La tension monte en Europe

, par Eric Schuller

La tension monte en Europe

A moins d’un an d’élections européennes cruciales pour l’avenir de l’Union, les responsables politiques de tout bord souffrent d’une sérieuse crise de défiance. L’interminable cure d’austérité a laissé des traces profondes. De nombreux gouvernements sont régulièrement discrédités. Et les instances européennes sont jugées trop éloignées de la réalité des peuples.

PS et UMP, géants aux pieds d’argile

Dans de nombreux pays, les élections européennes pourraient être la parfaite opportunité de sanctionner des gouvernements impopulaires. Le risque est réel en France. Le quinquennat de François Hollande piétine. Le président n’est pas jugé assez actif dans la gestion de la crise économique ou des sujets sociaux comme le mariage pour tous. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault peine à instaurer la discipline et l’exemple de l’éviction de Delphine Batho ne semble pas avoir calmé les ardeurs d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif apparemment favorable à l’exploitation du gaz de schiste.

Avec une opposition aussi moribonde et divisée que l’UMP, toujours en pleine guerre des chefs avec le retour de Nicolas Sarkozy, le terrain sera favorable aux extrêmes. L’invalidation des comptes de campagne de l’UMP, conjuguée à l’affaire Cahuzac, a plongé les principaux partis français dans l’opprobre. Jean-Luc Mélenchon, chef du Parti de Gauche, et surtout Marine Le Pen, tête d’affiche du Front National, sont appelés à en tirer profit. A la faveur du scrutin proportionnel, ces deux partis extrémistes ont toutes les cartes en main pour opérer une percée tonitruante dans l’hémicycle strasbourgeois.

Les indignés espagnols contre la corruption institutionnalisée

En Espagne également, la situation politique est inquiétante. De fait, la population est à bout et bat de nouveau le pavé pour manifester sa lassitude. Outre la crise économique qui continue de ravager le pays avec des taux de chômage extrêmement élevés, le parti au pouvoir se retrouve au cœur d’un scandale de corruption. De hauts responsables du Parti populaire (conservateur), dont Mariano Rajoy, actuel Premier ministre, sont soupçonnés d’avoir perçu des compléments de salaire en liquide.

Et la pression grandit pour le chef du gouvernement espagnol, qui refuse pour le moment de donner des explications. De nombreux Madrilènes, regroupés devant le siège du Parti populaire, ont réclamé la démission de Mariano Rajoy. Douze d’entre eux ont d’ailleurs été blessés jeudi 18 juillet lors d’une manifestation. « J’ai honte de toutes ces affaires de corruption. Jusqu’à présent nous n’avons eu aucune explication, et surtout pas de la part du chef du gouvernement, qui est un lâche, incapable de se présenter devant le Parlement », déclarait José Martinez, retraité indigné de 70 ans.

L’Europe, chantre de l’austérité

Au niveau européen, le constat n’est guère plus réjouissant. Les institutions sont régulièrement accusées de rester cloîtrées dans leur tour d’ivoire, invitant les Etats à mener des réformes d’austérité sans prendre en compte la gronde des peuples. Ce n’est pas le vote du budget européen pour 2014 qui aura de quoi rassurer les citoyens. Doté de seulement 134 milliards d’euros, soit environ 1% du PNB de l’Union, il est en recul de 6% par rapport à 2013. La somme de 3,6 milliards d’euros devrait « financer l’Initiative pour l’emploi des jeunes et des mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises ». Une somme qui paraît dérisoire alors que dans de trop nombreux pays le chômage des jeunes dépasse les 25% (56% en Espagne).

De plus, le fait est que la Commission européenne envoie des signaux contradictoires aux citoyens. L’un de ses derniers projets – la limitation des commissions d’interchange – s’apparente en effet à une nouvelle attaque au portefeuille. Il s’agit de réduire le montant des commissions que les banques s’appliquent entre elles lors des paiements par carte bancaire. Le 24 juillet, Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur, doit présenter cette proposition officiellement. Or ce manque à gagner considérable pour les banques risque fort d’être compensé par les consommateurs. C’est le cas en… Espagne, pays qui a déjà mis en place cette réduction des commissions d’interchange. Les Espagnols ont alors vu leurs cotisations annuelles pour leurs cartes bancaires augmenter de 50%.

Les partis en ordre dispersé à l’approche des élections

Dans un tel climat de défiance envers les pouvoirs publics, nationaux et continentaux, le risque de fiasco lors des prochaines élections européennes est grand. La progression des partis extrémistes devient de plus en plus probable tandis que l’abstention devrait une nouvelle fois caractériser ce scrutin qui n’intéresse qu’une faible minorité des Européens. Les propositions d’Andrew Duff, député européen britannique et membre des libéraux et démocrates, de créer des listes transnationales et d’harmoniser le ou les jours des élections, afin de leur conférer une stature réellement européenne, ont de fortes chances de ne pas être mises en place, faute d’un accord avec le Parti populaire européen.

La seule réelle avancée démocratique sera certainement l’élection du président de la Commission européenne par le biais des élections européennes. Le traité de Lisbonne prévoit en effet que ce poste soit occupé par le chef du parti majoritaire au Parlement européen. Cette disposition n’a malheureusement pas séduit tous les partis avec la même vigueur. Si le nom de Martin Schulz, actuel président du Parlement européen, circule depuis longtemps au sein des Socialistes et Démocrates, aucune personnalité ne s’est encore dégagée parmi les conservateurs. La personnification de l’élection semble pourtant un moyen judicieux de mobiliser davantage les citoyens. Les partis nationaux apparaissent donc en ordre dispersé à l’approche de ces élections qu’ils semblent dédaigner. Souvent critiqués, les responsables politiques ne pourront pourtant pas se permettre la lourde déconvenue à laquelle ils s’exposent en cas de défaite.

Mots-clés
Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom