondial, la Commission révèlera ainsi quel futur elle réserve à l’activité de pêche. Après les échecs successifs qu’a connus cette politique depuis sa naissance, les enjeux de la réforme sont méconnus et la journée mondiale des océans – aujourd’hui 8 juin – est l’occasion de les rappeler.

Les océans se meurent sous le coup des fourchettes des consommateurs toujours avides de plus consommer, raclés par les chaluts des navires de pêche, vidés par des filets capables de capturer en une seule prise l’équivalent de ce que capture une flotte entière de pêcheurs artisanaux en un an. En cette journée mondiale des océans qui vise à sensibiliser les citoyens aux enjeux de la préservation et protection des océans, quelques chiffres alarmants doivent être rappelés.

Attention océans en danger !

A ce jour, alors que les océans couvrent les deux tiers de la planète, moins de un pour cent de leur surface est protégée ; alors qu’au niveau mondial un tiers des stocks sont surexploités ou épuisés, la capacité mondiale de pêche représente près du double de celle permettant une exploitation durable ; alors qu’en Europe on exploite commercialement près de 700 espèces, seul un nombre dérisoire d’entre elles fait l’objet de mesures de gestion ; alors qu’on ne connaît qu’une infime partie de ce milieu qui abrite un nombre incroyable d’espèces et qui est indispensable à l’équilibre de l’écosystème terrestre tout entier, trop peu de gens s’y intéressent en y voyant autre chose que la promesse d’une aventure, autre chose qu’immensité bleue qui inspire les poètes.

Mais si l’on veut continuer à pouvoir rêver, il est temps de se laisser emporter par le vent du changement, de mettre fin au désastre de la surexploitation des ressources, de la destruction des habitats et de la pollution. C’est sans doute là l’objectif de cette journée mondiale des océans : mieux connaître pour mieux comprendre, en apprécier la beauté et le mystère pour vouloir les protéger.

La pêche européenne à l’heure de la réforme

Aujourd’hui, 19 ans après sa création, cette journée revêt une tonalité particulière pour l’Union européenne, avec la prochaine réforme de la politique commune de la pêche. Plus de soixante ans après la naissance de ce qui deviendra l’Union européenne, et 40 ans après l’adoption des premiers règlements visant à organiser l’activité de pêche, les décideurs européens se trouvent à un moment crucial pour changer le cap qui a été suivi jusqu’alors et changer les choses.

Si à l’origine de l’idée d’une politique commune de la pêche se trouvait la nécessité de reconstruire l’Europe en créant des dépendances réciproques entre les Etats, la raison d’être de cette politique aujourd’hui est sans nul doute écologique.

L’européenne convaincue que je suis n’ose pas se poser la question de savoir si l’état des stocks et du milieu marin serait meilleur s’il n’y avait pas eu de politique commune. La responsabilité n’est pourtant pas celle de l’Union européenne, c’est plutôt celle d’une mauvaise politique basée sur le principe erroné que l’on peut toujours pêcher plus, sur le mépris par les Etats membres des recommandations scientifiques pour décider des opportunités de pêche et sur la recherche de la satisfaction immédiate de leurs électeurs aux dépens d’une vision à long terme.

Finalement peu importe à qui incombe la responsabilité de l’échec, seul compte le constat que 88 pour cent de stocks en Europe sont surexploités, que la capacité de la flotte européenne permet de capturer annuellement le double voire le triple de ce que les océans sont capables de nous offrir. La réforme, dont le processus débutera dans quelques semaines en vue d’appliquer le nouveau dispositif en 2013, est l’occasion de construire enfin une politique commune de la pêche conçue pour règlementer l’usage limité d’une ressource finie, plutôt que d’autoriser l’exploitation à outrance d’espèces que l’on croit exister en quantités illimitées.

Placer l’environnement avant tout

En créant le concept de développement durable et le trio de la durabilité économique, sociale et environnementale, le Sommet de la Terre de Rio, s’il a permis de réveiller les consciences, a oublié l’essentiel : que notre société ne s’est construite que grâce au milieu qui l’entoure. Pour certains, l’environnement doit venir en premier pour des raisons éthiques, pour d’autres c’est pour sauver l’homme et sa civilisation, car en effet ce n’est qu’en préservant les milieux et les ressources et en en faisant un usage raisonné que l’on pourra garantir un futur aux flottes de pêche et aux communautés qui dépendent de cette ressource pour vivre.

