Plaidoyer pour une Europe acteur international

La mondialisation et l’Europe

« Unir l’Europe pour changer le monde ! »

, par Ian De Bondt

La mondialisation et l'Europe

Nous avons impérativement besoin d’une Europe politique intégrée là où la souveraineté nationale ne sert qu’à masquer l’impuissance des Etats. Tel est le constat que l’on peut tirer d’une analyse d’un monde aujourd’hui plus que jamais mondialisé.

Constat d’un monde mondialisé

La mondialisation est incontestablement un mouvement majeur de notre siècle, et elle prend aujourd’hui une ampleur inégalée du fait des répercussions économiques et sociales qu’elle engendre.

Liée au progrès des connaissances et des techniques, et à l’aspiration des peuples à la paix et aux échanges, la mondialisation a permis une libéralisation du mouvements des idées et a finalement vu aussi se construire des instances comme la SDN et l’ONU, créées pour prévenir des conflits désormais inéluctablement mondiaux.

La mondialisation a atteint une phase historique aujourd’hui : celle dans laquelle les pôles de la croissance mondiale vont se diversifier. Or les problèmes de gouvernance qui en découlent sont exacerbés par l’incapacité des Etats-nations à mettre en place les règlementations transnationales devenues indispensables.

L’Europe participe et est au cœur du processus de globalisation.

L’Union européenne est le premier exportateur de marchandises avec 17,2% des exportations mondiales. Cette formidable puissance commerciale est le premier partenaire de plus de 80 pays, son influence est donc indiscutable dans les échanges internationaux.

Sur le plan monétaire, l’Euro apparaît de plus en plus comme une véritable alternative au dollar.

Sur le plan diplomatique, que ce soit à l’OMC dans les négociations commerciales, ou dans les grandes conférences internationales, l’Union européenne représente une voix déterminante.

De ce point de vue là, l’élargissement va nous faire bénéficier des réseaux des nouveaux entrants. L’Europe accentue son influence sur le monde, mais le bât blesse quant au manque de moyen dont nous bénéficions face au géant américain.

Les insuffisances du modèle actuel

Au vue de son potentiel démographique, économique, et culturel, l’Europe pourrait occuper une place de choix, dans la mesure où elle a su construire en un demi-siècle un projet transnational capable de lui donner un rôle de pivot dans la phase historique que nous vivons.

Cependant ce projet semble avoir perdu de son dynamisme, révélant une impuissance européenne à forger une identité commune.

L’Europe subit de plein fouet les effets d’une crise identitaire. Mais au delà de ce constat, un rebond doit intervenir pour redonner du sens au projet européen. Pour cela une volonté politique est indispensable. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons fonder les conditions d’un nouveau modèle de développement basé sur la formation, la recherche, et guidé par un soucis constant de justice sociale.

Bien sûr les modèles et les traditions nationales diffèrent, mais une unité dans cette diversité existe, elle est faite d’une volonté de prospérité économique, de modernité démocratique et de cohésion sociale. Cette unité doit être proposé comme modèle de développement au monde, et nous pourrons ainsi nous imposer comme une force stratégique incontournable à nos partenaires.

Aujourd’hui confrontés à une remise en cause populaire de la construction européenne, les gouvernements européens doivent dans le même temps dépasser une Europe des marchés qui ne représente plus une perspective d’avenir suffisante pour retrouver la croissance.

En outre, nous ne pouvons plus nous affranchir d’un rééquilibrage en faveur des aspirations démocratiques des citoyens européens. L’adhésion des opinions publiques à un projet d’Europe puissance ne peut venir que d’une Europe audible.

Seule l’action coordonnée et collective peut ramener la prospérité économique. C’est ce que les citoyens européens attendent de l’Europe. La défensive et le retour en arrière ne peuvent être des solutions. Ambitieuse, l’Europe ne sera plus un bouc émissaire.

Nous ne pouvons faire l’économie d’une réforme des institutions. L’Union européenne ne deviendra un levier politique que si elle arrive à développer chez ses citoyens un sentiment d’appartenance et de légitimité. Sentiment que seul une constitutionnalisation à visée fédéraliste est capable de faire naître.

Construire l’Europe pour changer le monde

Le consensus dominant en France est qu’il faut militer en faveur d’une Europe puissance, apte à s’affirmer sur la scène internationale afin d’équilibrer la toute puissance américaine.

Face au monde unipolaire né de la fin de la guerre froide, face à une gestion unipolaire et sécuritaire du monde, la destinée de l’Europe serait de faire entendre une autre voix. En a-t-elle vraiment les capacités ?

Sur le plan politique il apparaît indispensable, comme c’est le cas à l’OMC, que l’Europe parle d’une seule voix à l’ONU, au FMI, à la Banque mondiale, à l’OIT. La défense d’un projet de « mondialisation équilibrée » passe par cet impératif.

Dans le domaine diplomatique nous patîssons de l’absence d’homogénéité de l’Europe sur les questions internationales. Sans politique étrangère commune, l’Union européenne n’a qu’un poids limité, et se voit discréditée au niveau mondial par ses discordances.

Un autre domaine où l’Europe gagnerait en mettant en place une politique commune, est celui de la circulation des personnes.

