Tel semble être aussi le rythme de progression de la législation européenne sur la supervision bancaire.
En 2009, le rapport officiel De Larosière - commandité par la Commission - avait clairement démontré qu’une part importante des responsabilités de la crise bancaire en Europe pouvait être attribuée à la carence des organes nationaux de supervision, combinée à l’absence de toute coopération effective entre ceux ci. La conclusion du rapport était sans appel : « Ils n’ont pas été à la hauteur de leur tâche ».
Successivement en Irlande, en Espagne, en Grèce et aujourd’hui à Chypre (pour ne pas citer le cas extra-européen de l’Islande), cette carence et cette attitude non-coopérative des superviseurs a permis le développement de « bulles bancaires » dont le public a progressivement découvert l’ampleur insoupçonnée. Ces « bulles » ont provoqué des faillites virtuelles - et systémiques - de l’ordre d’une centaine de milliards que seule l’intervention des États, gagée sur les finances publiques nationales et européennes, a pu maîtriser provisoirement.
Avec beaucoup de réticence, les États membres de l’UE ont finalement reconnu que - au delà du renforcement des organes nationaux « compétents » - la mise sur pied d’un système européen de supervision des grands établissements bancaires opérant à travers les frontières internes de l’UE était devenue incontournable.
Après l’échec patent de plusieurs tentatives de stress tests bancaires plus ou moins coordonnées, les Institutions communautaires - sous l’impulsion tardive de la Commission - ont laborieusement entamé un processus législatif de création d’un organisme unique de supervision à l’échelle européenne, placé sous l’égide de la BCE. Ce processus n’est toujours pas achevé ; son aboutissement - prévu pour le 1 Janvier 2013 - vient d’être renvoyé à 2014.
Au même moment, le Conseil européen découvrait avec stupeur l’état catastrophique des grandes banques chypriotes dont le renflouement se chiffrerait à près de 20 milliards. Ce même Conseil est d’ailleurs est encore loin de connaître avec précision l’état réel de la situation des banques d’autres pays comme l’Espagne, voire même l’Allemagne (au moins pour les caisses d’épargne des Landers).
De fait, la mise sur pied d’une véritable supervision bancaire européenne se heurte - non seulement à la résistance des Gouvernements nationaux - mais aussi à l’absence de compétence juridique pleine et entière de l’UE dans ce domaine.
La seule base juridique disponible est à la fois insuffisante et auto paralysante : l’article 127§6 TFUE prévoit seulement que « le Conseil, peut (...) à l’unanimité (...) confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurance ». Les praticiens du droit communautaire apprécieront la lourdeur et la fragilité de cette base juridique - à laquelle s’ajoutent d’autres obstacles comme la nécessité d’autorisations parlementaires dans certains États (comme l’Allemagne), le risque de contentieux juridictionnels (toujours en Allemagne) et la nécessité d’assurer une séparation entre les fonctions originelles de la BCE et son futur rôle de supervision.
Ajoutons que la création ex nihilo et toutes affaires cessantes d’un organe de supervision à l’échelle européenne - par nature indépendant et distinct des instances nationales - se heurte à de considérables difficultés matérielles, comme par exemple le recrutement nécessaire de près de ... 800 professionnels de la supervision - et le coût global de fonctionnement de cet organe.
Tout ceci pour dire que l’instauration et le fonctionnement d’une véritable instance de supervision bancaire européenne nécessite une légitimation et une base juridico-institutionnelle autrement plus claire et plus solide que le bref §6 in fine de l’article 127 du Traité.
Le même raisonnement s’applique, non seulement à l’ensemble à l’ensemble des dispositions relatives à l’« union bancaire », mais aussi - avec plus de force encore - à l’« union économique » et à l’« union budgétaire ». Pour ces trois « unions », les dispositions actuelles du Traité n’offrent que des bases juridiques indirectes, parcellaires, lacunaires voire inexistantes - soumises le plus souvent à la règle de l’unanimité et parfois dépourvues de légitimité démocratique. Tout ceci explique la lenteur des réactions de l’Union devant la crise et le caractère d’« usines à gaz » des mesures finalement prises ou encore à l’examen.
Dès 2008 apparaissait clairement la nécessité d’un « Traité de Maastricht II » - modifiant de fond en comble le titre VIII du Traité de Lisbonne relatif à « l’union économique et monétaire » . Le déséquilibre patent entre les « jambes » monétaire et économique de l’Union - laissé malencontreusement inchangé par le Traité de Lisbonne - n’est plus contesté par personne. Pour autant, aucune Institution ni aucun État membre ne semblent disposé à initier cet indispensable procédure de révision. Certains de ceux qui renvoyaient constamment et doctement cette révision au « long terme » confient à présent qu’il est peut-être trop tard...
Il reste tout de même à espérer que les Institutions (en première ligne la Commission et le Parlement) chargées de l’intérêt général de l’Union - qui est celui des citoyens sans emploi, des contribuables et des épargnants - vont finalement se convaincre de réagir et de s’attaquer à la racine du problème. En Mai 2014, ces citoyens vont devoir se prononcer sur l’avenir de l’Union. Pour que leur vote ne soit pas une motion de défiance ou, pire, d’indifférence, il serait utile que leur soit proposée en temps utile une perspective crédible de consolidation réelle et durable de l’union économique et monétaire - mais aussi de l’union politique qui sous-tend l’ensemble de l’édifice.
1. Le 21 mars 2013 à 16:05, par Mimmo D.DN En réponse à : L’exaspérante procession d’Echternach vers la supervision bancaire européenne
C’est un non-sens, les états ne veulent pas d’une EU fédérale, de peur d’abandonner une partie de leurs prérogatives, mais par contre dès qu’il s’agit de corriger leurs défaillances on se tourne vers l’Europe, celle même qu’ils tiennent à distance, cet exemple de La procession d’Echternach et l’article décrivent bien cette réalité politique, nos élus n’ont pas de vision Européenne tout juste une ambition d’élu qui est aux affaires, et c’est là le drame.
Pour 2014 je crains que les élections ne se transforment en section et si c’est le cas nos élus nationaux devront en répondre...
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