Le 16 janvier dernier, le Parlement européen rejetait...

La « Citoyenneté Européenne », rêvée par Giusto Catania

Eclairage sur une occasion manquée...

, par Florent Banfi

La « Citoyenneté Européenne », rêvée par Giusto Catania

Le 16 janvier 2006, à la grande déception des Européens convaincus, le Parlement Européen a rejeté le rapport « Catania » portant sur la citoyenneté européenne. Un rejet [1] malgré son (à cause d’un ?) contenu très ambitieux : extension du droit de vote aux étrangers, financements propres de l’Union européenne, carte européenne d’électeur, citoyenneté de résidence comme objectif de l’Union...

C’est sur les traces d’un autre membre du parti communiste italien, Altiero Spinelli, que le député européen Giusto Catania (Rifondazione Comunista) a rédigé ce rapport sur la citoyenneté de l’« Union ».

Ainsi, pendant que les partis communistes français passent leur temps à essayer de détruire tout ce que l’Europe a apporté depuis 50 ans -depuis la CED jusqu’à la Constitution- de l’autre côté des Alpes, on prend les choses en main pour essayer d’aller de l’avant.

De nombreuses propositions :

Et, à première vue, le député Catania n’a pas lésiné, ni sur les initiatives, ni sur les propositions :

 Une carte d’électeur personnalisée indiquant l’ensemble des élections auxquelles le citoyen peut participer, suivant sa nationalité et son lieu de résidence.

 Une taxe européenne permettant de rapprocher les réalités budgétaires européennes des citoyens.

 Des droits étendus pour les ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union depuis plus de 5 ans : droit de séjourner et de circuler librement en Europe, droit de voter et de se présenter aux élections européennes et municipales, droit de séjour permanent au bout de 5 ans.

 Le Droit de vote et d’éligibilité aux élections régionales et nationales pour tous les citoyens de l’Union résidant dans un autre Etat que leur Etat d’origine.

 Le Renforcement de l’Europe politique lors des élections européennes par l’élection d’une partie des députés sur des listes européennes transnationales présentées par des partis politiques européens.

Pour une citoyenneté de résidence, moyen de créer une véritable communauté politique.

Ce rapport révèle une réelle volonté de réduire les différences entre les citoyens européens (qu’ils vivent dans leur pays d’origine ou non...) et les résidants venant de pays tiers.

Ainsi Giusto Catania constate l’augmentation du brassage de populations, dues à l’élargissement (mais aussi les injustices croissantes qui en découlent...), ce qui l’amène à proposer des améliorations au dispositif actuel.

En effet, on constate que de plus en plus de personnes ne peuvent pas élire leurs représentants alors qu’ils sont précisément soumis aux même devoirs que les citoyens résidents. Or cela va à l’encontre du principe démocratique « no taxation whithout representation ».

Appliquer les mêmes droits à tous les citoyens résidant dans un même pays depuis une durée donnée (ici 5 ans) semble logique, car l’Union européenne doit faire face à des mouvements croissants de populations internes (comme externes...) qui augmentent les inégalités entre les citoyens « mobiles » et ceux qui sont « statiques ».

Ainsi, autant d’un côté on pousse pour une Europe de la mobilité (une Europe des libertés...) mais, de l’autre, on diminue les droits des personnes mobiles par rapport aux personnes statiques. Et -là- le manque de cohérence est flagrant.

En effet, si je me déplace dans un autre pays que la France, je ne peux effectivement pas voter aux élections régionales, nationales... Si mon déplacement dure 2 mois, cela ne pose effectivement aucun problème, mais que dire s’il dure 10 ans ?

Le système actuel, en plus d’être injuste, a été profondément condamné par l’abstention aux élections européennes. Et si l’on ajoute à ce phénomène l’augmentation du nombre de citoyens ne pouvant pas voter aux diverses élections (du seul fait de l’augmentation de la mobilité), l’on obtient le paradoxe de la citoyenneté européenne actuelle.

Comment alors résoudre ces injustices ? En introduisant la notion de résidence dans l’attribution de la citoyenneté européenne. C’est la seule solution permettant de dépasser les clivages identitaires, car elle met sur un même pied d’égalité tous les résidents sans tenir compte de leur(s) origine(s).

Ainsi, au paragraphe 8 il est écrit : « la reconnaissance de la citoyenneté de l’Union en fonction de la résidence devrait être le but final du processus dynamique qui fera de l’Union européenne une véritable communauté politique ».

Quand la raison ne suit pas le cœur...

Nos chers parlementaires européens sont les premiers à mettre en avant les effets néfastes du nationalisme, ces dérives qui ont entaché l’histoire de l’Europe de guerres et d’atrocités. Ils sont les premiers à combattre le racisme et les ségrégations raciales. Ils sont les premiers à brandir des panneaux « NON » lorsque Le Pen arrive jusqu’au second tour des présidentielles.

Mais lorsqu’il s’agit de reconnaître aux étrangers les même droits et devoirs que les citoyens « nationaux », alors là, il n’y a plus personne car les peurs reprennent le dessus :

Peurs du poids électoral des minorités russes pour les pays baltes. En effet, si le contenu de ce rapport entrait en vigueur, les minorités russes (réprésentant environ 40 % de la population totale) y disposeraient alors des même droits civiques que les baltes « pure souche ».

Mais peurs aussi, en France, pour les centristes qui se prétendent un parti profondément pro-européen. Attitude profondément étrange pour un parti qui devrait représenter l’avant-garde en matière d’intégration et être force de proposition en faveur d’une Europe politique.

A croire, donc, que les thèmes de l’immigration retranchent les partis dans leurs réflexes nationalistes. (M. Bourlanges, auriez-vous donc peur que dans 50 ans nous ayons, en France, un président de la République d’origine turque lorsque la Turquie frappera à nouveau à la porte de l’Union européenne ?).

Il s’agit donc bien là d’hypocrisie(s) de la part de nos hommes politiques qui -d’un côté- brandissent à l’unisson des slogans contre toutes les atrocités du monde mais qui sont en fait incapables de prendre (quand ils en ont la possibilité...) des décisions responsables, afin de mettre en application leurs beaux principes.

Après les votes négatifs sur la Constitution, ce rapport aurait pu être une belle tentative de relancer les débats et le processus européen par une mesure concrète telle que la citoyenneté.

Mais l’enthousiasme n’aura -décidément- pas duré bien longtemps : le Parlement ayant -hélas- rejeté cette proposition, visiblement trop ambitieuse pour nos parlementaires frileux mais -pourtant- tellement réaliste (et tellement nécessaire...).

Photo : (cc) Dean Terry

Notes

[1Proposition rejetée par 347 voix « contre », 246 voix « pour » et 20 abstentions.

Vos commentaires
  • Le 9 février 2006 à 08:19, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : La « Citoyenneté Européenne », rêvée par Giusto Catania

    Oui, enfin si on donne les même droits aux Européens et aux étrangers, la citoyenneté européenne ne sera plus qu’une coquille vide...

  • Le 9 février 2006 à 14:23, par David Soldini En réponse à : La « Citoyenneté Européenne », rêvée par Giusto Catania

    non. je ne crois pas. la citoyenneté ne se définit pas par rapport à l’autre mais bien par rapport à la communauté dans laquelle on vit. Je ne vois pas alors pourquoi discriminer entre nationaux et non nationaux, sauf à valider l’idée selon laquelle nationaux et non nationaux n’auraient pas les mêmes droits.

  • Le 10 mars 2006 à 17:24, par Paul Oriol En réponse à : La « Citoyenneté Européenne », rêvée par Giusto Catania

    Bonjour, Quand on parle d’attribuer la citoyenneté à tous les résidents quelle que soit leur nationaité, on a l’impression que pour certains, qui sont déjà citoyens, on leur prend quelque chose. Mais quoi ? C’est la simple application de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui fait partie de la Constitution française même, s’il est constamment violé. Les hommes naissent et demeurent égaux en droits. Yne campagne existe pour l’attribution de la citoyenneté de l’UE, la pétition peut être signée en ligne sur le site de l’AEDH. Amicalement Paul

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