Le Taurillon : En tant que journaliste actif sur les réseaux sociaux, penses-tu que les citoyens s’intéressent aujourd’hui à l’Union européenne ?
Loup Besmond de Senneville : Les citoyens européens sont encore globalement assez éloignés de l’Europe. La place qu’occupent les débats européens dans les médias ou dans le discours des hommes politiques prouve que l’Europe s’est éloignée de ses citoyens de base. Pour les toucher, l’accent doit être mis sur la façon dont des sujets traités à Bruxelles les concernent dans leur activité quotidienne.
Les citoyens européens ne s’intéressent pas à l’Europe pour l’amour de l’Europe mais lorsqu’ils ressentent les conséquences concrètes qu’elle peut avoir sur leur quotidien. L’agriculteur s’intéresse ainsi à la PAC, le chauffeur routier à l’Eurovignette ou à la réglementation des horaires de conduite, la mère de famille au prolongement du congé maternité… Potentiellement, beaucoup de personnes pourraient donc être impliquées. Les syndicats suivent déjà très bien les questions européennes. Evidemment, plus les professionnels sont exposés à l’Europe, plus leur connaissance est pointue. C’est le cas des agriculteurs et des pêcheurs. Il n’y a néanmoins pas d’intérêt a priori du citoyen lamba.
Le Taurillon : Quelle est la responsabilité des médias dans ce constat et comment pourraient-ils susciter davantage d’intérêt sur l’Europe ?
Loup Besmond de Senneville : La volonté éditoriale – presque politique – des rédacteurs en chef est ici engagée. Beaucoup de rédactions et de journalistes justifient le fait de ne pas vouloir développer ce type de sujets, car ils estiment que l’Europe n’intéresse personne. Mais étant donné que personne ne parle d’Europe, cela ne peut intéresser personne et le serpent se mord la queue ! Personne n’ose briser ce cercle. Les journalistes devraient plus faire l’effort de chercher en quoi l’Europe touche le quotidien des citoyens.
Au niveau européen, EurActiv, Europolitique, The EU Observer ou Touteleurope.eu sont des médias qui s’adressent davantage à des spécialistes.
Dans les journaux nationaux, la place pour ces sujets est limitée, y compris pour Jean Quatremer à Liberation. Des arbitrages sont nécessaires dans la presse papier et l’Europe en fait les frais. Les correspondants sont moins nombreux à Bruxelles. TF1 n’en a notamment aucun sur place…
Le Taurillon : Quelles sont les failles de la politique de communication des institutions européennes ?
Loup Besmond de Senneville : La communication des institutions est passée en 15 ou 20 ans d’un extrême à un autre. Avant Internet, la Commission communiquait uniquement sur place, à Bruxelles. Aujourd’hui, toute la communication passe par le Web. C’est une évolution capitale pour les médias, qui peuvent suivre partout les décisions européennes en temps réel. Leur rôle a également évolué, d’un travail de collecte des sujets vers un tri de l’information. L’outil internet a amené une profusion de sujets que les journalistes doivent en effet hiérarchiser.
De nombreux sites et actions de communication des institutions fonctionnent bien. La campagne d’affichage dans le métro sur l’égalité hommes/femmes, il y a quelques mois, ou les initiatives lors des élections européennes en témoignent. D’autre part, le site Europa, disponible en 22 langues, constitue le site le plus consulté sur les institutions européennes et est destiné à des citoyens voulant se renseigner sur l’Europe.
L’Europe ne peut néanmoins pas communiquer seule et doit intégrer l’échelon national. Il y a une tradition en France d’imputer à l’Europe les échecs de certaines politiques et la rhétorique ‘L’Europe nous oblige’ se développe encore, notamment lorsqu’il faut transposer des directives. Sur la question des jeux en ligne ou sur la directive Bolkestein, l’Europe a ainsi été pointée du doigt. Tous les Etats ne transposent pourtant pas ces directive de la même manière et disposent d’une marge de manœuvre.
Le Taurillon : La blogosphère et les réseaux sociaux contribuent-t-ils à apporter une meilleure information des sujets européens ?
Loup Besmond de Senneville : La blogosphère européenne s’est réellement développée en 2005, avec un réel débat entre les anti et les pro- Constitution européenne. Les blogs ont alors été un espace important d’échanges mais il me semble que le débat s’est aujourd’hui un peu atrophié. Il y a assez peu de débat, excepté sur certains gros blogs comme celui de Quatremer, Coulisses de Bruxelles, UE. Mais la blogosphère arrive-t-elle à aller au-delà d’elle-même et toucher des personnes, qui ne sont pas déjà passionnées par l’Europe ? C’est le défi à relever aujourd’hui.
