La Pologne inquiète

, par Pascal Malosse

La Pologne inquiète
Les drapeaux de la Pologne et de l’Union européenne Auteur : Pawel Kabanski - Certains droits réservés

Quel est le rêve de la Pologne aujourd’hui ? Habilement défini par le Ministre des Affaires étrangères Radosław Sikorski, on peut le résumer ainsi : La Pologne a longtemps été un pays de l’Europe de l’Est, oublié de l’autre coté du mur. Depuis la réunification européenne, elle est devenue un pays important de l’Europe centrale, un modèle de réussite pour ses voisins.

La Pologne rêve à présent de devenir un pays de l’Europe du Nord, aux côtés de l’Allemagne et des pays scandinaves. La crise économique mondiale a cependant réveillé les craintes de ne pas y parvenir.

Les piliers de la croissance polonaise vacillent

Depuis la fin du championnat de l’Euro, la ferveur est retombée pour laisser place à une inquiétude grandissante. Les chiffres du chômage ne sont pas au beau fixe. Le taux remonte au dessus des 13%. Les entreprises s’étonnent de recevoir deux fois plus de CV qu’à l’accoutumée. Les écarts de richesse entre les régions les plus pauvres - surtout l’Est du pays - et les plus riches perdurent.

Les piliers sur lesquels reposaient la croissance de la Pologne, un étonnant « ilôt vert » au milieu d’une Europe moribonde, sont en train de vaciller. D’abord l’Allemagne, premier investisseur en Pologne qui profite des faibles coûts du travail, est entrainée par le ralentissement généralisé de l’économie mondiale et la baisse conséquente de ses exportations. Ensuite, de nombreuses incertitudes planent sur les prochaines aides européennes, les Etats Membres de l’UE se déchirant sur la programmation 2014-2020.

La Pologne est également touchée par de nombreux autres facteurs externes. Les banques du pays sont toutes des filiales de grands groupes étrangers. Deutsche Bank, Citi, Unicredit, BNP Parisbas pour ne citer qu’elles. Ayant de terribles difficultés au niveau mondial, elles n’hésitent pas à rapatrier des capitaux de Pologne - où la consommation et le marché du crédit sont encore robustes - pour soutenir leur maison mère. Les banques réduisent mécaniquement l’accès au crédit et le financement de l’économie locale.

Une conséquence directe de la crise de la zone euro est le problème des prêts contractés à la consommation par des dizaines de milliers de Polonais en francs suisses. En effet, il y a quelques années, il était avantageux de s’endetter en francs suisses, à des taux avoisinant les 3%, alors que s’endetter en złoty revenait à accepter des taux aux alentours des 6%. La crise de l’euro provoque une fuite des capitaux des pays du sud de l’Europe vers les pays "sûrs" : notamment la Suisse. Le Franc suisse n’en finit pas de se valoriser par rapport aux autres monnaies, obligeant la Banque Centrale suisse à acheter des euros par milliards pour stabiliser sa monnaie. Les Polonais se retrouvent donc en grande difficulté pour rembourser des prêts.

Un certain attentisme

Le gouvernement Tusk continue d’investir dans les infrastructures, vétustes ou insuffisantes. L’ouverture, maintes fois retardée, de la fameuse A2 qui relie Varsovie à l’Allemagne en passant par Poznan, a permis à de nombreux Polonais de conduire sur une autoroute pour la première fois, occasionnant l’apparition de nombreuses vidéos sur le net de conducteurs perdus aux sorties et intersections, certains n’hésitant pas à faire marche arrière ! Le train reste la plupart du temps un moyen de transport catastrophique. De nombreux voyages s’effectuaient plus rapidement dans les années 30 qu’aujourd’hui, quand ils n’ont pas été purement et simplement supprimés (je l’ai appris récemment à mes dépens, souhaitant rejoindre Vilnius).

Un plan du gouvernement de 50 milliards doit ainsi continuer de soutenir les investissements en infrastructures jusqu’en 2015. Cependant, il plane comme une atmosphère d’attentisme, une paralysie de tenter quoi que ce soit. Rejoindre la zone Euro est toujours un objectif, mais il est reporté à une date indéfinie. Le gouvernement préfère se concentrer sur un "miracle" comme celui du gaz de schistes, élevé au rang de priorité nationale, avec l’espoir de se rendre moins dépendant des importations russes. Des licences ont été accordées à de nombreuses compagnies américaines pour l’exploration des réserves potentielles. Les résultats sont souvent contradictoires. Le désengagement surprise du géant Exxon a été un coup dur pour le gouvernement et n’augure rien de bon.

L’envie persistante d’Europe

Selon le dernier sondage de la Commission (Eurobaromètre 77), les Polonais restent fortement attachés à l’UE, bien au dessus la moyenne européenne. 41% ont une image positive, et seulement 13% une image négative. Ils ont parfaitement conscience que la contribution financière que l’UE apporte au pays est vitale. Mais il ne s’agit pas que d’argent. Complexée, ayant la rage de rattraper les « décennies perdues » de l’époque communiste, la grande majorité de la population considère la construction européenne comme un objectif essentiel et rêve d’y jouer un grand rôle.

Après les années 1990 et 2000, de fastes et de modernisations, s’ouvre une nouvelle période, plus inquiète et incertaine. Les Polonais pourront dans tous les cas compter sur leur extraordinaire capacité à s’adapter et à rebondir.

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