Gouvernement français

Le gouvernement de François Fillon et l’Europe : des enjeux forts tout de suite

Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet comme atouts européens

, par Fabien Cazenave

Le gouvernement de François Fillon et l'Europe : des enjeux forts tout de suite

Alors que le nouveau gouvernement de la France vient d’être annoncé, le Taurillon vous propose une petite présentation de l’exécutif avec ces personnages clés pour les prochains dossiers concernant l’Europe : Nicolas Sarkozy, François Fillon, Bernard Kouchner, Jean-Pierre Jouyet ou Jean-David Levitte. Quels sont les prochains grands dossiers qui devront être traités par le gouvernement ?

Nicolas Sarkozy : un début de présidence aux forts enjeux européens

Lors de sa campagne pour la présidentielle et lors de son débat avec Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy a abordé le sujet européen sur deux grands dossiers :
 sur l’aspect institutionnel avec sa proposition d’un mini traité avec ratification par le Parlement.
 la Turquie et la volonté du président de la République de l’attacher plutôt à une Union méditérranéenne qu’à l’Union européenne.

Il est à noter que le premier jour de son intronisation officielle, le nouveau président de la République est parti rendre visite à Angela Merkel, présidente du Conseil de l’Union européenne pour évoquer les dossiers institutionnels ainsi que l’avenir d’EADS. Mais alors qu’il semble avoir le soutien de la Chancelière allemande sur la réforme des institutions européennes, réussira-t-il a faire revenir les actionnaires privés et les allemands sur le plan social Power 8 ?

Jean-Pierre Jouyet : le technicien européen maitre d’œuvre ?

Jean-Pierre Jouyet

Nous passons d’un ministre délégué à un Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes. Nicolas Sarkozy semble vouloir faire de ce poste une charge importante : « Le Président voudrait qu’il passe la moitié de son temps à Bruxelles où la France est trop absente », indique Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée.

Malgré un profil de haut-fonctionnaire dans le domaine des finances (promotion Voltaire de l’ENA, plusieurs nominations à l’Inspection générale des Finances), il a été le directeur-adjoint (1991) puis directeur du cabinet de Jacques Delors alors président de la Commission européenne en 1994. D’une culture « chrétien de gauche », Jean-Pierre Jouyet est un européen convaincu qui sera sans doute un gardien farouche de l’orthodoxie monétaire de l’euro.

Il a fait parti des signataires de l’Appel des Gracques qui espéraient un rapprochement du Parti socialiste avec le centre, notamment sur les questions européennes.

Sa grande connaissance des questions européennes semble être un grand atout à un poste où la maitrise des dossiers lui donnera une grande indépendance vis-à-vis de ses services. La nomination d’un "technicien communautaire" est un signe fort à destination des partenaires européens de la France, surtout à quelques mois de la présidence française du second trimestre 2008.

Bernard Kouchner : ministre des Affaires étrangères « et » Européennes, une première sous la Ve République

Pour la première fois sous la Ve République française, le ministre des Affaires étrangères possède dans le titre de sa fonction celui des Affaires européennes.

Bernard Kouchner

Ce poste échoit à Bernard Kouchner, électron libre de la Gauche, pro-européen et partisan de l’amitié avec les États-Unis. Il a été élu député européen sur liste PS de Michel Rocard en 1994. Il a ensuite adhéré au Parti radical de gauche (à l’instar de Bernard Tapie en 1995).

Il a particulièrement été sensibilisé aux questions humanitaires, notamment grâce à son engagement humanitaire. Il a par ailleurs dirigé la force d’intervention de l’ONU au Kosovo.

Dans son discours d’investiture, il a dit que l’Europe allait être pour son ministère « notre détermination première, notre première urgence » et qu’il allait travailler de concert avec le secrétaire d’État, Jean-Pierre Jouyet.

Il a cependant des divergences profondes avec le président Sarkozy sur certains dossiers chauds pour l’Europe : « des désaccords, en particulier sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ».

Qu’en sera-t-il alors lorsque ce sujet reviendra sur la table européenne ? Cependant, il prône un traité réduit permettant une relance rapide de l’Europe comme Nicolas Sarkozy et... Angela Merkel.

François Fillon : simple exécutant de la Ve sarkozyste ?

Le nouveau premier ministre n’est pas ni un grand européen ni un souverainiste primaire. Il a été longtemps proche de Philippe Séguin, le pourfendeur du traité de Maastricht lors du référendum de 1992. Il est donc à classer parmi les tenants dans la classe politique française de l’Europe des nations, à savoir une Europe limitée à de grandes coopérations.

François Fillon

Lors de la campagne du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel pour l’Europe, il tenaient ce propos paradoxal : « Je veux vous dire que j’étais contre Maastricht parce j’étais et suis défavorable à une Europe fédérale (...). Voilà les raisons pour lesquelles j’ai dit « non » autrefois et pourquoi je dis « oui » aujourd’hui ».

