Le Kosovo, terre de 2 millions de personnes peuplée à 90 % d’Albanais, est disputé de longue date entre les Serbes, les Albanais et les Bosniaques. Situé au sud de la Serbie, le Kosovo a appartenu à toutes les formations de Yougoslavie existantes, qu’elles soient monarchiste ou titiste. Elevé au rang de province autonome dans la constitution yougoslave de 1974, le Kosovo fut le terrain de tensions dans la région, accrues notamment avec l’arrivée au pouvoir en Yougoslavie de Slobodan Milosevic. Dans une région troublée à la suite de l’éclatement de la Yougoslavie, la guerre du Kosovo à la fin des années 1990 donna lieu à une intervention internationale, sous le régime de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 10 juin 1999. Le territoire, partie de la Serbie, est alors sous tutelle des Nations unies.
Le plan Ahtissari, du nom de l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, recommande le 26 mars 2007, que le Kosovo accède à l’indépendance sous supervision internationale, facteur du développement régional, notamment économique. L’OTAN assure le volet militaire (KFOR), l’UE se chargeant notamment du domaine civil – le Bureau civil international se chargeait de veiller à la mise en œuvre par le gouvernement kosovar des dispositions du statut juridique. La mission européenne EULEX, administratrice de la transition, intervient dans les domaines de la police, de la justice et des douanes. Ce projet fait suite à l’échec des négociations de compromis avec les dirigeants serbes et kosovars.
Une lente et difficile construction de l’Etat du Kosovo
C’est dans ce contexte de présence internationale et de tensions internes, que « les dirigeants démocratiquement élus » du Kosovo déclarent unilatéralement l’indépendance, le 17 février 2008. Ils annoncent leur volonté « de se rapprocher des démocraties euro-atlantiques », prévoyant par ailleurs une future adhésion à l’Union européenne.
La Constitution, promulguée le 15 juin 2008, établit un régime parlementaire, avec des droits dérogatoires pour les minorités et notamment pour la communauté serbe, via un système de double majorité. Cette promulgation est suivie de celle de 41 textes de loi mettant en œuvre les principales dispositions du texte constitutionnel, dans les domaines notamment des nouvelles municipalités serbes, de la décentralisation, de la protection des biens religieux serbes. Non sollicitée dans cette déclaration, l’ONU demanda l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) quant à la conformité de cette déclaration d’indépendance au droit international. La CIJ statua le 22 juillet 2010 : cette déclaration ne viole ni le droit international général, ni la résolution 1244, ni le cadre constitutionnel du Kosovo. Néanmoins cet avis ne règle en rien la question de la qualité d’Etat du Kosovo, rendant ainsi difficile sa reconnaissance par un certain nombre d’Etats, dont européens.
Les élections législatives du 12 décembre 2010 voient la victoire du PDK, le Parti Démocratique du Kosovo d’Hashim Thaçi. Ce dernier devient Premier Ministre à la suite d’un accord de coalition entre le PDK, l’Alliance pour le renouveau du Kosovo de Behgjet Paçolli et des minorités serbes – du sud du pays. A la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité de l’élection du président Sejdiu pour cumul de mandats, la coalition au pouvoir et le principal parti d’opposition, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) assurent l’élection, le 6 avril 2011, de leur candidate : Atifete Jahjaga devient la première femme Présidente de la République du Kosovo. L’actuel gouvernement compte un vice-ministre – en charge également de la décentralisation – et trois ministres issus de la minorité serbe.
Quatre ans après sa proclamation d’indépendance, le Kosovo demeure dans l’incapacité d’asseoir son autorité sur l’ensemble de son territoire, et notamment sur le nord du pays, frontalier de la Serbie, où résident 40 000 Serbes du Kosovo sur environ 120 000. Le référendum des mardi 14 et mercredi 15 février 2012 l’illustre : les Serbes du nord du territoire ont rejeté à 99,74 % le Kosovo indépendant, dénonçant les concessions faites par Belgrade, selon eux sous la pression de Bruxelles. Ils reprochent notamment à Belgrade d’avoir accepté en mars dernier des pourparlers avec Pristina, parrainés par Bruxelles, tout comme d’avoir conclu plusieurs accords avec le gouvernement kosovar, qualifié d’ « illégitime ». Ce scrutin est sans conséquence légale, mais néanmoins perçu comme un coup dur porté aux efforts visant à régler les différends entre Pristina et Belgrade. Or les progrès dans les relations entre la Serbie et le Kosovo sont cruciaux pour la poursuite du processus d’adhésion de Belgrade ; l’UE doit statuer à ce sujet fin février 2012.
