Pourtant, tout écrit, aussi étrange soit-il, est nourri des racines intellectuelles et sentimentales de son auteur. Or le concepteur de "Deblog", né dans la banlieue francfortoise est, d’une certaine manière, le fruit de la réconciliation franco-allemande et un modeste symbole du triomphe de l’amour sur les forces de la destruction et de la haine.
Porteur d’une double culture, source d’inspiration, il commence très jeune à écrire des aventures fantaisistes aujourd’hui presque intégralement disparues. Après une scolarité normale et des études à rallonge, le revoilà soudainement envahi par le désir d’écrire. Besoin illusoire de laisser une trace ? Envie irrépressible de donner vie à des univers chimériques ? Nécessité de se sentir partiellement reconnu ? Quoiqu’il en soit et ce ne doit pas être un hasard, cette fièvre « créatrice » est survenue dans une période de fréquents voyages à l’étranger, pendant une tranche de vie où ce narrateur distancié a parcouru plusieurs pays et visité de nombreuses villes européennes : Dublin, Prague, Londres, Porto, Bruxelles, Valence, Kiev, Copenhague… Autant de noms de lieux évocateurs avec leurs monuments somptueux, leurs rues au charme caractéristique d’une culture, leurs habitants généralement accueillants, leurs panneaux dans ces langues qu’on aimerait parfois mieux maîtriser…
Un kaléidoscope de cartes postales européennes
C’est ce mélange de sensations, cette mélodie d’ailleurs, ce kaléidoscope de cartes postales qui a sans doute bercé les idées de l’auteur en devenir pour l’amener à coucher ces curieuses images mentales sur le papier. Voilà pourquoi, sans être mentionnée, l’Europe transparaît imperceptiblement au détour des pages de ce roman de jeunesse.
De plus, si l’on y songe, l’Europe n’est pas cette simple vitrine dont l’image nous est renvoyée par les documents institutionnels et des plaquettes publicitaires. L’Europe est assurément un lieu de paix, de liberté et de démocratie. Toutefois, ce n’est pas lui retirer ses mérites, bien au contraire, que de constater que sa construction n’aura pas été un long fleuve tranquille. Des heurts, des rivalités, des incompréhensions, des préjugés ont freiné et continuent de peser sur le projet d’une Europe fédérale. C’est en ce sens que l’idée européenne rejoint quelque peu "Deblog" puisqu’elle est faite de tourments et d’espoirs, de victoires et de frustrations, de volonté et de velléités.
Ce livre qui semblait ainsi de pure fiction, une fantaisie empreinte de préciosité, un délire jubilatoire, un patchwork de genres, se révèle presque un carnet de voyage sur les traces de l’âme européenne, mais un carnet dont les images originelles auraient été métamorphosées par le truchement d’un mécanisme de travestissement. "Deblog" fait donc appel à l’imaginaire collectif de ceux qui ont cherché un moyen de s’ouvrir à de nouveaux horizons, d’apprendre une autre manière de vivre et de penser, de se ressourcer au milieu de l’altérité…
Enfin un dernier aspect, et non des moindres, rapproche cette œuvre à l’Europe, à son présent mais aussi à son devenir. Ce curieux roman n’est pas figé, il est offert aux yeux ainsi qu’à la curiosité des lecteurs à un moment donné. Il possède déjà une certaine consistance baroque dû à une écriture trouble et obsessionnelle.
Cafés viennois, musées catalans, pubs irlandais
Toutefois il mériterait d’être retravaillé et approfondi. Ainsi l’insertion des différentes parties dans une métahistoire et l’allongement de nouvelles prometteuses mais laissant quelque peu le lecteur sur sa faim devraient accentuer cette sensation de plongée dans un univers mental habité par des pubs irlandais, des cafés viennois, des musées catalans, des églises orthodoxes, des beautés roumaines, des quartiers lisboètes, des ruines maltaises et des fragments de songes. Pourquoi alors avoir osé proposer à la vente un roman inachevé ? Interrogation justifiée. Mais l’Europe est-elle une entité figée, à la cohésion absolue, au fonctionnement irréprochable ? N’est-elle pas sujette au doute, tiraillée par aspirations contradictoires, à la recherche permanente d’elle-même ?
C’est de la même façon que l’union des pays européens a fait la force de l’idéal communautaire, que notre auteur sentant être arrivé à la limite de ce que pouvait générer sa seule inspiration s’est décidé à publier un roman provisoire, dans l’espoir que les différents commentaires, encouragements ou critiques lui permettront d’aller plus loin pour peut-être un jour rejoindre la patrie des poètes.
1. Le 12 avril 2009 à 06:28, par Martina Latina En réponse à : L’errance littéraire d’un jeune Européen
Merci pour la présentation d’un livre qui s’annonce original et prometteur : comme disait Paul Eluard, « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré », même en tant que romancier ou critique !
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