Melilla et Ceuta : deux nouvelles bonnes raisons d’être fédéraliste.

, par Jean-Baptiste Mathieu

Melilla et Ceuta : deux nouvelles bonnes raisons d'être fédéraliste.

C’est une pauvreté endémique, le sous-développement et l’absence totale de perspective d’avenir qui - entre autres malheurs - poussent de nombreux immigrants africains à prendre la route de l’Europe. Une Europe qui se montre alors être une bien piètre terre d’asile pour ces malheureux, comme l’illustre cet article à suivre...

Un document, une tribune que nous avions déjà publié(e) dans nos colonnes, en octobre dernier :

Lors de la fameuse ’’crise migratoire’’ qui avait alors frappé les deux fameuses enclaves espagnoles (nord-africaines) de Ceuta et Mélilla...

Document que nous replaçons donc ces jours-ci en ’’une’’ : à l’occasion du dossier que nous consacrons depuis peu à l’Afrique et à la participation de l’Europe à son développement. Un codéveloppement eurafricain à repenser : dans un souci d’efficacité, d’équité et de justice et dans une perspective... fédéraliste ?

Face à la forteresse Europe

« L’ ’’Europe forteresse’’. Jusqu’au mois d’août 2005, c’était l’expression employée pour désigner la politique de l’immigration restrictive pratiquée en Europe.

Désormais ce n’est plus une métaphore mais une réalité. Et les deux citadelles de cette ’’forteresse’’ se nomment Ceuta et Melilla, les deux enclaves espagnoles situées sur sol marocain.

Traditionnellement, les images de l’immigration entre les deux rives de la méditerranée nous montraient des hommes sur des bateaux pourris :

Tentant une traversée qu’ils avaient payée au prix fort, pour échapper à la misère à laquelle ils se savaient condamnés.

Depuis peu, nos écrans de télévision nous propose des images plus spectaculaires : l’assaut de la « forteresse Europe » protégée par des barbelés et des balles réelles, qui parfois font mouche.

Alors, là avachi devant ma télé le vertige me prend, et trois réflexions me viennent à l’esprit.

La première porte sur la détermination des clandestins. Il faut être vraiment persuadé qu’il n’y a pas de beaux jours possibles dans son pays d’origine pour vouloir le quitter avec une telle volonté. Une volonté qui vous pousse à l’eau dans une coquille de noix, alors que vous ne savez pas nager,ou celle qui vous jette sur des barbelés et des gardes de postes-frontière, armés, qui n’hésitent alors pas à tirer.

La seconde réflexion qui me vient, sans doute un peu démago mais totalement assumée, est une question. Pourquoi ces types ne pourraient-ils pas fuir la misère ? Au nom de quel principe supérieur à la liberté humaine peut-on mettre une ligne infranchissable et dire « là, tu passes pas, t’es pas chez toi, t’es pas né là. Alors va crever dans ton pays, et fait le sans trop de remous, on ne voudrait pas être dérangé par tes problèmes de développement tous les soirs à 20h00 ; sinon on change de chaîne ».

La troisième réflexion, cette fois inspirée de mon bon Président de la République qui m’a appris que lorsqu’il y a un problème et que je ne suis pas content, c’est sans doute dû au Satan Bruxelles, me pousse à m’interroger sur ce que fait l’Union européenne.

« Alors qu’est ce qu’elle fout, l’Europe ? »

Eh bien justement elle n’en fait pas assez. Ou plutôt, on ne lui permet pas d’en faire davantage.

En effet, malgré l’adoption de quelques règles communes en matière d’asile et une meilleure coordination pour organiser les contrôles aux frontières, il n’existe pas aujourd’hui une véritable politique commune de l’immigration.

C’est encore la « chasse gardée » des Etats qui, pour des raisons électorales et de moyens, gèrent cette question égoïstement, chacun de leur coté et - il faut le dire clairement- en dépit du bon sens.

Penser et mener l’action publique au niveau politique le plus efficace possible -qu’il soit supranational, national, ou infranational - c’est cela être fédéraliste, et il y a urgence.

Un exemple : A la fin du premier semestre 2005, alors que l’Espagne se lancait dans une politique de régularisation des sans papiers, le ministre de l’intérieur français, sur la même question, durcissait sa position. Il ne s’agit pas de dire là que l’un a tort ou a raison, mais il est incroyable de voir des pays frontaliers adopter des décisions autant opposées à l’égard d’un problème qui est en fait transnational.

L’immigration est l’exemple typique de flux qui dépassent nos États-nations. Restreindre l’action politique au champ national s’est se condamner définitivement à l’absence de politique ambitieuse et efficace. C’est au niveau supranational que ces questions, portant sur ces flux dérégulés, devraient être évoquées. Ainsi, la politique de l’immigration pourrait ne pas être traitée uniquement sous l’aspect de lutte contre les clandestins, mais mêlerait restriction et développement des pays d’origines.

Il n’y aura pas de politique d’immigration crédible, de tentative de limiter l’afflux vers nos pays sans une approche politique permettant le développement de l’Afrique. Cependant, un tel programme ne peut être fait au niveau national, les Etats doivent abandonner leurs compétences sur ce plan et permettre la mise en place par l’Union Européenne d’un véritable programme de développement du continent africain.