On se réjouit ainsi de la vision présidentialiste du régime issu de la constitution de 1958 de Nicolas Sarkozy ! Il aura a priori plutôt la tâche de s’occuper des dossiers économiques et sociaux (retraites, chômage...). Il travaillera avec le Secrétaire général aux Affaires européennes (SGAE) pour la gestion interministérielle de toute la politique européenne du gouvernement.

Jean-David Levitte : le sherpa diplomate

Issu du sérail diplomatique français, il a géré les retombées de la crise ouverte entre Paris et Washington en 2003, au moment du déclenchement de la guerre en Irak. Après deux ans au poste de réprésentant permanent de la France auprès des Nations-unies (2000-2002), il vient d’occuper la fonction d’ambassadeur à Washington.

Son nouveau poste : Conseil de sécurité nationale, structure inspirée par Pierre Lellouche par rapport à ce qui existe aux États-Unis, il sera chargé de conseiller le chef de l’État sur les grands dossiers stratégiques et internationaux. Cela pourrait cependant accentuer la « présidentialisation » de la politique étrangère.

Donc, Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet n’auront pas totalement la main : la vision présidentialiste de la Ve par Nicolas Sarkozy est traduite par ce poste confié à Jean-David Levitte. Mais attention, ce dernier n’est pas aussi atlantiste que ne pourrait le laisser croire sa dernière charge car il connaît bien les arcanes de l’ONU et a donc une vision plus multilatéraliste des relations internationales (il a été le bras droit de Jacques Chirac à ce niveau là).

Des enjeux européens immédiats

Les nominations d’un technicien de la construction européenne et d’un ministre à la fois des Affaires étrangères et européennes marquent au combien les dossiers européens sont un sujet brûlant pour la nouveau président de la République.

En effet, le prochain Conseil européen aura lieu dans un mois du 21 au 22 juin 2007. Il sera déterminant pour des sujets aussi important que la politique énergétique de l’Union européenne ou le futur des institutions.

Ce dernier sujet est d’ailleurs d’une actualité brulante : que cela soit Gérard Onesta, Pierre Moscovici, Philippe Herzog ou Jo Leinen, les propositions fleurissent pour sortir l’Europe de l’impasse institutionnelle dans laquelle elle se trouve.

De plus, la France se doit d’être présente dès maintenant à la table européenne. Elle présidera le Conseil de l’Union européenne au second trimestre 2008 : elle devra mettre fin au processus institutionnel lancé par la présidence allemande cette année à l’occasion de ce Conseil européen de juin.

Regards sur la politique européenne précédent gouvernement

Arrivé après le référendum 2005, le gouvernement de Dominique de Villepin n’a pas su comment gérer la situation au niveau européen et français. Au final, une certaine léthargie s’est emparée de la politique extérieure française en Europe.

Au final, Mme Catherine Colonna a essayé de faire avec les faibles moyens accordés à son ministère (délégué). À son crédit : nous mettrons l’organisation de rencontres avec la société civile, le soutien apporté à Touteleurope.fr, la pérennisation des centre d’informations sur l’Europe, ses interventions dans les médias (tour Eiffel en bleu, les chorales chantant l’hymne européen en 2006 ou son interview dans le Taurillon.

À un niveau plus global, l’action gouvernementale a été assez faible pour relancer l’Europe qui a connu au contraire plusieurs crises : celle du budget européen, l’histoire de la TVA, l’éclatement de tous les critères de Maastricht, etc.

Sortir l’Europe de la crise

Il n’y a pas eu la volonté politique pour sortir l’Europe de la crise alors que des solutions existent.

En effet, l’une des solutions au niveau du traité constitutionnel européen passe notamment par l’utilisation d’un référendum pan-européen. Par ailleurs, l’Europe doit également mettre en place un Service civique européen. Nous ne pouvons pas rester avec des institutions européennes qui manquent de transparence.

Cela passe notamment par la fin de l’unanimité pour tous les domaines au niveau du Conseil européen. Mais aurons-nous ce résultat au travers de l’action du gouvernement ?

En tous les cas, nous continuerons à jouer notre rôle euro-vigilant face à ce nouveau pouvoir exécutif. Nous saluons donc la nomination de deux pro-européens à des postes clés mais nous jugerons avant tout sur les actes.

Illustration :
 photographie du gouvernement Fillon
 photographie de Nicolas Sarkozy
 photographie de Jean-Pierre Jouyet de Bernard Kouchner
 photographie de François Fillon
 photographie de Jean-David Levitte
 photographie de Catherine Colonna

Source :
 Euractiv.fr
 Le Monde
 Les Echos
 le site du Premier Ministre

Vos commentaires
  • Le 22 mai 2007 à 08:25, par calvinus En réponse à : Le gouvernement de François Fillon et l’Europe : des enjeux forts tout de suite

    Que dirait-on, dans un Conseil Général, d’un conseiller chargé des relations avec les Conseils Généraux de France « et » le Conseil Régional ?

    Les états de l’UE ne peuvent plus être dans la même catégorie que l’Indonésie ou l’Afrique du Sud. L’UE n’est pas l’étranger : l’UE, c’est « chez nous ». A nous de faire entrer cela dans la tête de nos concitoyens pour que nos élus le comprennent !

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