La présidence tchèque de l’UE : un exercice délicat

, par Marie-Alix Riou

La présidence tchèque de l'UE : un exercice délicat

« En tant que statisticien, j’évaluerais le bilan de la présidence tchèque ainsi, 100% de positif et 5% de négatif. », s’exclame J. Fischer, premier ministre tchèque au lendemain du Sommet Européen de Bruxelles. Pourtant, lorsque Prague succède à Paris pour assurer la présidence tournante du Conseil de l’Union, la partie est loin d’être gagnée. Aujourd’hui encore le bilan de la présidence tchèque demeure un bilan contesté. Retour sur une présidence agitée.

Une présidence à enjeux multiples

Lorsque s’ouvre la présidence tchèque en janvier 2009 les enjeux sont nombreux. Deuxième pays des PECO, après la Slovénie, à assurer la présidence du Conseil, son échec pourrait signifier celui d’une intégration manquée des nouveaux adhérents. Le calendrier ne joue pas en faveur du gouvernement tchèque. Sa présidence succède à celle de la France, haute en couleurs et célébrée par de nombreux commentateurs comme ayant permis le retour du politique au sein des institutions communautaires. La crise économique et financière ajoute un nouveau défi au gouvernement tchèque. Enfin, l’euroscepticisme d’une partie importante de la classe politique du pays suscite méfiance et inquiétude dans les capitales européennes.

Les débuts de la présidence tchèque voient se multiplier les symboles eurosceptiques souvent provocants. Pour le lancement de sa présidence, le gouvernement tchèque présente l’œuvre « Europa » signée David Cerny dont l’ambition est de représenter, à travers l’art, les différents stéréotypes nationaux. Si la France est associée à la grève, l’Allemagne, elle hérite d’autoroutes en formes de croix gammée et la Roumanie de toilettes turques. Cette polémique, si elle se place dans le registre symbolique, n’illustre pas moins les débuts d’une présidence agitée et contestée, qui pris parfois une tournure résolument hostile. Ainsi en est-il du refus de Vaclav Klaus d’apposer sa signature en bas du traité de Lisbonne pourtant ratifié par le Parlement tchèque, bloquant le processus de ratification du nouveau traité.

Un début de présidence agitée et contestée

Le programme de la présidence Tchèque « Europe sans barrières » affiche trois grandes priorités : l’Energie, l’Europe et le monde, l’Economie. « Trois grands E » pour un gouvernement tchèque qui prend la charge de la présidence du Conseil en janvier 2009, en pleine crise économique et financière. Ouvertement libéral, le gouvernement tchèque entend approfondir le marché intérieur, abolir tous les obstacles aux libertés de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, poursuivre les réformes de la PAC engagées par la France. Sur la scène internationale, Prague cherche à approfondir les relations avec les Etats-Unis et faire de la relation euro atlantique la base de la défense de l’Union. Favorable à l’élargissement, elle propose de nouer un nouveau partenariat avec les pays des Balkans et mets l’accent sur l’avancement des négociations d’adhésion avec la Croatie. Enfin, la République Tchèque entend libéraliser le secteur de l’énergie et renforcer la sécurité énergétique de l’Union.

Le bilan de la présidence tchèque a souvent été contesté et nombre de commentateurs ont critiqué son manque d’ambition politique et d’initiatives. Pourtant de multiples facteurs ont joué contre la Présidence Tchèque. C’est un gouvernement affaibli sur le plan intérieur qui préside le Conseil Européen exceptionnel de mars 2009 et qui obtient des chefs d’Etat et de gouvernement l’adoption d’un paquet de 5 milliards d’euros pour relancer l’économie, un montant souvent jugé insuffisant pour répondre aux enjeux de la crise… Le 24 mars 2009, l’opposition socialiste et quelques députés dissidents de la majorité provoque la chute du gouvernement Topolanek, à quelques jours du G20 de Londres et en pleine crise économique mondiale.