Dans cette optique, Facebook est à l’évidence un puissant outil d’information, utilisé par les institutions européennes, qui réfléchissent à leur stratégie sur ce réseau . Quand à Twitter, il y a très peu de monde et cela reste une affaire de spécialistes. Toutes les initiatives, comme « Tweet your MEP », sont néanmoins bienvenues pour susciter davantage d’échanges sur l’Europe…
1. Le 18 novembre 2010 à 14:17, par Valéry En réponse à : « Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe pour l’amour de l’Europe »
Vous pourriez donner le nom de son compte Twitter du coup :-)
2. Le 19 novembre 2010 à 13:18, par MAISONEUROPEDUNKERQUE En réponse à : « Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe pour l’amour de l’Europe »
Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe, à nous de faire en sorte de les intéresser ! j’ai lu avec intérêt votre article et approuve ce que vous y écrivez. Cependant, j’y ajoute un bémol, concernant les politiques de communication : le tout internet est souhaité, mais d’autres dispositifs existent. Différents réseaux organisés au niveau européen, tel que le réseau EUNET, auquel nous appartenons, travaille pour une citoyenneté européenne active en créant des projets et actions à destination des populations locales pour les rapprocher des questions européennes. des dispositifs nationaux, tels que les Maisons de l’Europe ( initiative associative ; une trentaine en France) ou les centres d’Information Europe Direct ( initiative commission européenne ; 54 centres en France) sont implantés au niveau local et ou régional et permettent aux citoyens de rencontrer des personnels qualifiés, capables de :
– les informer sur les politiques communautaires tout en les replaçant dans un contexte local
– créer des actions pour réconcilier les citoyens avec l’Europe donner du sens à l’implication des questions européennes dans leur quotidien.
En ce qui nous concerne sur le Dunkerquois, la Maison de l’Europe est également labellisé Europe Direct. Ainsi les actions se croisent, les moyens sont mutualisés. Cependant rien ne serait possible si les pouvoirs publics locaux n’étaient pas conscients de l’importance de l’information de base auprès des habitants des territoires et s’ils n’avaient pas une réelle volonté politique d’ouverture vers d’autres champs et horizons.
Je vous rejoins également lorsque vous indiquez que les initiatives prises au niveau européen, doivent également être relayées au niveau national.
Celles développées par l’Union européenne, ne peuvent en effet suffire si les états membres ( contraints et forcés depuis 2006 dans le cadre des fonds structurels à communiquer sur les réalisations cofinancés au niveau local par l’Union) ne confortent pas les actions de communication déjà mises en place, en les accompagnant et en les renforçant. Un long chemin reste à parcourir....
De plus, le tout internet n’est pas la meilleure des solutions et les informations disponibles via le web, restent des informations accessibles aux techniciens de la pratique européenne ou à des personnes dont c’est « le métier ».
je voulais juste compléter votre propos en indiquant que des réseaux d’information européenne de proximité avec les citoyens existent et les 6000 personnes que nous avons touchées, sur le Dunkerquois, cette année dans le cadre de nos activités diverses et variées peuvent en témoigner.
Nathalie Legros Directrice La Maison de l’Europe 5 quai de la Citadelle 59140 DUNKERQUE
3. Le 20 novembre 2010 à 12:39, par Henri Rouquier En réponse à : « Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe parce que l’Union Européenne n’est pas démocratque.
Rien n’illustre mieux la défaite de la démocratie en Europe que cette idée que « l’intérêt » est une forme d’implication citoyenne qui serait dictée par les pouvoirs en place aux citoyens, éventuellement par des moyens de communications.
Il serait évidemment trop long et forcément inutile de commenter paragraphe par paragraphe la représentation que Loup Besmond de Senneville fait de la chose publique et de l’intérêt public pour la chose publique.
Il suffit de résumer en disant que Loup Besmond de Senneville communique remarquablement bien le fondement idéologique des institutions politiques de l’Union Européenne qui organisent la place qu’elles accordent à leur citoyens en fonction d’un héritage de l’Europe de l’Ancien Régime et des nationalismes européens où la politique est un produit social qui ne peut qu’être « donné » par les autorités en place et où « l’échange » ne se résume finalement, dans la vie politique des citoyens européens, qu’à un message des autorités, et de leurs relais, vers les citoyens.
4. Le 21 novembre 2010 à 20:06, par Martina Latina En réponse à : « Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe pour l’amour de l’Europe »
Comme j’ai eu l’occasion de le dire au TAURILLON, tout est parti d’une histoire d’amour née entre le dieu suprême des Grecs et la jeune Orientale de l’Antiquité qui portait le nom d’EUROPE, c’est-à-dire de VASTE-VUE : il la séduisit, puis l’enleva par-delà les mers et la peur, sous les traits d’un... taurillon.
Que chaque Européen se sente concerné par l’EUROPE dans ses intérêts personnels et ses propres projets sera déjà un grand pas franchi vers L’UNION DANS LA DIVERSITE. Mais la désignation de l’Union EUROPEenne nous oblige à regarder ensemble, plus loin, le bien commun, la justice et la paix sans frontière :
le peuple phénicien auquel appartenait la mythique EUROPE avant de mettre au monde en Crète la première civilisation réellement européenne, les Minoens, voilà plus de trois mille ans n’a-t-il pas inventé les techniques nautiques et l’art alphabétique, c’est-à-dire les moyens de contact qui continuent de nous permettre harmonie, énergie et synergie, donc la démocratie ?
Voilà quelques raisons parmi tant d’autres d’AIMER L’EUROPE, plus exactement de vouloir, à travers ses équilibres économiques toujours perfectibles ou son développement culturel plusieurs fois millénaire, pour elle et pour les Européens, une démarche politique digne de notre nom, dynamique malgré les difficultés, fédératrice par-delà les différences et divergences, qui soit enfin créatrice d’espace, de souffle, d’audace, bref de liberté.
5. Le 22 janvier 2011 à 16:46, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : « Les citoyens ne s’intéressent pas à l’Europe pour l’amour de l’Europe »
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