La blogosphère europhile, Le Taurillon compris, a suivi avec autant d’enthousiasme et d’espoir ces nominations que les médias plus traditionnels ont brillé par leur manque d’investissement pour en expliquer les enjeux sous-jacents, qui ne se limitaient pas à une querelle de personnes. Les citoyens européens tenaient là une occasion majeure de pouvoir débattre de l’avenir de l’Union européenne, de son ambition et son caractère intergouvernemental ou plus fédéral. La forte abstention aux élections européennes n’a guère permis de faire profiter la seconde option, assurément plus démocratique.
Jerzy Buzek : une première personnalité issue de l’Europe de l’Est au Parlement européen
C’est sans surprise que le 14 juillet, l’ancien Premier Ministre conservateur polonais Jerzy Buzek est élu président du Parlement européen par 555 voix sur les 644 exprimées (et 713 présents sur 736). Sans surprise, car les trois plus importants groupes politiques du Parlement européen (PPE, S&D et ADLE, soit un potentiel de 449 voix) s’étaient accordés sur son nom. Cet accord technique, permettant à ceux qui le concluent, de garantir la présidence à tour de rôle du Parlement européen, peut susciter la méfiance auprès des citoyens européens, peu habitués à cette culture du consensus. A condition que ce consensus, comme dans le cas de la Présidence de la Commission européenne sur lequel nous reviendrons, ne se fasse pas au détriment du débat politique.
C’est la première fois qu’un ressortissant des anciennes démocraties populaires, cinq ans après leur adhésion à l’Union européenne, préside une institution communautaire, qui plus est l’unique assemblée démocratique multinationale législative au monde. Un signe encourageant montrant que l’Europe n’est pas que le club des pays d’Europe de l’Ouest.
Présents le jour de l’investiture, les Jeunes Européens-Fédéralistes (JEF) ont mené une action afin d’attirer l’attention de députés nouvellement élus sur la nécessité d’une Europe plus forte. Le rôle que devra assumer Jerzy Buzek et son successeur pour cette septième mandature 2009-2014 sera non seulement de présider et porter la parole de son assemblée devant les autres institutions mais également de faciliter les accords en son sein. Sa mission : rendre le Parlement plus attrayant.
José-Manuel Barroso, la confirmation du « Caméléon » à la Présidence de la Commission européenne
Parce que la droite européenne était arrivée largement en tête des élections européennes du 4 au 7 juin 2009, tout portait à croire que la réélection de José-Manuel Barroso se ferait sans difficulté. C’était sans compter, tout du moins au départ, du manque de soutien franc des États membres, mais également de la mise en demeure des députés socialistes, libéraux et écologistes, de présenter un programme clair. Un exercice de pure forme pour l’ancien maoïste, dont le surnom, le « Caméléon », témoigne de sa capacité à se confondre avec les idées et programmes de ses interlocuteurs.
Le résultat est celui d’un immense gâchis. Au-delà de la personnalité peu enthousiasmante de l’ancien Premier Ministre portugais, dont le bilan politique fut médiocre, la nomination du Président de la Commission européenne aurait dû être l’occasion d’un grand débat démocratique, partisan et transnational, puisque celui-ci serait issu du parti majoritaire aux élections européennes.
Peine perdue. Les socialistes, en particulier, ne parvenant pas à s’accorder sur un candidat digne de ce nom à ce poste, en dépit des appels des Jeunes Européens les enjoignant vivement à rendre public leur candidat à ce poste communautaire majeur. Pire, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni soutenaient José-Manuel Barroso, pourtant du parti opposé !
Cela a pu se mesurer au moment du vote, le 16 septembre, où Barroso était réélu par 382 voix pour et 219 voix contre et 117 abstentions. Ce nombre élevé d’abstentions s’expliquait par la posture étrange de Martin Schulz, chef de file des socialistes et démocrates au Parlement européen, qui a demandé aux membres de son groupe parlementaire de s’abstenir de voter contre la candidature de José-Manuel, afin de présenter bonne figure et s’assurer de la place de prochain Président du Parlement européen.
Ce choix par défaut est d’autant plus inquiétant que l’Europe vit un moment décisif : l’Union est confrontée à la crise économique et financière, bientôt sociale, ainsi qu’à des défis tout aussi cruciaux en termes de changement climatique, de sécurité énergétique et de relations internationales. Mais la personnalité de Barroso séduit néanmoins les gouvernements européens, car celui-ci ne leur fait pas d’ombre.
Herman Van Rompuy, le premier président du Conseil européen n’a rien d’un George Washington
Le nom de Tony Blair, personnalité charismatique, a rapidement circulé. Puis ce fut au tour de Jean-Claude Juncker, le Premier Ministre luxembourgeois, d’annoncer sa candidature – chose étonnante dans ce milieu où officiellement, personne n’est candidat à un poste.
