Les régions, nouveaux pôles de puissance publique
Si les régions actuelles existent depuis 1982 (date de la mise en place de l’élection des conseils régionaux), la volonté de régionaliser le pays a émergé en France depuis le début du XIXe siècle. En effet nos départements créés sous la révolution sont devenus au fil du temps des espaces géographiques trop restreints, empêchant la mise en place par ceux-ci de projets de grande envergure. Les régions sont donc devenues une nécessité pour pallier ce manque d’un échelon intermédiaire entre l’État et les départements.
Disposant aujourd’hui de pouvoirs assez importants (notamment au niveau des infrastructures, des transports ou de l’éducation), les régions manquent néanmoins de visibilité et d’une certaine autonomie politique. En effet le modèle centralisé français n’accorde pas de réels pouvoirs fiscaux ou économiques à ces régions. Ainsi se réduit le risque de surendettement régional (comme en Espagne où l’autonomie des régions combinée au manque de bon sens de leurs dirigeants a conduit à un surendettement, comme en Catalogne). Cependant cette absence de liberté a également un revers puisqu’elle ne permet pas de débarrasser complètement l’État de la gestion locale (la plupart des travaux régionaux étant cofinancés par l’État), ce qui avait pourtant été le but premier de l’effort de régionalisation en France.
Cette régionalisation prudente entreprise par la France a globalement eu des effets positifs. Mais on ne peut pas parler de fédéralisation, en effet tout d’abord les régions n’ont pas le statut d’États, mais de plus ces mêmes régions n’ont pas le quart du pouvoir des länder allemands pour ne citer qu’eux. Il est d’ailleurs clair que, du fait de notre histoire institutionnelle, la fédéralisation ne soit apparemment pas pour demain ou du moins qu’il n’en porte jamais ce nom, préférant celui de régionalisme. Cette régionalisation, elle, est d’ailleurs en bonne voie en France mais est confrontée à deux problèmes majeurs. Tout d’abord les régions françaises sont (et c’est une critique récurrente) trop nombreuses et peinent donc à peser vis à vis de leurs homologues européens. En effet, si des régions comme Rhône-Alpes (6 millions d’habitants) ou PACA (5 millions d’habitants) semblent de tailles équivalentes aux régions européennes, on ne peut être que choqué par la division de la Normandie en deux régions de moins de 2 millions d’habitants chacune. D’autre part il manque dans les régions un exécutif élu par les citoyens plutôt que par le conseil régional, la mise en place de ce système permettrait une meilleure visibilité de l’action régionale pour la simple raison que les candidats à la présidence régionale seraient élus sur des programmes régionaux et bénéficieraient d’une médiatisation plus grande.
Les départements obsolètes ?
La question départementale fait figure de serpent de mer en France. Créés en 1789 selon une base purement pratique, la taille du département ne pouvait dépasser une journée de cheval par rapport à son chef-lieu, ils se sont installés dans la culture française et sont tellement bien ancrés dans les esprits que la question d’une éventuelle suppression de cet échelon fait grincer des dents.
Pourtant on sait que le département voit progressivement disparaitre sa raison d’être, supplanté qu’il est par les régions, il est à la fois trop grand pour correspondre à un espace urbain, et trop petit pour tout projet d’ampleur. En effet le rôle du département n’est il pas d’unifier une ville avec tout l’espace périurbain qui pourrait lui correspondre pour permettre des projets cohérents ? Dans ce cas, le nombre de départements devrait être augmenté pour finir par correspondre aux territoires des sous-préfectures, devenant ainsi la pièce manquante entre la région et la commune. Cela reviendrait à faire éclater les départements français en 342 nouveaux départements qui seraient l’équivalent des 429 districts allemands ou des 110 provinces italiennes.
Une telle réforme poserait néanmoins un certain nombre de problèmes. En éclatant les départements, leurs pouvoirs habituels se réduiraient pour incomber progressivement aux régions. Si un tel processus va dans un sens « fédéraliste », il susciterait également la peur sinon le mécontentement des élus locaux trop attachés à leurs assises locales.
Les communes, entre proximité et manque d’efficacité
36.700, c’est le nombre de communes en France. En moyenne peuplées de 423 habitants, seules 891 d’entre elles sont habitées par plus de 10.000 habitants. Historiquement, un si grand nombre de communes s’explique, mais en réalité à quoi peut servir cet éclatement municipal sinon à permettre à 36.700 personnes de se vanter d’être des « Maires ». L’État sait d’autant plus qu’un tel nombre de communes est néfaste à une bonne administration qu’il a mis en place un grand nombre de procédés permettant de passer outre cet éclatement, notamment par la mise en place d’agglomérations et plus généralement d’EPCI.
Aujourd’hui quasiment toutes les communes sont regroupées dans des EPCI ou dans des syndicats intercommunaux, alors pourquoi ne pas faire simplement fusionner ces regroupements pour réduire le nombre de communes ? En effet, le caractère innombrable de nos communes combiné aux différents regroupements types EPCI induit la création de doublons administratifs ainsi qu’une véritable inflation du nombre de fonctionnaires locaux à mesure que les pouvoirs de l’État sont transférés aux communes. De plus la fusion des EPCI permettraient de créer des villes à taille européenne aptes à faire face aux grandes métropoles voisines comme Barcelone, Milan, Turin ou Frankfort.
L’explication de l’immobilisme communal est aujourd’hui simple. Les maires et les élus locaux plus généralement ne veulent pas voir leurs postes être supprimés, ils y perdraient leurs salaires et leurs baronnies. En ce sens, il feront toujours barrage au Sénat contre tout type de réforme allant dans le sens d’une simplification communale.
Conclusion
Depuis maintenant une trentaine d’années émerge en France une régionalisation qui tout en partageant certains points communs avec le fédéralisme, notamment une plus grande décentralisation et une certaine autonomie donnée aux différents échelons, ne peut être assimilée ni au fédéralisme allemand, ni même au régionalisme espagnol, mais doit plutôt être comparée au régionalisme italien.
En effet, si les régions françaises ne disposent pas du pouvoir de légiférer comme c’est le cas en Allemagne, ni même de la possibilité de modifier leurs recettes à l’image des communautés autonomes espagnoles, il nous faut néanmoins constater que nos régions suivent le même processus de régionalisation que leurs voisines italiennes. Depuis les années 1980 se forme dans les régions un noyau dur de compétence qui, s’élargissant à chaque réforme, dote les régions françaises d’une autonomie qui ressemble de plus en plus à celle des régions italiennes (nous sommes néanmoins loin du statut des régions autonomes à statut spécial telles que la Sicile ou la Sardaigne).
Certes, la France ne s’achemine donc pas vers un vrai fédéralisme institutionnalisé, mais les différentes phases de décentralisation, et surtout les réformes visant à une simplification territoriale qui restent à entreprendre vont dans le sens d’un « fédéralisme minimaliste de fait ».
1. Le 26 juillet 2013 à 12:14, par Yohann En réponse à : Le régionalisme est-il un fédéralisme à la française ?
Les départements français sont effectivement obsolètes, regardons le régionalisme espagnol, il donne des résultats économiques impressionants, la france elle reste au 18e siècle niveau institutions.
Il est grand temps de mettre en place un fédéralisme européen pour mettre fin au massacre.
2. Le 11 octobre 2013 à 01:03, par berrejl En réponse à : Le régionalisme est-il un fédéralisme à la française ?
Un article très édifiant ! Il intéressera probablement les membres de l’« Union des Fédéralistes Africains » (UFA)
Suivre les commentaires : |