L’Europe en gros plan

, par Audrey Taupenas, Europe Créative

L'Europe en gros plan

L’Europe compte aujourd’hui 27 états membres. Mais comment fait-elle pour harmoniser sa communication et son information ?

Bien sûr, l’UE possède un service de communication et bon nombre de médias nationaux campent à Bruxelles comme correspondants permanents. Mais quelle est la place de l’Europe dans les médias français ? Et avec quelle liberté les médias d’Europe de l’Est peuvent-ils pratiquer leur métier, à l’exemple de l’Albanie ?

L’Europe, sous l’angle français

En France, le traitement de l’information européenne est souvent complexe. Les journaux nationaux ne savent pas toujours comment intéresser leur lectorat. Marie-Christine Vallet, journaliste et directrice déléguée à Radio France pour la section Europe explique : « Les questions européennes comprennent à la fois, la vie de l’Union, les propositions de Commissions, du Conseil des ministres et du Parlement. Mais aussi les procédures de l’UE sur les états ou encore les saisines de la Cour de justice et les relations d’état à état. L’information européenne n’est donc pas simple à donner. C’est très procédural, donc trop ennuyeux pour les lecteurs. »

Ainsi, aucun organe de presse n’applique la même politique. Les journaux économiques semblent les plus enclins à traiter l’actualité européenne, ainsi que certaines radios qui marquent les moments phares comme les sommets de l’UE. Côté télévision, c’est plus réduit à l’exception de l’émission Avenue de l’Europe sur France 3, et les chaînes Arte et Euronews.

Toutefois, il existe certains médias qui se tournent totalement vers l’Europe. Par exemple, eur@dionantes, une radio locale qui diffuse sur le net : www.eur@dionantes.eu et les ondes nantaises :101.3fm. eur@dionantes traite de l’Europe via l’actualité locale de sa région, les Pays de la Loire. Elle déclare vouloir « contribuer à l’édification d’une conscience citoyenne européenne faite de cultures, d’initiatives et de sensibilités diverses ». Pour ses fondateurs,« l’Europe se vit au quotidien  ».

Marie-Christine Vallet poursuit : «  Pour rendre les sujets plus attrayants et concrets aux yeux du public, les journalistes font passer l’information en allant à la simplification. Par exemple, sur la réforme des retraites il y a eu beaucoup de sujets présentant comment nos voisins européens ont réglé cette problématique sociale ». Les sujets dits « comparatifs » sont très employés mais ne suffisent pas toujours. Le défi des médias est de rendre l’actualité européenne moins ennuyeuse, en l’expliquant le mieux possible. « D’autant qu’il ne faut pas oublier que les décisions européennes influencent notre quotidien. Et cela, le public le comprend davantage aujourd’hui, car nous avons de plus en plus de réactions. » assure Marie-Christine Vallet.

Le Babel des médias

Si le public français semble de plus en plus sensible aux questions européennes. Peut-on, avec une UE à 27, mettre en place un journalisme européen ? Eddy Fougier, politologue et chercheur à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), explique dans une étude parue à l’automne 2010(1), que malgré la création de l’Association des journalistes européens (AJE), de l’Agence de presse européenne, The European (fermée en 1998), et du prix du journalisme européen Louise Weiss, il n’existe pas de « média paneuropéen populaire. »

Selon l’auteur de l’étude, il existe deux principaux handicaps pour intégrer davantage d’Europe dans les médias. Le premier est qu’il n’y a pas de « public européen ». En cause : «  l’absence de langue et de références culturelles communes au sein de l’UE. Or, l’un des sacro-saints principes du journalisme est celui de la proximité, c’est-à-dire d’un traitement de l’information en fonction des préoccupations et des sujets d’intérêt du public.  »

Le second est que les médias nationaux «  sont confrontés à une faible européanisation de leurs pratiques. Il n’y a donc pas d’uniformisation des pratiques journalistiques à l’échelle européenne et donc aucune émergence d’une forme de journalisme européen. » L’étude détaille ainsi les difficultés rencontrés par les journaux nationaux qui cherchent à tendre vers un journalisme européen.

Coup de projecteur sur les médias albanais, en quête de liberté

Moins de 20 ans après la chute des régimes communistes, l’Albanie a vu apparaître ses premiers journaux libres, au début des années 90. Tomi Nakuci, journaliste Albanais explique qu’«  actuellement on assiste à une saturation du marché de la presse écrite et à une nouvelle ruée, cette fois-ci, vers les médias audiovisuels, notamment la télévision. De rares radios et télévisions indépendantes ont fait leur apparition timide vers la fin des années 90. Aujourd’hui, leur nombre dépasse largement les besoins réels du public ». De plus, en matière de liberté d’expression et de presse, l’Albanie possède un cadre légal identique à celui de la majorité des pays de l’Union européenne. « Les accords à venir mettront le pays face à de nouvelles contraintes à respecter et rien ne laisse penser à des obstacles à cet égard » poursuit Tomi Nakuci.

