La décision Arcelor lui permet de tirer les consequences des bases constitutionnelles du droit européen. La décision Gardedieu lui permet de renforcer l’effectivité des droits européens des personnes.
La spécificité constitutionnelle du droit de l’Union européenne reconnue
La décision Arcelor du 8 fevrier 2007 se lit au miroir de la jurisprudence constitutionnelle initiée au début dés années 1990, affinée en 2004 et 2006. La transposition des directives est une exigence constitutionnelle. En conséquence la directive forme un écran entre la Constitution et les mesures nationales d’application. Seul un droit constitutionnel national conduira le juge national à manquer à son obligation de veiller à la transposition d’une directive. En cas de doute sur la conformité d’une directive aux droits de l’homme et si les droits invoqués sont effectivement garantis dans l’ordre juridique communautaire, alors le juge national renvoie la question préjudicielle à la CJCE (Cour de justice des Communautés européennes).
La nouveauté tient dans la reconnaissance expresse de la valeur constitutionnelle de l’appartenance française à l’Union.
Cette jurisprudence est à la fois un aboutissement et un nouveau départ. Le Conseil d’Etat assure traditionnellement la primauté du droit communautaire sur la loi. En cela il poursuit sa jurisprudence liée à la primauté. La nouveauté tient dans la reconnaissance expresse de la valeur constitutionnelle de l’appartenance française à l’Union.
La question restant en suspend, qui ne s’est pas produite, est celle d’un droit constitutionnel non garanti en droit communautaire. C’est l’hypothèse qui conduira le juge national à écarter la norme européenne au profit de la norme nationale. Il en résulterait à la fois un risque de manquement devant la Cour et un risque d’engagement de la responsabilité de l’Etat.
Le droit européen à l’origine d’un nouveau régime de responsabilité
L’affaire Gardedieu porte sur la question de la responsabilité de l’Etat en raison de ses lois. Depuis 1938, un régime restrictif de responsabilité du fait des lois était en place. Seul un dommage spécial et anormal pouvait conduire à l’engagement de la responsabilité de l’Etat législateur devant le juge national. Il fallait en outre que la loi n’ait pas entendu exclure toute forme de responsabilité. Ce régime de responsabilité sans faute fondé sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques, était lié à une conception légicentriste du droit, la loi exprimant la volonté générale.
Depuis lors, la norme européenne porte une nouvelle volonté générale et s’impose aux lois nationales. Il importait donc que la responsabilité de l’Etat législateur puisse être plus facilement engagée au nom des droits des citoyens. Plusieurs réflexions s’étaient nourries notamment autour de l’idée d’un régime de responsabilité pour faute du législateur. Cependant, l’idée de faute n’a pas été retenue par le juge.
C’est donc un nouveau régime de responsabilité du fait de la violation par la loi des conventions internationales qui est créé par le Conseil d’Etat. Désormais, en soi, la violation par la loi des engagements internationaux de la France est susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat, sur un fondement non fautif et sans restriction particulière. Il s’agit d’une innovation majeure de la part du Conseil d’Etat.
En somme, ces deux décisions sont essentielles à la fois par la reconnaissance attendue de la spécificité du droit communautaire et par le renforcement des droits que les citoyens tiennent du droit international. Sa capacité créatrice est maintenue, relancée même par la construction européenne.
1. Le 27 mai 2007 à 09:51, par calvinus
En réponse à : Le Conseil d’Etat, juge europeeen
Fort bien. Je crois comprendre que le citoyen français, militant européen, a là des raisons de se réjouir. Puis-je, cependant, demander respectueusement à l’auteur (ou bien amicalement au Taurillon) de donner une traduction en termes aisément compréhensibles par qui n’a jamais étudié le droit ?
2. Le 27 mai 2007 à 11:58, par Fabien Cazenave
En réponse à : Le Conseil d’Etat, juge europeeen
Le citoyen français a non seulement des droits issus de l’arsenal constitutionnel, législatif et autrs français, mais également du droit communautaire.
Cet arrêt est notamment une confirmation du fait qu’un réglement ou qu’une directive venant du niveau européen est plus important qu’une loi française. En tant que citoyen, vous pouvez donc vous en prévaloir pour faire valoir vos droits.
Voici un rôle protecteur de l’Europe qui est mis en avant. Nous continuerons à développer ces explications dans un prochain article.
3. Le 3 juin 2007 à 10:16, par frédérique
En réponse à : Le Conseil d’Etat, juge européen
sans vouloir jouer les pessimistes de service .... 1) pur hasard, l’étudiante que je suis était en viste du coté de luxembourg ce jour là et .... il semblerait que certaines personnes travaillant à la Cour considèrent, avec un joli sourire, que le pas n’est pas si important. Il est vrai que j’ai du mal avec le fait d’applaudir un tel arrêt. ce n’est qu’une maigre concession du CE, une concession en demi teinte... A force de résistance contra legem (du point de vue d’un communautariste), on est arrivé au stade où on crie de joie quand il fait un pas vers le respect du droit communautaire.... 2) surtout, en examinant les faits, on se rend compte que la directive dont la transposition est contestée est un acte mettant en oeuvre le protocole de Kyoto. Cela fait dire à certains que la Cour ne suivra jamais le CE, qui a bien mal choisit son espèce....
un peu d’optimisme quand même !!! le Conseil d’Etat comme la Cour de cassation fêtent les 50 ans du Traité de Rome en consacrant leur rapport annuel au droit communautaire.... Collector.....
4. Le 3 juin 2007 à 14:22, par Emmanuel Vallens
En réponse à : Le Conseil d’Etat, juge européen
C’est vrai. Finalement, le Conseil d’Etat ne fait qu’entériner la décision de 2004 du Conseil constitutionnel (Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, « Loi pour la confiance dans l’économie numérique »), donc rien de vraiment neuf sous le soleil.
5. Le 6 juin 2007 à 15:07, par florence
En réponse à : Le Conseil d’Etat, juge europeeen
Quelques réponses aux commentaires
Je me permets aussi de renvoyer, sur les 50 ans du traité de Rome à un numeor spécial des Petites affiches sorti fin avril qui fait le point sur les influences de l’Europe sur le droit français
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