Construire une fédération
Et pour construire une Fédération, pour entrevoir une unité plus grande et plus forte car fondée sur la liberté et non sur l’autorité, il faut changer la nature des Etats amenés à s’unir.
Il faut leur apprendre à transiger et, parfois, à obéir. La France n’a pas encore réellement entrepris sa révolution copernicienne. Sa nécessité est pourtant évidente.
Comment penser que des Etats dont le principe fondateur est la centralisation, démocratique ou non, acceptent de s’unir à d’autres, de se soumettre à une autorité commune et de ce simple fait en arrivent à nier leur propre nature.
La fin programmée du modèle hégélien de l’Etat souverain n’a engendré pour l’heure que le développement de cet anarchisme sauvage que Proudhon [1] méprisait.
Pourtant les classes dirigeantes de nos Etats moribonds se complaisent encore dans le culte décadent de puissances qui n’existent plus.
Ainsi parlait Proudhon
« Le système fédératif est l’opposé de la hiérarchie ou centralisation administrative et gouvernementale par laquelle se distinguent, ex aequo, les démocraties impériales, les monarchies constitutionnelles et les républiques unitaires.
Sa loi fondamentale, caractéristique, est celle-ci : Dans la fédération, les attributs de l’autorité centrale se spécialisent et se restreignent, diminuent de nombre, d’immédiateté, et, si j’ose ainsi dire, d’intensité, à mesure que la Confédération se développe par l’accession de nouveaux Etats.
Dans les gouvernements centralisés, au contraire, les attributs du pouvoir suprême se multiplient, s’étendent et s’immédiatisent, attirent dans la compétence du prince les affaires des provinces, communes, corporations et particuliers, en raison directe de la superficie territoriale et du chiffre de la population. De là cet écrasement sous lequel disparaît toute liberté, non seulement communale et provinciale, mais même individuelle et nationale.
Une conséquence de ce fait c’est que, le système unitaire étant l’inverse du système fédératif, une confédération entre grandes monarchies, à plus forte raison entre démocraties impériales, est chose impossible. Des Etats comme la France, l’Autriche, l’Angleterre, la Russie, la Prusse, peuvent faire entre eux des traités d’alliance ou de commerce ; il répugne qu’ils se fédéralisent, d’abord, parce que leur principe y est contraire, qu’il les mettrait en opposition avec le pacte fédéral ; qu’en conséquence il leur faudrait abandonner quelque chose de leur souveraineté, et reconnaître au-dessus d’eux, au moins pour certains cas, un arbitre. Leur nature est de commander, non de transiger ni d’obéir.
Les princes qui, en 1813, soutenus par l’insurrection des masses, combattaient pour les libertés de l’Europe contre Napoléon, qui plus tard formèrent la Sainte Alliance [2], n’étaient pas des confédérés : l’absolutisme de leur pouvoir leur défendait d’en prendre le titre. C’étaient, comme en 1792, des coalisés ; l’histoire ne leur donnera pas d’autre nom. Il n’en est pas de même de la Confédération germanique [3], présentement en travail de réforme, et dont le caractère de liberté et de nationalité menace de faire disparaître un jour les dynasties qui lui font obstacle. »
(P. J. PROUDHON, Du principe fédératif, 1863, chapitre VII)
1. Le 10 mai 2012 à 18:11, par Xavier
En réponse à : La Fédération selon Proudhon
Ce qui n’est absolument pas le cas de l’Union européenne. Peut-on donc dire que l’UE se fédéralise ?
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