Sur la scène internationale, les initiatives de la République Tchèque ont été freinées par le manque de soutien politique reçu de la part de leurs partenaires européens. L’absence de Nicolas Sarkozy, José Luis Zapatero et Gordon Brown lors du sommet lançant le nouveau Partenariat Oriental décrédibilise l’initiative tchèque en la privant du soutien politique nécessaire à sa réussite. Au contraire, c’est parfois leur présence trop insistante qui complique la tâche du gouvernement tchèque. L’intervention de Nicolas Sarkozy en janvier 2009 a permis de trouver une issue rapide à l’offensive israélienne à Gaza, mais elle a également empêché l’Union européenne de s’exprimer d’une seule voix sur la scène internationale. Pour finir la crise économique mondiale et la mise en place de l’administration d’Obama ont rendu plus difficile encore une bonne gestion de la présidence Tchèque. « C’est pour ces raisons et pour bien d’autres encore que les conditions d’exercice de la présidence tchèque du Conseil de l’Union, se sont avérées particulièrement difficiles » conclut le bilan officiel de la présidence tchèque.

La présidence tchèque : à défaut d’un leadership politique, un habile négociateur ?

La chute du gouvernement Topolanek en mars 2009 permet de diviser la présidence en deux parties. L’arrivée au pouvoir du premier ministre J. Fisher confirme l’orientation pragmatique, prise par le gouvernement précédent et permet de faire émerger un accord sur un nombre important de propositions législatives. Une présidence du Conseil doit assurer deux rôles : un rôle de leadership politique et un rôle de négociateur, faire émerger un consensus au sein du Conseil. En matière d’activisme législatif, la République Tchèque a même rivalisé avec l’activisme montré par la France et a surpassé de loin le bilan slovène. C’est donc avec succès, que la République Tchèque a rempli cette deuxième fonction.

Le Conseil Européen de juin 2009 a permis de dégager un accord et de faire adopter des mesures de régulation financière pour répondre à la crise financière. Des mesures ont été votées par le Conseil pour améliorer la transparence des agences de notation et renforcer les fonds propres des banques. C’est également du côté institutionnel que les réussites de la présidence peuvent être reconnues. Les « garanties irlandaises » ont été négociées sous présidence Tchèque et l’accord sur la reconduction du président de la Commission sortant à également été conclu sous supervision tchèque.

C’est avec méfiance que les chefs d’Etats et de gouvernements des capitales de l’Union Européenne ont salué l’ouverture de la présidence tchèque et c’est souvent avec dureté que les journalistes ont conclu son exercice. Pourtant, le bilan de la présidence tchèque mérite d’être nuancé. Si elle n’a pas su donner les impulsions nécessaires à l’émergence d’une Europe politique, ce que Nicolas Sarkozy avait su faire, et si son manque d’ambition a souvent été critiqué, la République Tchèque a permis la conclusion d’accords sur un nombre important de domaines, dans un contexte international particulièrement difficile. La menace lancée par Vaclav Klaus en janvier 2009 « c’est simple, il ne se passera rien » a été écartée.

Illustration : José Manuel Barroso à gauche ; Václav Klaus, président de la République tchèque.

Source : Service audiovisuel de la Commission européenne.

Vos commentaires
  • Le 27 décembre 2009 à 06:13, par Martina Latina En réponse à : La présidence tchèque de l’UE : un exercice délicat

    Merci pour cet article : continuons de regarder positivement le passé pour envisager courageusement l’avenir et vivre généreusement le présent, entre partenaires européens et eurocitoyens, avec nos différences contre l’indifférence.

    Dépassons l’injustice et la peur, construisons dans le dialogue la paix : bref, cultivons patiemment l’ouverture et courons dignement l’aventure EUROPEENNE lancée à l’orient, à l’orée de la civilisation, sur un lumineux TAURILLON - mais surtout sous le visage et le nom d’EUROPE

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