Une contribution double de la part des militants fédéralistes : non seulement en tant que défenseurs des acquis de la ’’construction’’ mais aussi en tant qu’inspirateurs des politiques (i. e : ’’stratégie du souffleur’’) et – surtout – en tant que critiques intransigeants des insuffisances d’un cadre européen dont ils demandent inlassablement la réforme permanente pour maintenir en vie - malgré tout et quelques soient les difficultés du moment - l’idée d’une avant-garde politique et d’une intégration fédérale en Europe.
Le Fédéralisme de la Résistance : Années 1941-1942-1943-1944.
L’idée de reconstruire et de pacifier l’Europe sur la base d’une Union fédérale de ses Etats et nations est une idée qui (re)naît - dans toute l’Europe - dans la résistance au fascisme et au nazisme. Il s’agissait là d’essayer d’éloigner le spectre de la guerre, du fascisme et du nazisme.
Document emblématique de cette sensibilité politique fédéraliste : le fameux « Manifeste pour une Europe libre et unie » dit « Manifeste de Ventotène » écrit en détention dans cette petite île de la mer Tyrrhénienne (en 1941) et alors co-signé par les fédéralistes italiens Altiero Spinelli et Ernesto Rossi ; un document fondateur qui voit, dans le ’’principe d’une Souveraineté souvent illusoire’’ et dans l’Etat national (et dans ses contradictions), la cause des maux les plus profonds de notre temps : misères et exploitations diverses, crises et guerres.
Un document dans lequel les auteurs affirment que la priorité des priorités politiques n’est pas la transformation de l’Etat national vers quelque chose de plus harmonieux mais la réduction de la souveraineté absolue des Etats et l’abolition définitive de la division de l’Europe en Etats nationaux souverains, militairement séparés (concurrents en temps de paix ou ennemis potentiels en temps de guerre...). Aux yeux des auteurs : l’Etat-nation est une structure et un modèle politique n’étant pas en mesure de contrôler ses tendances fondamentales, mécaniques et mortifères, au rapport de force international (même lorsqu’il est gouverné par des partis qui se prétendent ’’progressistes’’ et favorables au changement social).
Outre la création du « Movimento Federalista Europeo » (en 1943, à Milan), cette sensibilité politique dite du « fédéralisme de la résistance » trouve également des échos un petit peu partout dans cette Europe plongée dans les ténèbres de la seconde guerre mondiale et alors soumise au joug nazi.
Ainsi en Allemagne, en 1943, avec le groupe clandestin la « Rose blanche » d’Hans et Sophie Scholl (qui lancent, dans un de leurs tracts, des appels à la constitution d’une Allemagne fédérale dans une Europe fédérale). Et, de même, en France (en avril-mai-juin 1944) avec les initiatives d’Henri Frenay, du mouvement de la résistance « Franc Tireur » et du « Comité français pour la fédération européenne » de Lyon.
Les cristallisations de l’après guerre : la création de l’UEF (1946-1947).
Dans l’immédiat après guerre, c’est là toute une floraison de mouvements politiques de sensibilité fédéraliste qui voit le jour (exemples : les « Nouvelles Equipes internationales » - d’inspiration chrétienne-démocrate - le « Mouvement pour les Etats-Unis socialistes d’Europe », le « Mouvement libéral pour l’Europe unie », etc).
Et notamment avec (sous la direction d’Alexandre Marc, son premier Secrétaire gal) la création de l’UEF (i. e : « Union européenne des Fédéralistes ») : un mouvement politique fondé en 1946-1947 (lors des fameuses réunions fondatrices d’Herstestein, de Bâle et de Montreux (Suisse) puis de Paris...). Une organisation nouvelle dont furent alors membres des gens comme Alexandre Marc, Denis de Rougemont, Robert Schuman, Altiero Spinelli (etc) : un mouvement réunissant alors des militants fédéralistes issus d’une quinzaine de pays différents.
Bref, pour structurer toute cette ’’germinaison’’ fédéraliste en un mouvement efficace, un comité de coordination de tous ces mouvements politiques fédéralistes vit alors le jour à l’instigation des fédéralistes (en novembre 1947) : le « Comité de coordination des mouvements pour l’unité européenne ».
Et c’est lui qui prit alors l’initiative forte de l’organisation du « Congrès de l’Europe » qui se tint alors à la Haye : en mai 1948 (et dont nous fêterons le cinquantenaire, l’an prochain).
Congrès européen à l’occasion duquel allait d’ailleurs naître le « Mouvement européen », naissance bientôt suivie de ses divers ’’surgeons’’ :’’Collège d’Europe de Bruges’’ (en 1949) et ’’Campagne européenne de la jeunesse’’ (première tentative de création d’une branche jeune du ME-I : en 1951-1959), ’’AEDE’’ (1956), etc.
Un mouvement européen qui rassemble alors aussi bien des militants fédéralistes qu’européistes mais dont la démarche (puisque par la suite présidé par des gens comme Jean Rey ou Paul-Henri Spaak, lequel allait par la suite jouer un rôle important dans la rédaction des projets de CED et de CEE) va concrètement s’imprégner de fédéralisme.
Le Congrès de l’Europe : la naissance du Conseil de l’Europe (1948-1949).
Le Congrès de la Haye qui se déroula en mai 1948 fut donc une réunion à laquelle participèrent des personnalités politiques éminentes de l’après-guerre (comme Konrad Adenauer et Walter Hallstein, Winston Churchill et Anthony Eden, Richard Coudenhove-Kalergi, Henry Brugmans, Paul-Henri Spaak), mais également des fédéralistes de premier plan (comme Altiero Spinelli et Ernesto Rossi, Alexandre Marc et Denis de Rougemont) mais aussi des responsables politiques français de tout premier plan (comme Henri Frenay, Léon Blum, François Mitterrand, Edgard Faure, Edouard Daladier, Jacques Chaban-Delmas, Raymond Aron, etc).
Malgré l’intérêt suscité dans l’opinion publique, le Congrès de la Haye n’obtint pas les résultats escomptés par ses participants. En effet, si les conclusions politiques officielles et solennelles du Congrès préconisaient en effet la création et la convocation d’une Assemblée parlementaire européenne, les Britanniques bloquèrent le projet, se contentant de proposer la création de structures à strict caractère intergouvernemental.
Seule une transaction de dernière minute permettant un an plus tard (Traité de Londres, mai 1949) la création – par compromis – de l’actuel Conseil de l’Europe (i. e : une Assemblée parlementaire strictement consultative fonctionnant sous un contrôle et suivant des modalités strictement intergouvernemtales...). Création néanmoins complétée par celle de la « Convention européenne des Droits de l’Homme » et de la « Cour européenne des Droits de l’Homme »...
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