Le futur de l’urbanisme européen

, par Maël Donoso

Le futur de l'urbanisme européen

Parlons un peu du futur, et en particulier des cités du futur. Il est aujourd’hui admis que l’urbanisation anarchique du vingtième siècle a montré ses limites, et qu’elle ne suffira pas pour répondre aux défis du vingt et unième.

Pour satisfaire aux exigences du développement durable, nous devrons forcément repenser en profondeur nos villes, afin de rendre celles-ci plus écologiques, plus pratiques, plus sûres et plus vivantes.

Cette réflexion doit s’étendre à tous les éléments qui fondent le système urbain : les transports, le recyclage, l’eau et l’électricité en particulier.

Mais où, sur cette planète, se trouvent les urbanistes capables de mener une telle réflexion ?

Masdar City

En première approche, on est tenté de se tourner vers les Émirats Arabes Unis, et le projet Masdar City lancé par l’émirat d’Abou Dhabi. Masdar (« la source », en arabe) sera la première cité entièrement écologique du monde, capable de fonctionner sans émission de gaz carbonique et sans production de déchets. Prévue pour accueillir environ 50.000 habitants d’ici 2016, elle bénéficiera d’une technologie de pointe en matière de construction, de centrales solaires, de traitement des déchets et de dessalement de l’eau de mer. Elle devrait également accueillir une université spécialisée dans les énergies renouvelables.

Le futur se jouerait-il donc dans la péninsule arabique ? Faut-il affirmer, comme le film de présentation du projet, qu’un jour, toutes les cités seront construites comme Masdar ?

La situation n’est pas si simple. Ne parlons pas du paradoxe qu’il y a, pour un pays ayant fondé sa richesse sur les énergies fossiles, à se présenter aujourd’hui comme le leader du développement durable. Le projet Masdar, ainsi que d’autres essais de villes écologiques comme le projet Dongtan en Chine, fournira sans doute des renseignements précieux pour préparer l’urbanisme du vingt et unième siècle. Mais en tant que tels, ils ne fourniront pas un modèle transposable aux grandes villes mondiales, et en particulier européennes.

Un modèle européen de l’urbanisme

L’Europe n’est pas un désert, et notre tissu urbain est tout sauf une carte vierge. Ce constat de bon sens est valable pour toutes les régions peuplées du monde, mais les villes européennes possèdent un patrimoine historique et culturel qui n’a que peu d’équivalents à l’échelle planétaire, et se prêtent donc plus difficilement que d’autres à des remaniements radicaux. Si Masdar et Dongtan doivent être bâties ex-novo, les urbanistes désireux de réformer les cités européennes doivent tenir compte de ce qui existe déjà.

Comment rénover des villes en préservant leurs centres historiques ? Comment trouver un compromis entre la conservation du passé, les impératifs du présent et les défis du futur ? Voilà la vraie question posée à l’urbanisme en Europe.

Des modèles européens existent. Pensons par exemple aux éco-quartiers, qui émergent dans de grandes villes comme Paris et Londres, et qui mériteraient d’être généralisés. Pensons aussi et surtout à Berlin, qui a su devenir, quelques années après la chute du Mur, l’une des métropoles les plus dynamiques d’Europe, et attirer des architectes du monde entier.

L’urbanisme étant devenu un défi européen, il faut y apporter une réponse forte à l’échelle européenne. Alors que les échanges s’accélèrent en Europe, il devient urgent de fonder un espace urbain européen, qui se traduira tout d’abord par le partage des compétences et des solutions en matière d’urbanisme. L’interconnexion des transports, des réseaux électriques, la concertation dans le cas des agglomérations transfrontalières, voilà autant de chantiers fondamentaux qui réclament, de toute manière, une approche de haut niveau.

Pourquoi cet enjeu est-il crucial dans la perspective d’une Europe politique ? Parce que les villes sont à la fois les vecteurs et les vitrines du pouvoir. Alors que les gratte-ciels se multiplient en Chine, alors que des projets audacieux comme Palm Islands (qui prévoit la création de trois îles artificielles dans le golfe persique) sont entrepris aux Émirats Arabes Unis, l’Union européenne doit elle aussi entrer dans la course, d’autant plus que nous pouvons proposer un modèle de développement original, qui allie la préservation historique avec le renouveau urbain. On peut parier que les cités européennes du futur seront plus proches des quartiers composites qui forment la Potsdamer Platz, à Berlin, que des villes nouvelles, tout droit surgies du désert, comme Masdar.