Si on veut éviter que cette journée de consécration devienne une journée de commémoration, la réforme doit placer les enjeux environnementaux avant le reste en adaptant la flotte de pêche à la capacité des océans, en fixant des possibilités de pêche qui suivent les recommandations scientifiques, en réduisant les captures accidentelles, en créant des aires marines protégées accompagnées de leur plan de gestion, en protégeant les espèces menacées et les habitats essentiels pour les ressources halieutiques, en adoptant des mesures de gestion pour toutes les espèces commercialement exploitées... et surtout en contrôlant sans négligence le respect de des règles et en sanctionnant sans indulgence leur violation.

C’est ce message qui doit venir jusqu’aux oreilles des décideurs politiques en général et des parlementaires européens en particulier. On reproche à l’Union européenne d’être loin de ses citoyens ; on lui reproche son manque démocratique, et même si les choses changent, ça a été le cas de nombreuses années. Le rôle nouveau du Parlement européen en tant que co-législateur fait de ce dernier l’atout décisif pour le succès de la réforme. Les parlementaires auront en effet pour la première fois leur mot à dire sur la politique commune de la pêche et sont les seuls à pouvoir contrebalancer l’attitude des Etats membres qui semblent généralement plus préoccupés par l’opinion de leurs électeurs nationaux que par la recherche d’un intérêt général supranational.

En une journée consacrée aux océans et pour éviter qu’elle ne devienne une journée sacrifiée, décidons d’en faire une journée d’espoir.

Il est encore temps d’agir, alors espérons que les parlementaires auront la volonté et la persévérance de lutter pour une réforme durable et espérons que les Etats membres dépasseront la défense de leur intérêts nationaux pour permettre aux stocks de se reconstituer, aux habitats de se restaurer et aux générations futures de pouvoir continuer de pêcher et d’apprécier la beauté des océans.

Vos commentaires
  • Le 8 juin 2011 à 15:02, par HERBINET En réponse à : Journée mondiale des océans : pour une réforme de la politique commune de la pêche qui privilégie la durabilité écologique

    Une île nommée Recycled Island Dans le Pacifique Nord, un projet baptisé Recycled Island a pour objet la propreté des océans en recyclant des plastiques usagés pour donner naissance à un territoire durable off-shore, aussi écologique qu’ auto-suffisant. Dans la plus grande indifférence, des millions de déchets en plastique sont déversés dans les océans, lesquels au fil du temps agonisent toujours un peu plus de ces - si toxiques - fardeaux nuisant à l’équilibre des écosystèmes marins. Pour banal que soit le constat, l’eau est contaminée, la faune est malade. Les effets insidieux sont la règle, puisque le plancton, les poissons, les oiseaux et les mammifères ingèrent du plastique libérant des perturbateurs endocriniens. Pour résoudre cette dérive inacceptable, concevons le projet du territoire durable off-shore prenant la forme d’une cité écologique et auto-suffisante. Durable et urbain, l’habitat est construit avec des matériaux recyclés sur place pour minorer les coûts de transport. Dans ce projet de recherche qualifié d’écologie réparatrice, l’île flottante habitable, mêle et entre-mêle la thématique de la pollution des océans avec la thématique de la collecte et du recyclage des macro-déchets plastiques. N’émettant aucune émission de CO2 sur la totalité d’un périmètre de 10 000 mètres carré, les déchets plastiques sont transformés en matériaux de construction pour bâtir cette plate-forme vertueuse pouvant accueillir jusqu’à 500 000 réfugiés climatiques. Le fonctionnement se basera sur l’exploitation piscicole, sur des terres cultivables enrichies d’algues et d’engrais naturels (= compostage des déjections des habitants), sur une autarcie énergétique utilisant des turbines et des panneaux solaires. Idée étonnante ou embryon de modèle durable ? « L’histoire nous le dira ». * Démocratement * * Pierre-Franck Herbinet * * *

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