Sitôt José-Manuel Barroso élu, les tractations parmi les chefs d’États européens ont débuté pour s’accorder sur les noms du président du Conseil européen ainsi que de la ministre des Affaires Étrangères de l’Union. Très vite, les associations militant en faveur de la construction d’une Europe démocratique se sont inquiétées du processus opaque de désignation : presque aucune personne citée ne s’exprimait en effet sur sa vision de l’Europe.
C’est finalement à l’issue d’une réunion du Conseil que le nom d’Herman Van Rompuy, Premier Ministre belge, était annoncé. Beaucoup de choses ont été dites sur ce personnage : sa grande capacité de négociation - il est parvenu à apaiser temporairement les tensions entre les communautés linguistiques de son pays – contrebalançant son manque de charisme. Mais d’aucuns connaissant un tant soit peu les institutions européennes savent que ce ne sont pas les plus silencieux qui sont les moins actifs ou efficaces, bien au contraire. Et si Herman Van Rompuy parvenait à faire parler le Conseil européen d’une seule voix, celui-ci pourrait bien supplanter une Commission européenne déjà au service de ce Conseil. Si tel n’était pas le cas, il pourrait bien alors s’allier avec le président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, pour faire avancer l’Union européenne.
Seul l’avenir nous dira quel rôle tiendra Herman Van Rompuy. Une chose est certaine ; sa discrétion n’améliorera pas la visibilité de l’Union européenne dans les médias notamment – ce que l’on pouvait attendre d’une telle nomination – et n’augure rien de bon pour les prochaines échéances électorales.
Lady Catherine Ashton, une baronne à la tête de la diplomatie européenne
Annoncée en même temps que Herman Van Rompuy, voilà une nomination qui ne manque guère de piquant : le poste très convoité de ministre des Affaires Étrangères de l’Union européenne (car tel n’est pas l’intitulé du poste mais qu’il faut bien en faire usage puisqu’il en a les compétences) échoit à Catherine Ashton, ancienne commissaire au commerce, britannique, alors que son pays n’est traditionnellement guère favorable à ce que l’Union européenne soit dotée d’un service diplomatique !
Ajoutons à cela le manque d’expérience de la dame, le fait qu’elle n’est jamais été élue... Et vous obtenez une forte suspicion à son égard. D’autant que compte tenu des réticences des États membres à accorder à l’Union la compétence diplomatique, Lady Ashton devra sans doute faire preuve de beaucoup d’habileté pour parvenir à ce que l’Europe parle d’une seule voix. Néanmoins, l’échec cuisant de Copenhague nous démontre une fois encore que seule la voie communautaire, supranationale, et non intergouvernementale, reste l’unique moyen efficace pour l’Union d’avancer véritablement.
Et demain, des citoyens européens sensibilisés et responsables ?
A court terme, la prochaine échéance sera l’audition des futurs commissaires par les parlementaires européens, qui procéderont ensuite à un vote approuvant la composition de cette Commission européenne. Cette séance de rattrapage du Parlement européen, afin qu’il nous démontre sa capacité à montrer ses pouvoirs renforcés par le traité de Lisbonne, est prévue en janvier 2010.
En effet comme il s’était opposé à la candidature de Rocco Buttiglione comme commissaire à la justice, liberté et sécurité en 2004, le Parlement pourrait cette fois faire entendre ses positions sur Lady Ashton, ce qui serait un véritable coup de semonce pour les États membres (on peut toujours rêver), ou bien encore Connie Hedegaard, proposée à la Commission en charge du climat, qui pourrait se voir rappeler l’échec du sommet climatique de Copenhague, qu’elle présidait.
4 ans : c’est le temps que nous avons devant nous pour sensibiliser les citoyens – et les médias – à s’intéresser à cette Europe qui agit pour eux au quotidien, afin qu’ils expriment leur soutien comme leur opposition, qu’ils participent pleinement au processus démocratique, et que la forte participation démontre leur volonté d’être entendus. Vaste défi, mais... Cap ou pas cap ?
1. Le 31 décembre 2009 à 06:00, par Martina Latina En réponse à : Manque de charisme et d’ambition pour les grandes nominations européennes de 2009
A ma connaissance, Jean Monnet et Robert Schuman travaillaient dans l’ombre, dans la discrétion et la réflexion, donc avec un CHARISME d’abord presque invisible, mais surtout dans la DETERMINATION qu’ils évoquent tous deux.
Laissons leur chance à cette nouvelle équipe européenne et gardons chacun modestement, mais sûrement... le CAP sur l’EUROPE : toujours en avant, comme une vocation et des étoiles indispensables aux équipages traversant le temps et l’espace, EUROPE qui donna ce nom de source et de course à la civilisation dont elle incarnait l’apparition nous aidera en compagnie d’un TAURILLON à quitter le rivage de 2009 pour aborder la justice et la paix qui attendent l’UNION EUROPEENNE.
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