Les pro-européens au Royaume-Uni : quitte ou double ?

, par Claire Darme

Les pro-européens au Royaume-Uni : quitte ou double ?
Winston Churchill - Président d’honneur du Congrès de la Haye de 1948 qui fonda le Mouvement européen CC BY-NC-ND 2.0 JanickG

Discuter de l’euroscepticisme anglais est un sujet qui a le vent en poupe. Montée du UKIP, parti héritier de la fronde anti-Maastricht ; promesse d’un référendum après les prochaines élections générales ; timidité des Lib Dems qui hésitent à se revendiquer comme tête de file d’une tendance pro-européenne… il existe pourtant bien des forces pro-européennes au Royaume-Uni, certes parfois découragées ou malmenées, mais qui tendent aujourd’hui à vouloir montrer leurs muscles. Nous allons ci-après tenter d’en dresser un portrait rapide, et de voir quelles sont leurs atouts et leurs faiblesses, si possible en y proposant des remèdes.

Il y a d’abord ceux qui ont toujours été là, et qui capitalisent sur une présence longue date pour compenser une absence flagrante lors des débats de ces dernières années. Dans cette catégorie, le Mouvement Européen et sa branche jeune ont bien entendu la première place. L’histoire de leur évolution est d’ailleurs le reflet des processus qui ont amené la question européenne à devenir terrain miné pour les partis anglais. Autrefois renforcé par la présence en son sein de toutes les tendances politiques de la scène anglaise, le Mouvement a été lentement mais surement miné par des luttes intestines entre pro-européens conservateurs, libéraux ou travaillistes. Un grignotage organisé s’en est suivi, où les forces pro-européennes se voyaient de plus en plus divisées et de moins en moins représentatives, au gré des départs ou scissions des uns et des autres.

Pendant le même temps, la scène politique anglaise voyait les partis louvoyer entre pro et anti-européanisme. Les conservateurs, qui ont été à la tête du mouvement ayant amené le Royaume-Uni dans le « giron » européen il y a 40 ans sont aujourd’hui vu comme étant les premiers à pousser vers la sortie, soit par conviction soit pour essayer de rallier des électeurs attirés par le UKIP. Les travaillistes, héritiers pourtant du « New Labour » de Blair qui voulait une Grande-Bretagne forte dans une Europe forte, sont en retraits et n’hésitent pas à s’allier avec le UKIP pour mettre en péril le premier ministre et son équipe, comme lors du débat sur le vote du budget européen aux Communes en fin d’année dernière. Les Lib Dems sont eux héritiers du seul parti à s’être presque toujours défini comme pro-européen ; pourtant, fragilisés par leur engagement dans la coalition et échauffés par la montée du UKIP aux récentes élections locales, il semblerait que le cheval européen soit pour eux un pari trop risqué.

Et pourtant ! Il existe bien des pro-européens dans tous ces partis, comme l’a prouvé la naissance récente du Centre for British Influence in Europe qui a réussi à en réunir quelques uns. Ce centre est représentatif d’une autre forme de pro-européanisme au Royaume-Uni. Créé dans la foulée de l’annonce du référendum par le premier ministre, il compte tenir un rôle prééminent dans la campagne pro-européenne pour 2017. Cependant, que ce soit par stratégie ou par conviction, son nom lui-même est représentatif de ce qui a handicapé les pro-européens anglais aussi bien sur la scène nationale qu’européenne.

Ce nom est le reflet d’un manque de volonté de transformer le Royaume-Uni lui-même pour le rendre plus européen, et en ce sens et contrairement au Mouvement Européen, il ne répond pas aux attentes des ses partenaires. Mais soit, le référendum a lieu au Royaume-Uni et pas au niveau européen, et en ce sens ce choix peut se justifier. Il peut d’autant plus se justifier du fait qu’il montre du doigt par où le bât blesse pour le Royaume-Uni : contrairement à la France, contrairement à l’Allemagne et même contrairement à la Pologne, celui-ci a en effet trop souvent échoué à prendre conscience du potentiel que représentait la construction européen pour faire avancer ses intérêts nationaux. Malgré la dimension utilitariste que présente ce genre de raisonnement, il a néanmoins le mérite de poser la question fondamentale de ce que l’Europe peut apporter à la Grande-Bretagne en termes d’influence européenne et mondiale.

Quelles sont donc les leçons à tirer de ces deux cas d’études que sont le Mouvement Européen et le CBIE ? Premièrement, qu’il existe bien au Royaume-Uni des britanniques pro-européens prêts à s’engager pour garder leur pays dans l’UE. Deuxièmement, qu’ils ont tout à rebâtir pour parvenir à atteindre leur objectif. En ce sens, il est bon de voir qu’ils cherchent chacun à leur manière à (re)construire leur base de manière transpartisane, à s’adresser aux jeunes et surtout à combattre les préjugés existant ici sur le reste de l’Europe. Leur meilleure chance est d’apporter au débat la touche d’optimisme et d’espoir qui lui manque aujourd’hui, et d’expliquer ce qu’est l’UE pour combattre les mythes ; d’assurer une présence dans des médias pour le moment largement eurosceptiques ; et de partir du très local, pour toucher les gens, jeunes et moins jeunes, dans leur quotidien et rappeler que la construction européenne change leur vie de manière toujours plus concrète.

Pour y parvenir, il leur faudra continuellement rappeler aux pro-européens qui sommeillent ici qu’il ne suffit pas d’être capable d’identifier les problèmes auxquels ils font face ; il faut aussi être prêt à se retrousser les manches pour y apporter des solutions. Si les pro-européens britanniques parviennent à surmonter leurs différences internes et à se battre pour un projet européen qui est en soi une bonne chose pour les Peuples d’Europe, en fixant eux-mêmes les termes du débat plutôt qu’en suivant encore et toujours le UKIP, ils pourront espérer non seulement un progrès, mais même une victoire dans les années à venir. A voir !

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Vos commentaires
  • Le 24 septembre 2013 à 07:13, par Padacc En réponse à : Les pro-européens au Royaume-Uni : quitte ou double ?

    Trop tard ! Ça fait 40 ans que ce travail d’« éducation » (dans nos contrées, on a l’Europe dans le sang) aurait dû être fait, ce n’est pas en trois ans que la donne va être inversée... La construction européenne a besoin vital d’approfondissement, le ROYAUME UNI a depuis son adhésion été davantage un frein qu’un moteur !

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