multilinguisme

Le multilinguisme à n’importe quel prix ?

Réflexions sur les enseignements du récent rapport ’’Stubb’’

, par Traduit par Emmanuel Vallens, Tero Luoma

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Le multilinguisme à n'importe quel prix ?

Le multilinguisme est l’une des valeurs-clé de l’UE. Il y existe aujourd’hui 20 langues officielles, [1] de l’anglais au maltais. Le Traité garantit à chaque représentant le droit de parler dans la langue de son choix.

Le principe est que toutes les réunions officielles sont interprétées dans toutes les langues.

En théorie, toutes les langues sont égales entre elles, mais, dans les faits, certaines sont plus égales que d’autres.

Lors des réunions non officielles, l’interprétation se réduit habituellement aux langues de travail, et est même parfois supprimée. Le représentant est alors laissé à lui-même.

Le coût du multilinguisme

Lors de la dernière réunion plénière, le Parlement européen a adopté un rapport sur les dépenses d’interprétation. Rédigé par l’Eurodéputé Alexander Stubb (PPE-DE, Finlande), ce rapport montre qu’une journée d’interprétation coûte 1476 euro au Parlement européen et 1046 à la Commission (la différence venant des frais de transport et de logement lors des sessions à Strasbourg...).

Une réunion à interprétation pleine coûte 118 000 euro par jour. Si nous n’utilisions que trois langues (par exemple l’anglais, le français et l’allemand), la dépense s’élèverait à 8900 euro par jour. Le coût total de l’interprétation au Parlement était en 2003 de 57 millions d’euro. Divisé par le nombre de députés (732), cela équivant à un coût d’environ 78 000 euro par député et par an.

Au total, les frais d’interprétation de toutes les institutions européennes s’élèvent à 160 millions d’euro par ans. Combinés, tous les services linguistiques des institutions européennes (traduction et interprétation) ne représentent que 1% du budget du total de l’UE. C’est le faible prix à payer pour la démocratie et la communication.

Du droit d’utiliser sa langue maternelle

L’idée d’une seule langue pour l’UE est illusoire. Les Etats membres ne parviendraient jamais à s’entendre sur une seule langue de travail. Tout le monde pourrait accepter qu’il n’y ait qu’une seule langue, l’anglais, sauf les Français. Tout le monde pourrait accepter qu’il n’y ait que deux langues, le français et l’anglais, sauf les Allemands. Et ainsi de suite.

L’effet domino continue et on aboutit finalement aux 20 langues, et plus encore à l’avenir [2]. La langue n’est pas qu’une question de communication. C’est un élément important de notre culture et de notre identité nationale. Le droit d’utiliser sa langue maternelle est une valeur fondamentale.

Maîtrise des langues et Exercice de responsabilités politiques

Les députés européens sont des représentants élus démocratiquement par les citoyens. Exiger d’eux des connaissances linguistiques particulières serait contraire à l’Etat de droit et à la démocratie : on ne peut tout simplement pas attendre de personnalités politiques qu’ils parlent plusieurs langues.

En revanche, on peut attendre des responsables et des fonctionnaires européennes qu’ils maîtrisent au moins une ou deux langues étrangères.

Quoi qu’en dise le Président Jacques Chirac, l’anglais est la langue officielle des affaires. On ne peut pas faire carrière sans maîtriser des langues. Une bonne maîtrise de l’anglais est un minimum. A Bruxelles comme dans le commerce international, il n’y a pas une seule compagnie qui ne soit pas représentée par quelqu’un qui ne parle pas anglais.

Conclusion

Les langues ne devraient pas être considérée comme un coût. Dans l’UE, le multilinguisme est très appréciable, et il doit être respecté à tout prix. En revanche, nous devrions plus estimer la maîtrise des langues étrangères et encourager les citoyens européens à les étudier.

(Article traduit de l’anglais par Emmanuel Vallens, membre du Bureau national des Jeunes Européens France).

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie d’une monnaie commémorative espagnole de 10 euro, émise en 2003 (à 50 000 exemplaires) pour le premier anniversaire de l’euro et représentant l’enlèvement de la nymphe Europe : le fameux épisode de la mythologie grecque.

Cette photographie est tirée de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

Pour plus d’informations sur ces pièces commémoratives espagnole, on consultera le site de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

Mots-clés
Notes

[1NB ; L’ ’’Irlandais’’ (i.e : gaélique d’Irlande) deviendra la 21ème langue officielle de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2007, suite à un accord conclu en Coreper (Comité des Représentants Permanents des Etats membres de l’UE) le 13 juin 2005.

[2Si la Bulgarie et la Roumanie rejoignent l’Union européenne en janvier 2007, comme c’est prévu...

Vos commentaires
  • Le 26 octobre 2006 à 10:33, par krokodilo En réponse à : Le multilinguisme à n’importe quel prix ?

    Le multilinguisme est une impossibilité logistique, humaine. Prétendre que c’est une solution possible à grande échelle est une illusion, quand on sait quel effort énorme et quelle pratique régulière demande la maîtrise d’une langue étrangère, qui n’est accessible qu’à une « élite » du fait de leur métier ou de circonstances particulières (familiales le plus souvent).
     L’anglais comme lingua franca serait une injustice pour toutes sortes de raisons, et l’UE ne pourra se bâtir sur une injustice aussi flagrante.
     La solution évidente est l’adoption d’une langue auxiliaire commune, neutre, la moins difficile de toutes les langues, l’espéranto, dont le vocabulaire est européen, une chance pour nous, et dont la grammaire convient au monde entier. ( cf. les débats plus détaillés sur les forums des autres articles de sujets voisins.)

