Les droites et l’Europe

, par Arnaud Huc

Les droites et l'Europe
Simone Veil, première présidente du Parlement européen © Parlement européen

La question européenne fait partie des sujets qui ont durablement divisé les droites républicaines en France. Ces droites qui depuis les années 1950 ont toujours tenté de s’allier, voire de fusionner ont à propos de l’Europe comme d’autres sujets trouvés les germes de leur division. Historiquement on distingue la droite démocrate et démocrate-chrétienne et la droite gaulliste. Ces deux droites ont des conceptions différentes de l’Europe ; l’UMP plutôt descendante de la seconde droite a depuis les années 2005 fait sienne la vision intergouvernementaliste de l’Europe.

Une droite historiquement divisée sur la question européenne

Croire que la droite républicaine française est un monolithe car de 2002 à 2012 elle a été unifiée dans un seul parti est une erreur. Depuis les années 1950 et le début du projet européen on peut distinguer deux droites par leurs conceptions très opposées du projet européen.

D’un côté, le centre-droit démocrate-chrétien qui s’est trouvé comme figures des hommes tels que Robert Schuman, et auquel on peut associer Jean Monnet, ont toujours eu une vision fédéraliste de la construction européenne. Cette tendance de la droite va durant toute la IVe et la Ve république soutenir le projet européen, que ce soit la Communauté européenne de défense (qui fut mise en échec à l’assemblée) ou tous les traités qui se succéderont. Ce fédéralisme du centre-droit français sera d’ailleurs partagé par le parti radical-socialiste (centre-gauche) et s’opposera à la vision intergouvernementaliste de la droite gaullienne.

En effet, le RPF crée par De Gaulle en 1947 porte une autre vision de la construction européenne. Vision qui au nom de l’indépendance nationale était particulièrement sceptique à propos d’initiatives européennes poussées. Cette vision intergouvernementale voyait l’Europe avant tout comme un forum entre Etats plutôt qu’en une union des citoyens. Cette vision de l’Europe se modifiera subtilement après la mort de De Gaulle et Chirac, successeur du gaullisme atténuera ce scepticisme tout en conservant la matrice intergouvernementaliste qui était l’une des caractéristiques du RPR.

Une UMP qui a fait le choix de l’intergouvernementalisme

L’UMP, rassemblement de certaines tendances démocrates-chrétiennes et du gaullisme a assez peu hésité entre fédéralisme et inter-gouvernementalisme. C’est ce dernier qui, à partir de 2004 s’est imposé dans le parti. L’exercice du pouvoir a fait de l’UMP un parti pragmatique sur les questions européennes, Juppé dira par exemple que « Tout est politique. L’Europe économique et monétaire est un projet politique... » Il s’agit donc de mener, avant toute chose, les projets déjà engagés. Partant du fait que les décisions au sein de l’union étaient en réalité prises par les gouvernements, le parti alors à la tête de l’Etat s’est vu conforté dans sa vision inter-gouvernementaliste de l’Europe.

Sous la présidence Sarkozy on a pu constater que toutes les initiatives entreprises et plus globalement toutes les décisions sur l’Europe correspondaient à ce schéma d’idée. L’Union européenne est avant tout une "alliance d’Etats" plutôt qu’un espace réellement intégré. Les deux successeurs de Sarkozy que sont Copé et Fillon ne semblent d’ailleurs pas s’opposer sur ce point et partagent tous deux une vision certes européiste mais surtout inter-gouvernementaliste de la construction européenne.

De l’UDF à l’UDI, la survivance d’un contre-modèle fédéraliste

Alors que se constituait une droite gaulliste, le centre-droit français, en relatif déclin des années 1980 à aujourd’hui, n’a cessé de rappeler son attachement à l’Europe. Toute l’histoire du centrisme vis-à-vis de l’Europe est un soutien au fédéralisme. L’UDF de Giscard D’Estaing puis de François Bayrou seront le porte parole de cette vision démocrate-chrétienne de l’Europe, vision qui sera très influente dans les années 1960 et 1970 dans la construction européenne (Simon Veil, présidente du Parlement européen de 1979 à 1982 est issue de l’UDF).

En ce sens, la nouvelle union des démocrates et indépendants semble compléter le Modem dans l’échiquier français et contribue avec lui à porter cette vision clairement fédéraliste de la construction européenne qui fait la marque du centre-droit français. Ces deux partis qui semblent d’ailleurs ne pas s’entendre, sont proches sur plus d’un point et en particulier sur la question européenne.

L’émergence d’une nouvelle force à droite, clairement fédéraliste est un changement de taille sur l’échiquier français. La droite qui s’est voulue de 2002 à 2012 monolithique et clairement inter-gouvernementaliste, bâillonnant presque ses sensibilités fédéralistes internes va être désormais perçue comme une "droite plurielle".

Le cas Front National, l’euroscepticisme français

On fait souvent la distinction entre droite républicaine et droite "nationale". Pourtant, qu’on le veuille ou non le FN fait entièrement partie du jeu de la politique française et est un parti "républicain". Sa vision de l’Europe est à l’opposé même de celles partagées par la plupart des partis français. Loin de choisir entre fédéralisme et inter-gouvernementalisme, il s’agit pour le FN de choisir entre France et Europe, comme si l’Union européenne consistait en la négation de la France.

Le Front National d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de l’extrême droite française. L’Europe y est vue, au même titre que l’immigration par ailleurs, comme une menace à l’identité et à l’unité française. La conclusion est simple, pour sauvegarder la France, il faut abandonner l’Union européenne.

Conclusion

A travers ce bref tableau de la droite française, on ne peut que parler de "Droites" et non de Droite. Dans cet espace politique apparemment plus uni que la gauche, les trois principales tendances partagent trois visions différentes de la construction européenne. Dire que la droite française est intergouvernementale est alors erroné car les différences entre le centre-droit français, la droite UMP et la droite nationale sont très grandes quand il s’agit de la construction européenne.

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