Europa City ?

Il y a cependant un cas où l’on pourrait imaginer de fonder, en Europe, un nouveau pôle urbain : Europa City, capitale de l’Europe. Cette idée, si elle était lancée, serait sans doute vivement attaquée, mais le débat en lui-même ne manquerait pas d’intérêt. Pour le moment, Bruxelles est le haut lieu de l’Union européenne, et cela n’est pas remis en question. Mais l’Union est promise à évoluer, et il n’est pas interdit de rêver qu’un jour, elle se dote d’un nouveau centre politique, quel que soit le nom qui lui sera donné.

Si l’Europe fédérale voyait le jour, il serait indispensable d’établir des symboles forts, et plus que toute autre action politique, la fondation d’une capitale serait l’occasion de marquer durablement les esprits et les cartes.

Illustration : photographie de la Roue de Falkirk, ascenseur à bateaux près de Falkirk en Écosse. Auteur : Sean Mack. Source : Wikimedia.

Vos commentaires
  • Le 2 décembre 2008 à 17:06, par Ben En réponse à : Le futur de l’urbanisme européen

    C’est génial de parler d’urbanisme au niveau européen. Un thème tellement local, et pourtant !!! Merci pour cet article. Quant à la capitale européenne, j’ai bien peur qu’il faille que les politiques urbanistes belges soient plus ambitieuses... ou que la zone de l’UE dans cette ville soit indépendante façon Washington DC... Ça risque de causer de sérieux problèmes à Bruxelles qui a d’autres chats à fouetter avec la circonscription BHV !!

  • Le 2 décembre 2008 à 19:49, par Solène En réponse à : Le futur de l’urbanisme européen

    Pour inciter l’Europe à repenser son urbanisme, on pourrait penser au prix européen d’architecture de Phillipe Rothier. Créé il y a 25 ans, celui-ci récompense les constructions qui « s’inscrivent dans le génie d’un lieu, répondent aux exigences de confort d’aujourd’hui et respectent l’écologie ». Le dernier prix fut remis à Emir Kusturica en 2005 pour la réalisation d’un village traditionnel destiné à servir de décor à son film « La vie est un miracle ».

  • Le 2 décembre 2008 à 22:56, par Guillaume En réponse à : Le futur de l’urbanisme européen

    Tiens, Europa City ça me fait penser à un récent billet de Jean Quatremer qui avait reçu mon attention : pourquoi la « capitale » de l’UE n’est pas à Nice. Si vous ne le savez pas encore, c’est par là :

    http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/11/pourquoi-bruxel.html

  • Le 5 décembre 2008 à 17:35, par KPM En réponse à : Le futur de l’urbanisme européen

    Excellent article Maël, comme on aimerait en lire plus souvent.

    Quelques remarques :
     Europa city, ça fait penser à la création de Washington, DC. On pourrait appeler cette ville « Monnet », « Schuman » ou même « Churchill » ou « Spinelli ». Mais il y aurait fort à parier, hélas, que toute proposition de ce genre provoquerait une levée de bouclier. On n’a aucune figure historique ni même culturelle sur nos billets de banque et même le nom pourtant relativement neutre d’écu n’a pas survécu : il a fallu se contenter du fade nom d’euro, et de banals portes et ponts en guise de portraits. Il y aurait donc effectivement plus de chances que le nom si peu inspiré d’Europa soit là aussi le terme choisi...

     Tu dis à un moment « Ne parlons pas du paradoxe qu’il y a, pour un pays ayant fondé sa richesse sur les énergies fossiles, à se présenter aujourd’hui comme le leader du développement durable. » Mais justement, les Émirats ont été les premiers à se poser la question de l’après-pétrole et à le préparer activement. La conscience de l’éphémérité des ressources fossiles y est bien plus forte que nulle part ailleurs et il n’est donc pas étonnant qu’ils souhaitent se placer à la pointe de la recherche en matière d’énergies renouvelables. D’ailleurs, Dubai fonde sa prospérité actuelle sur les nouvelles technologies, le tourisme et surtout les échanges économiques (avec sa position centrale entre Europe, monde arabe et monde indien), le pétrole étant depuis longtemps réduit à la portion congrue (moins de 5% du PIB).

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