La crédibilité défait l’eurodéputé socialiste

, par Yann Devès

La crédibilité défait l'eurodéputé socialiste

Décidément, PS et UMP se tournent le dos … Bastien Nivet signait dans Libération du 4 février 2009, « La disgrâce fait l’eurodéputé UMP ». L’on pourrait inversement affirmer que « la crédibilité défait l’eurodéputé socialiste ».

Cette remarque nous est inspirée par le cas de Gilles Savary, député européen socialiste élu depuis 1999. Il a certes eu quelques éclipses lorsque ses ambitions locales l’on scotchées au terrain, en Gironde, mais c’est un député actif. On peut même dire que c’est l’un des députés français les plus connus dans les couloirs du bâtiment Spinelli, aux côté des Cohn-Bendit ou des Lamassoure.

Le Parlement européen nécessite un temps d’adaptation

Or, le jeu parlementaire européen est autrement plus ardu que celui de l’hémicycle national, dont l’univers culturel reste abordable pour tout élu français. On pourrait aller jusqu’à dire que les citoyens ont tout intérêt à faire durer les députés européens tant l’apprentissage des règles est long : il faut comprendre le rapport à la Commission, la co-décision avec le Conseil, il faut s’accoutumer à être sans cesse contacté par les groupes de pression, tout ceci dans une ambiance multilingue !

Mais on oublie dans cette liste le plus concret : le travail de parlementaire européen est très spécialisé et la crédibilité met longtemps à s’établir aux yeux des confrères et des partenaires. C’est précisément cette crédibilité sur le sujet des transports qui justifiait, au terme de ce mandat, la réputation de Gilles Savary. En février, le député girondin a défendu un rapport sur un plan d’action de la Commission qui n’existait pas encore, en dépit des attentes. Et quelle récompense pour ce coup d’éclat qui lui vaut les louanges de tous les acteurs de la thématique : la disgrâce ! Le dernier week-end de février, la direction du PS lui notifiait qu’il était écarté des postes éligibles pour les élections européennes de juin

Savary : la disgrâce

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Le camarade Savary l’a pris avec philosophie, d’abord, se murmure-t-il, en buvant du Bordeaux au Salon de l’agriculture, puis en publiant sur son blog un communiqué froid et digne. Un détail de l’histoire parlementaire ou partisane ? Non. D’abord pour Gilles Savary, sans doute. Si assidu dans l’exercice d’une fonction pourtant peu valorisée dans un parcours politique local et national, son départ est déjà déploré de Talence, sa base arrière, jusqu’à Bruxelles, par ses confrères par le milieu socio-professionnel ou par les journalistes. Ensuite, pour les citoyens français.

Europe, nation : des scènes politiques déconnectées

Quel enseignement tirer de ce fait ? D’abord, l’excès de la logique de courants dans les partis de gouvernement français. Gilles Savary, appartenant au courant royaliste, lui-même en voie de subdivision, fait les frais des batailles entre leaders de courants, batailles qui l’avaient déjà contraint à être élu en Ile-de-France alors même qu’il est gascon. Cela est grave pour le PS, lequel n’a cependant rien à envier à l’UMP, comme l’a si bien démontré Bastien Nivet. Mais il faut tirer un autre enseignement plus global, politique.

C’est la déconnexion de la scène politique française et européenne. Les députés européens et leur structure, le Parti socialiste européen, ont accouché d’un programme électoral européen, appelé Manifesto. Mais cet embryon de débat européen au sein du parti est vite bloqué par le refus de composer les listes sur des critères dignes, comme le crédit des sortants et l’intérêt pour l’Europe des nouveaux. Que ce soit à l’UMP ou au PS, on retrouve souvent le même dépit vis-à-vis de l’Europe. Or, si la classe politique déconsidère l’Europe au point de piétiner le travail des siens, comment les français, dont un quart seulement sait que des élections européennes se profilent, peuvent-ils par eux-mêmes en venir à la considérer ?

A travers l’entretien de la coupure entre scène européenne et scène française, c’est l’action politique qui se trouve déconsidérée et le projet européen masqué. En faisant des désignations aux européennes un défouloir pour les courants, les partis de gouvernement s’exposent à un vote défouloir qui sera favorable aux extrêmes.

Vos commentaires
  • Le 10 mars 2009 à 08:00, par Fabien En réponse à : La crédibilité défait l’eurodéputé socialiste

    Et bien, on s’aperçoit que pour des partis comme les Verts ou le Modem, on a pas trop eu ce problème... C’est vraiment débile ce qu’il se passe en ce moment. On parle plus des listes que du débat européen.

    Par exemple, sur la loi sur la Riposte graduée, peu de monde parle du niveau européen où le Parlement européen pourrait interdire ce type de pratique avec des amendements judicieux dans le « Paquet télécom » qui doit être voté en deuxième lecture en avril.

  • Le 10 mars 2009 à 11:22, par Ced En réponse à : La crédibilité défait l’eurodéputé socialiste

    La politique franco-européenne est un Jardiland où les eurodéputés ne sont que de vulgaires plantes. Triste constat.

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