Mais le journaliste ajoute un sérieux bémol : « Souvent, les médias sont créés simplement pour donner un support de plus à leurs patrons qui, les utilisant politiquement en faveur des gouvernants, espèrent assurer un coup de main à leurs affaires. D’où la difficulté des journalistes de sortir des limites de la ligne éditoriale imposée par leurs chefs. Les gouvernants, de leur côté, ont bien appris à utiliser subtilement la politique du bâton et de la carotte. » Selon le journaliste, d’une part, les gouvernants assurent aux médias, des recettes publicitaires juteuses provenant d’amis entrepreneurs et des facilités pour l’obtention des terrains immobiliers. D’autre part, ils contrôlent rigoureusement des diffuseurs concurrents, accompagnés des amendes de rigueur par le CSA, qui est totalement assujetti au contrôle du gouvernement.

Mais Tomi Nakuci reste confiant. « Malgré pas mal de difficultés liées à un marché limité, la multitude des télévisions, le cadre légal souvent mal appliqué, ou plutôt appliqué d’une façon sélective, je dirais que les médias en Albanie ont fait des progrès énormes concernant la liberté de la presse. Ils réussissent à transmettre en temps réel tout évènement se produisant dans le pays, sous tous les points de vue, rendant inutiles les médias étrangers qui, il y a quelques années, étaient suivis attentivement. De plus, quelques télévisions ont joué un rôle important dans la dénonciation de nombreux cas de corruption et de pratiques douteuses qui subsistent dans le pays. Elles jouissent aujourd’hui d’une franche sympathie du public et d’audiences importantes.  » (voir le Baromètre de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, en 2011, en Albanie).

Ainsi, l’évolution des médias albanais avance à petits pas. Même si les journalistes n’ont pas vraiment les moyens de faire leur travail. « Les journalistes en Albanie sont mieux payés que le reste de la population. Mais leurs conditions de travail restent précaires. La plupart d’entre eux ne jouissent pas de couverture sociale et de droits syndicaux ».

En 2009, l’Albanie a manifesté son intention d’intégrer l’UE. Depuis plus rien. « Les médias ne croient pas à un progrès rapide à cet égard. Ils reprochent à la classe politique d’avoir retardé le processus d’intégration du pays » explique Tomi Nakuci. Si les télévisions principales du pays ont leurs propres correspondants auprès les institutions européennes, « elles transmettent les interviews de différents représentants européens en faveur de telle force ou tel leader politique en Albanie. Ainsi, on manque cruellement de programmes sérieux sur le fonctionnent des institutions européennes ou sur les critères d’adhésion à l’UE. À ce qu’il paraît, l’ Europe est perçue encore comme trop lointaine ».

Europe Créative est un think tank créé par Rémy Degoul : «  Europe Créative : une boussole et une nouvelle balise en réponse à la désorientation et à la perte de sens qui gagnent toutes les sphères des sociétés européennes. »

(1) Étude d’Eddy Fougier : « Le journalisme européen, un bien nécessaire »
 http://www.cife.eu/UserFiles/File/EEF/357/EEF357-9EF.pdf

Photo : « Parachutist holding a European flag », source : Commission européenne.

Vos commentaires
  • Le 18 mai 2011 à 13:48, par Jonathan G. En réponse à : L’Europe en gros plan

    Une communication nullissime et une confiance aveugle dans l’objectivité des médias nationaux. Voilà le premier et le plus gros problème de l’UE. Les journalistes racontent n’importe quoi quand ils disent : « L’information européenne n’est donc pas simple à donner. C’est très procédural, donc trop ennuyeux pour les lecteurs. » Ils arrivent bien a dépeindre l’actualité politique nationale. Je crois savoir que les institutions européennes votent des textes, débattent des budgets, rendent des décisions de justice, tout comme le font les institutions nationales ! Ok, la terminologie change mais les traducteurs ça existe ! Dire que c’est « trop compliqué » pour leurs téléspectateurs, c’est de la connerie ; ils hésitent pas à nous diffuser la page de masturbation intellectuelle avec la promo du dernier livre de BHL qu’ils ont lu en diagonale tellement c’était chiant et après l’UE c’est « trop compliqué » à expliquer...