Une politique qualitative et quantitative de l’immigration semble incontournable tant dans la perspective de la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine, que dans celle du problème démographique auquel le Vieux Continent va devoir faire face.

L’Union européenne a besoin d’une véritable politique commune de l’asile et de l’immigration afin de combler les besoins de main d’œuvre qui existe dans certains secteurs, sans le faire au détriment des quelques 13 millions de chômeurs, ni des pays en voie de développement qui ont également besoin de travailleurs qualifiés.

Du point de vue économique, si l’Euro est un acte de volonté d’intégration et de puissance politique de l’Union européenne, et constitue une réponse à la globalisation par sa capacité à amortir les chocs extérieurs (fin des dévaluations compétitives par exemple), il ne peut être qu’une réponse partielle à la mondialisation.

D’abord parce qu’il ne couvre que le champ monétaire et que l’Europe a été incapable de mettre en œuvre la coordination des politiques économiques voulues par le Traité de Maastricht...aucune autorité n’étant clairement désignée à cet effet.

Ensuite parce que le champ social a été laissé en friche. La politique économique semble se limiter à la politique budgétaire. Absence d’harmonisation fiscale, faiblesse des politiques sociales, il reste beaucoup à faire pour que l’Union européenne devienne une union politique capable d’impulser la construction d’une autre mondialisation.

Croissance anémique de la demande intérieur, stagnation de la progression des revenus, politique monétaire entraînant des taux d’intérêts à long terme systématiquement supérieurs à la croissance, politiques budgétaires en total désynchronisation...

La conclusion de tout cela c’est que l’Europe ne peut pas relancer la croissance sans une coordination des politiques macroéconomiques de la zone euro, et donc sans un gouvernement économique.

Par son incapacité à produire une croissance autonome, l’Union européenne empêche les citoyens européens de croire en une prospérité commune qui leur permettrait de se concevoir comme faisant partie de la même entité.

Une Europe forte et unie pour une vraie présence sur la scène internationale

Relever la croissance potentielle devrait être la priorité aujourd’hui, car c’est elle qui nous permettra d’exister en tant que puissance politique capable de peser dans le monde et capable de porter une gouvernance mondiale dans ce monde multipolaire.

Le pourquoi de cette carence est à trouver dans une doctrine encore trop timoré de l’intégration européenne. En effet qui dit gouvernement économique dit souveraineté partagée. Or, le modèle de la concurrence mutuelle n’est plus viable.

Une mise en commun des politiques stratégiques est donc nécessaire afin d’arriver à la constitution d’une puissance politique d’envergure dans un monde multipolaire.

Nous avons impérativement besoin d’une Europe politique intégrée là où la souveraineté nationale ne sert qu’à masquer l’impuissance des Etats.

L’Europe fédérale voilà un grand dessein pour l’Europe. Après la paix, après l’Euro, l’Europe fédérale est la nouvelle utopie que nous nous devons de réaliser.

 Photographie : L’Europe vue du ciel (vue satellitale). Sources : Nasa.

Vos commentaires
  • Le 20 octobre 2006 à 18:51, par krokodilo En réponse à : Et la barrière des langues ?

    Vous n’évoquez pas une fois la barrière des langues, pourtant obstacle majeur à l’unification politique européenne et au bon fonctionnement de l’UE. Vous n’abordez pas non plus la place toujours plus grande de l’anglais dans les institutions européennes, et l’injustice de cette situation qui favorise énormément les anglo-saxons, dans l’emploi, dans la recherche, dans les organisations internationales, dans les études, sur le plan financier, en politique, bref, dans tous les domaines..

  • Le 21 octobre 2006 à 01:56, par Ronan Blaise En réponse à : Et la barrière des langues ?

    On n’est pas obligé de voir dans les langues de seules ’’barrières’’ entre êtres humains. C’est aussi un indéniable élément de richesse culturelle dont l’aspect négatif (i. e : en seuls termes d’incompréhension immédiate entre êtres humains...) peut aisément être atténué, voire contourné, grâce aux moyens que propose aujourd’hui la technologie moderne (mais cela - hélas - non sans coût).

    En tout cas, quel que soit votre point de vue sur toutes ces questions, nul ne doute que vous apprécierez alors notre dossier prochainement consacré au multilinguisme, lequel dossier sera publié dans nos colonnes à partir de ce dimanche 22 octobre...

    Ronan Blaise (Rédacteur en chef).

  • Le 12 novembre 2006 à 16:34, par Julien En réponse à : Et la barrière des langues ?

    Je suis tout à fait d’accord avec cette personne. L’anglais domine les autres langues de l’union européenne, et dans le cadre de la recherche d’un emploi il devient un élément indispensable ! J’aimerais également bien savoir comment cette union européenne peut elle se construire malgré le climat disparate des Etats membres ? Comment « le club des riches » (comme me l’ont nommé l’Europe jadis) va t elle faire pour remonter les retards des nouveaux pays:allons nous etre envahis par une main d’oeuvre bon marché qui acceptera d’etre payer moins et donc en conséquence d’occuper NOS emplois ! Comment l’Europe fait elle désormais face à la mondialisation ? Comment va-t-elle se relever du désarroi actuel ?

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