  • Le 27 octobre 2006 à 10:57, par johan valano En réponse à : Le multilinguisme à n’importe quel prix ?

    160 millions par an, ce n’est pas rien, surtout lorsque c’est évitable. L’expérience des associations mondiales qui utilisent l’espéranto montre que les discussions se déroulent bien mieux dans cette langue qu’avec les systèmes multilingues fondés sur l’interprétation et la traduction. Or, le temps nécessaire pour apprendre l’espéranto lorsqu’on a étudié (fût-ce tant bien que mal) au moins une langue étrangère, ce qui est le cas de tous les députés européens, représente vraiment peu de chose (10 fois moins de temps que pour arriver en anglais au niveau voulu, celui d’une communication de bon niveau intellectuel). Si l’on compare dans la pratique comment les choses se passent selon que la réunion observée utilise l’anglais, le multilinguisme limité –solutions antidémocratiques car ne respectant pas le principe d’égalité – le multilinguisme complet ou l’espéranto, on constate que la fluidité des débats est infiniment supérieure avec l’espéranto, alors que l effort fait pour acquérir la langue a été minime.

    La supériorité se retrouve également pour la précision. Ce qu’on omet de dire quand on parle de l’interprétation simultanée, c’est à quel point elle est imparfaite, surtout dans les réunions où l’on est acculé au système du relais. Selon cette formule, le Lituanien entend dans ses écouteurs, non l’interprétation de l’original portugais, mais l’interprétation en lituanien de son interprétation en anglais ou en français. Le jeu du téléphone, vous connaissez ? Un rapport de l’ONU, cité dans « Communication linguistique – Étude comparative faite sur le terrain », relève qu’ « aux réunions scientifiques la perte d’information due au relais est d’au moins 50% ».

    Et on ne parle jamais du risque de ridicule, épargné aux locuteurs des « grandes » langues, mais imposé à une bonne proportion des participants dans les réunions à trois langues de travail. N’a-t-on pas remarqué dans les hautes sphères qu’on peut être extrêmement compétent pour traité du sujet à l’ordre du jour mais ne pas être un polyglotte de haut vol ?

    Si l’UE avait à cœur de faire un usage intelligent des ressources, elle adopterait le passage à l’espéranto pour, disons, dans une dizaine d’années, ce qui laisserait à tous les États Membres le temps d’organiser l’enseignement de la langue pour tous les intéressés. Elle prévoirait une étape intermédiaire où chacun pourrait utiliser sa langue maternelle, mais où il n’y aurait traduction et interprétation qu’en espéranto. Arriver à comprendre l’espéranto est très facile pour les personnes du niveau intellectuel des députés et hauts fonctionnaires.

    Jamais l’espéranto n’a été refusé sur la base d’une étude objective, avec des arguments fondés sur le réel, p.ex. sur l’observation d’une série de séances ou sur l’étude d’un jeu de documents. La totalité des objections qui lui sont faites sont a priori et ne tiennent pas la route dès qu’on va voir comment les choses se passent en fait. Les autorités nous doivent des comptes. Elles devraient s’entendre dire : « L’espéranto existe. Or vous organisez la communication comme s’il n’existait pas en puisant allègrement dans nos porte-monnaie. Nous avons droit à des explications. Dites-nous donc, en vous fondant sur des comparaisons faites dans la pratique, en quoi votre système est supérieur à l’espéranto. Expliquez-nous votre refus de l’espéranto en étayant votre position sur des chiffres et des considérations qualitatives irréfutables. Si votre formule est nettement moins efficace pour un coût très nettement supérieur, comment justifiez-vous votre choix ? Seriez-vous à la solde des pays dont les langues sont considérées comme importantes ? Sinon comment expliquer votre refus du système optimal, optimal aussi bien pour le confort des députés (l’espéranto est, de toutes les langues étrangères, la plus agréables à manier) que pour le respect des principes démocratiques et du devoir d’économie ? »

  • Le 27 octobre 2006 à 19:04, par Ronan Blaise En réponse à : Le multilinguisme à n’importe quel prix ?

    Il est alors fort possible que les autorités de l’UE vous répondent formellement qu’elles estiment avoir le devoir (formel, effectivement) et l’impératif politique de traîter toutes les langues officielles de l’UE sur un pied d’égalité, sans en privilégier aucune (ni, a fortiori, aucune autre).

    Par ailleurs, il vous sera sans doute également répondu qu’il est un impératif politique de transparence démocratique que chaque citoyen de l’UE se doit d’avoir la possibilité d’interpeller les responsables politiques européens, de leur écrire (et de recevoir d’eux une réponse) ainsi que de consulter des comptes-rendus de réunions officielles (tout comme ce doit être aussi le cas pour l’ensemble du corpus de la législation communautaire...) dans sa langue d’usage habituel (pourvu qu’elle soit effectivement l’une des langues officielles de l’UE). Et ce, sans qu’il lui soit fait obligation d’avoir recours à une langue autre (fut-elle auxiliaire).

    Le coût de ce multilinguisme institutionnel officiel est peut-être cher (et peut effectivement paraître déraisonnable...), mais il vous sera répondu que c’est le prix à payer pour la transparence et que c’est là le prix de la démocratie (et, par ailleurs, du respect des règles les plus élémentaires sur lesquelles - dans le cadre des actuels Traités - se fondent l’Union : à commencer par le fameux principe de subsidiarité qui à pour objet le respect des structures étatiques et des identités nationales composantes du tout).

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