    La vérité c’est que les médias nationaux n’en ont rien à faire, à la limite ils préfèrent taper sur l’UE et « la technocratie de Bruxelles » ça leur fait plus d’audimat et ça alimente la paranoïa de leurs téléspectateurs. De toute façon, ça fait bien longtemps que les médias ont quitté le domaine de l’information objective et raisonné pour celui d’une communication émotionnelle. L’information n’est pour eux qu’un contenant qui emballe bien proprement l’émotion à transmettre (en l’occurrence la peur, la haine et le ras-le-bol). On nous sort tous les jours les images des migrants tunisiens sur les côtes italiennes, mais pas une seule fois on nous parle de Frontex. Ou l’histoire que la Commission aurait obligé la France a mettre une TVA sur internet. Tout ça c’est du pipeau mais bon c’est pas grave de taper sur l’UE elle est trop bête pour se défendre. Pas un seul média paneuropéen, pas un seul canal de communication direct entre les institutions de l’UE et ses citoyens, et après on s’étonne du NON à la Constitution et du populisme ambiant. Vous savez quoi ? J’ai envoyé une lettre au Parlement Européen pour leur demander s’ils ne voulaient pas essayer de produire un média de masse de type journal. Il m’a répondu qu’ils l’avaient déjà fait mais que ça avait été un échec. En même temps il fallait déjà avoir l’idée d’appeler le PE pour s’abonner à leur journal et avec 1 exemplaire pour 1000 personnes, je me demande bien ce qu’il croyait faire... Il est vraiment temps que les décideurs européens redescendent de leurs sommets éthérés parce que la chute va être très lourde. Ne me ressortez pas le chapître sur Arte et Euronews, l’une est payante et l’autre est beaucoup trop ciblée. Il faut arrêter de tenter d’européaniser les médias nationaux ILS NE LE FERONT PAS. Il n’y ont aucun intérêt. IL FAUT FAIRE LE BOULOT A LEUR PLACE. Si les dirigeants des institutions de l’UE ne sortent pas de leur connerie de tour d’ivoire non seulement ils n’auront jamais leur Europe Fédérale mais en plus ils vont nous faire perdre tous les acquis existants.

  • Le 18 mai 2011 à 14:51, par Krokodilo En réponse à : L’Europe en gros plan

    Un chercheur de l’Iris qui ose parler du handicap linguistique, il faut vite mettre au placard ce dangereux analyste ! La vérité, c’est comme l’alcool, il ne faut pas en abuser. Heureusement, c’est noyé comme un détail parmi d’autres qui expliquent l’absence de « media paneuropéen populaire. » Il faut donc lire attentivement pour deviner que c’est le point essentiel !

  • Le 20 mai 2011 à 14:18, par HERBINET En réponse à : L’Europe en gros plan

    Comment vivifier les démocraties européennes au service de l’intérêt général ?

    Il nous faut sauver le soldat EUROPE ! Au sein de nos sociétés européennes aux langues diverses et aux cultures multiples, les jeunes responsables politiques du XXIème siècle constatent avec amertume la haute vague de populisme s’abattant froidement sur notre territoire communautaire. Jamais la « vieille » Europe fut à ce point malmenée par le nationalisme instrumentalisant les couches populaires et provoquant le délitement des valeurs - solidarité, liberté, égalité et démocratie - au centre même des fondements de la civilisation européenne. Représentant de la nouvelle vague démocrate et fédéraliste, Pierre-Franck Herbinet résiste, anticipe et appelle à la prise d’initiative citoyenne. A cette fin, la modernisation de la démocratie comme de la gouvernance sont au centre des débats. Pour ce faire, faisons fi des paradigmes désuets et prenons des mesures visant à la prise d’initiative citoyenne. Par exemple, garantissons l’indépendance de la justice face au pouvoir exécutif, écrivons avec les citoyens une nouvelle constitution et redéfinissons de nouvelles missions d’intérêt général.

    Sans hésitation, nous devons cultiver notre jardin européen !

    Pierre-Franck HERBINET

  • Le 24 mai 2011 à 10:37, par HERBINET En réponse à : L’Europe en gros plan

    Rebattant les cartes du village global aux débats pluriels, Pierre-Franck Herbinet, Secrétaire Départemental (39) du Mouvement Démocrate, va dans le sens de l’Histoire en nourrissant le projet européen d’universalité. La feuille de route projette des pistes s’orientant sur l’accentuation de l’intégration, sur le renforcement de la coopération, sur la redéfinition d’un modèle de croissance durable, sur la modernisation démocratique, sur l’élaboration d’une nouvelle grille de lecture, sur l’implication créative des citoyens, sur les transitions sociétales, économiques, sociales et environnementales, sur la refondation des institutions, sur le renouveau de l’art de la gouvernance ainsi que sur un choix de valeurs servant l’action publique au service de l’intérêt général. Dans le huis clos du traditionnel petit déjeuner fédéraliste, dans l’ombre des puissants, la nouvelle génération accède à la conduite de l’action politique. Si désespérant le populisme soit-il, si désolant le nationalisme puisse-t-il être, l’œil neuf de la nouvelle vague centriste sculpte l’Europe politique par la mise en perspective du fédéralisme, de la démocratie et de l’intérêt général. Ce que jadis la devise « trônes en majesté » fut au château de Versailles, « unis dans la diversité » sera la nôtre en Union européenne.

    Pierre-Franck Herbinet

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