Ce qui est vrai là pour l’immigration est similaire pour d’autres flux transnationaux, à ce titre la question de l’environnement devrait, elle aussi, être uniquement évoquée à une échelle supranationale.

Penser et mener l’action publique au niveau politique le plus efficace possible - qu’il soit supranational, national, ou infranational - c’est cela être fédéraliste, et il y a urgence. »

- Illustration :

Gibraltar, le rocher (Sources : Encyclopédie en ligne wikipédia).

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Vos commentaires
  • Le 19 août 2006 à 20:53, par Ronan Blaise En réponse à : Sur l’actuelle crise migratoire...

    En tout cas il est aujourd’hui assez clair que la politique des divers vingt-cinq Etats membres de l’Union européenne n’est guère cohérente sur ces sujets et manque - pour le moins - de coordination.

    En effet, alors que la France expulse même des familles de sans papiers dont les enfants sont néanmoins scolarisés..., l’Italie régularise - elle - de façon massive (avec 517 000 régularisations en 2006) (Cf. Article de « la Stampa » in « Courrier International » n°822 du 3 août 2006 : ici page 18.) : à l’image de l’Espagne qui - l’an passé - avait également procédé à des régularisations massives (600 000 étrangers ayant été régularisés en 2005) (Cf. Article de « ABC » de Madrid in « Courrier International » n°822 du 3 août 2006 : ici page 18).

    Et, pendant ce temps là, l’Espagne demande de l’aide pour contrôler ses frontières alors que la pression augmente sur ses territoires de Ceuta-Mélilla et des îles Canaries où près de 16500 personnes (soit trois fois plus que pendant toute l’année 2005...) seraient déjà arrivées cette année à bord d’embarcations de fortune...

    Nb : Le premier semestre de cette année n’était pas même achevé que le nombre de migrants y ayant accosté dépassait déjà le chiffre record de toute l’année 2002 (alors déjà considérée comme un pic...) : leur seul nombre en janvier dernier dépassant celui de toute l’année précédante... (Cf. Tribune du Pr. Ali Bensaad, Maître de conférence à l’Université de Provence, in « Libération du 26 juillet 2005 : ici page 27).

    Toujours est-il que les vingt-cinq Etats membres de l’UE n’arrivent déidément toujours pas à se mettre d’accord pour définir une politique commune de l’immigration. Et le Conseil des ministres de la Justice et de l’Intérieur qui s’est tenu le 24 juillet dernier semble en avoir été tout particulièrement révélateur.

    Certes tous ont alors admis que l’immigration illégale était un problème commun - aveu dont il aurait été impossible de rêver il y a seulement quelques années - mais, malgré ce constat, les bases d’une approche collective de ce problème ne sont pas posées et l’UE continue d’hésiter à mettre en place les outils et les mécanismes unifiés d’une politique européenne claire pour prendre en charge et gérer ces questions liées à l’immigration légale et illégale que les Etats membres ne peuvent prétendre résoudre seuls.

    Point positif : l’installation récente sur l’archipel des Canaries d’une antenne de « Frontex » (l’Agence européenne des Frontières), une initiative bienvenue mais insuffisante qui ne correspond pas vraiment aux mesures qu’il faudra prendre tôt ou tard.

    Pareillement, une conférence internationale euroafricaine a été récemment organisée - début juillet dernier - à Rabat sur le thème des migrants en provenance de la zone sub-saharienne. Il en est sorti une déclaration finale qui se voulait certes équilibrée et où il était aussi question de la nécessité du développement des pays du sud pauvre ainsi que du « respect de la dignité » des migrants.

    Mais on oublie de dire que, voeux pieux mis à part, l’essentiel des mesures concrètes véritablement proposées à l’occasion de cette conférence l’ont surtout été pour intensifier la lutte contre l’immigration illégale et cladestine.

    A commencer par l’organisation et la mise en place dans la région (décidé dès le 20 juin dernier) d’un déploiement militaire (naval et aérien) et de patrouilles maritimes pour lutter contre l’immigration clandestine et pour contrer ces flux migratoires africains. Egalement alors aussi à l’ordre du jour : la mise en place (décidée à l’occasion de la Conférence préparatoire de Dakar, début juin) de procédures plus efficaces encore d’expulsion et de réadmission des immigrants illégaux. Bref : une panoplie complète de mesures concrètes pour l’exercice d’une politique drastique de répression des plus classique.

    Et ce que l’on oublie de dire, c’est que les estimations les plus basses chiffrent aujourd’hui à plus de 4000 le nombre de personnes noyées - depuis 1992 - dans la traversée du détroit de Gibraltar. Là où on a déjà dénombrées près de 1500 morts dans les quatre premiers mois de 2006, d’après les RG espagnols (les ONG andalouses estimant leur nombre au double sur les six derniers mois...). Et ceci ne tenant pas compte des morts bien plus nombreux et bien plus ignorés encore dans l’immensité du désert saharien...

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