Sur le plan économique, si la phase de reconstruction d’urgence est achevée, tout reste à faire en matière de productivité. Avec un taux de chômage de 43 % touchant principalement les jeunes, le territoire connaît de nombreux handicaps : dépendance budgétaire de l’aide extérieure, faible niveau de formation technique de la main-d’œuvre, émigration des élites. Selon l’ambassade de France au Kosovo « l’économie kosovare, presque exclusivement centrée sur le petit commerce et les activités de construction, reste dépendante de l’aide internationale et des transferts financiers de la diaspora ». Il existe aussi des réseaux d’économie parallèle. Le déficit public reste important. Si le Kosovo dispose de richesses minières et hydro-électriques, l’appareil de production souffre de vétusté et nécessiterait des investissements considérables.
La plus lente et difficile encore, reconnaissance internationale du Kosovo
Au 17 février 2012, 88 États – dont 22 des 27 États membres de l’Union européenne, et tous les membres du G7 – ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Le refus de Moscou de reconnaître le Kosovo indépendant, et les tensions entre l’UE et la Russie qui ont entourées la déclaration d’indépendance des autorités kosovares, illustre la difficulté – quelque peu apaisée aujourd’hui – de Moscou à reconnaître et accepter les tensions séparatistes chez ses voisins, son refus d’un précédent kosovar. Il peut s’agir d’une volonté de donner un coup d’arrêt à l’expansion de l’OTAN et de l’UE à l’Est, dans une perspective de puissance régionale retrouvée.
Le Kosovo reconnu unilatéralement par les États-Unis et l’Europe, a pu faciliter la reconnaissance unilatérale de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie. Pour l’Union européenne, la Serbie et le Kosovo sont une priorité essentielle, l’avenir des Balkans occidentaux s’inscrivant résolument dans sa perspective. L’UE considère que la meilleure manière pour le Kosovo de progresser vers l’intégration européenne consiste à mettre en place une société démocratique et multiethnique, dans le plein respect de l’État de droit, pays qui coopère pacifiquement avec ses voisins et contribue à la stabilité régionale et européenne. Cela suppose l’adoption de mesures ambitieuses, à même de garantir l’avenir de toutes les communautés présentes au Kosovo, comme condition d’un développement économique et politique durable dans cette région. C’est pourquoi l’UE joue un rôle de premier plan dans la présence internationale au Kosovo, en étroite coordination avec les acteurs locaux et d’autres acteurs internationaux. La perspective de l’adhésion est souvent considérée comme un facteur clé d’apaisement des tensions entre Pristina et Belgrade.
Le jour-anniversaire de l’indépendance du Kosovo, le 17 février 2011, la présidente du Kosovo, Atifete Jahjaga affirmait : « Tous les citoyens [...] voient l’avenir du Kosovo au sein de l’UE et de l’OTAN, et dans une amitié éternelle avec les États-Unis ». Malgré des difficultés à enrayer la pauvreté et la corruption dénoncées par l’Union européenne, Pristina conserve le même objectif, quatre ans après son indépendance : intégrer la communauté euro-atlantique et l’Union européenne. Le compromis avec la Serbie passe sans doute par le levier de l’ambition serbe de rapprochement avec l’UE. Il permettrait d’envisager une nouvelle dynamique de résolution des « conflits gelés » en Eurasie. Stabilité et primauté du droit, tels sont les enjeux de l’UE au Kosovo, comme gages de stabilité et de primauté du droit dans les relations entre la Russie et l’Occident.
1. Le 23 février 2012 à 17:05, par CCG En réponse à : Le Kosovo : 4 ans d’indépendance
Un des problemes des relations entre le Kosovo et l’UE (qui a un impact aussi sur les relations UE-Serbie et les attentes de l’UE envers la Serbie) est que tous les pays de l’Union n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo. 5 d’entre eux ne l’ont pas fait et il est difficile pour l’UE de se positionner quand ses Etats membres ne sont pas d’accord
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