Connaissance du Fédéralisme

« Mondialisme, Fédéralisme et Démocratie internationale »

« Le mondialisme et l’intégration européenne » (par Jean-Francis Billion / UEF-France).

, par Ronan Blaise

« Mondialisme, Fédéralisme et Démocratie internationale »

« Fédéralistes, Espérantistes, Ecologistes, Pacifistes, Militants associatifs appartenants à de nombreuses ONG », nombreux sont tous ces citoyens du monde qui partagent les mêmes choix politiques fondamentaux : refusant la fatalité de la division du genre humain et de l’anarchie internationale, souhaitant participer au dépassement des nationalismes et à l’avènement d’une authentique Démocratie internationale.

Renouer les fils malencontreusement disjoints d’une Histoire commune des mouvements fédéralistes et regrouper - « Fédérer » - tous ces « Fédéralistes » : tel est le projet politique auquel souhaite contribuer cet ouvrage de Jean-Francis Billion.

Prenant ainsi le pari que - malgré les divergences ayant existé entre ces diverses branches du fédéralisme- leur culture commune (la ’’culture de la paix’’ par opposition à ’’celle de la guerre’’, pour reprendre là une formule de Mario Albertini…) devait tôt ou tard les réunir…

« Mondialisme, Fédéralisme européen & Démocratie internationale » : cet ouvrage est une petite histoire de la ’’marche de l’Humanité", tout au long du dernier XXe siècle, vers son unité : par la fédération mondiale, alternative à l’organisation du monde en Etats souverains.

Un siècle dans la longue marche vers l’unité du genre humain ; un siècle de fer qui aura vu les militants du fédéralisme résister contre tous les totalitarismes (fascisme, nazisme, communisme, etc) et surmonter les épreuves d’au moins deux guerres mondiales (et une guerre froide) [1].

Avec, en tête, toujours les mêmes craintes, toujours les mêmes refus. Le refus du nationalisme et de la guerre. La crainte de l’autodestruction de l’humanité par les armes, voire - depuis 1945 - par le nucléaire. Objectifs : refuser la division du genre humain en entités politiques rivales, remédier à l’état d’anarchie internationale qui prévaut entre les Etats et Nations.

Une histoire très riche où l’on retrouve les noms de personnalités éminentes comme l’auteur de science-fiction H.G. Wells (fondateur, en 1916, d’une association ayant pour but la création d’une fédération mondiale : la « League of Free Nations Association ») [2], le journaliste Clarence Streit (ancien correspondant du « New York Times » à la SDN, par la suite fondateur - aux Etats-Unis, en 1939-1940 - de la « Federal Union Inc. » [3], l’abbé Pierre [4], le célèbre militant mondialiste et ’’citoyen du monde’’ Garry Davis [5], ou encore le non moins célèbre Sir Peter Ustinov, longtemps président du MFM [6].

Naissances simultanées, convergences idéologiques, divergences stratégiques

Dans cette histoire récente des mouvements fédéralistes européens et mondialistes, tout commence à la fin de la seconde guerre mondiale, il y a près de soixante ans - à l’automne 1947 - quand naissent, à Montreux (en Suisse, sur les rives du lac Léman) deux organisations fédéralistes : l’ « Union européenne des Fédéralistes » (UEF) et le « Mouvement universel pour une confédération mondiale » (MUCM), depuis lors devenu « Mouvement fédéraliste mondial » (MFM).

L’UEF et le MFM : deux organisations qui - il y a dix ans - ont à nouveau célébré ensemble, à l’automne 1997, le cinquantenaire de ces congrès qui les avaient vus naître un demi-siècle auparavant, achevant là un processus de rapprochement des plus bienvenus.

En effet, UEF et MFM - ces associations désireuses pourtant, toutes deux, d’œuvrer pareillement pour l’unité politique du genre humain - se sont longtemps divisées sur les stratégies à mettre en œuvre. A savoir construire l’Europe unie, prioritairement à la fédération mondiale (ou l’inverse…).

Les uns accusant les autres de prendre le risque de diluer le projet européen dans quelque utopie mondiale estimée impossible. Ceux-là mêmes tenant pour folie ce projet de construire, en Europe, quelque nouvelle grande superpuissance armée dans un monde caractérisé par la guerre froide, menacé par l’apocalypse nucléaire.

Ce qui fait que l’UEF et le MFM, ces deux organisations fédéralistes mais concurrentes, ont longtemps mené leurs combats - pourtant complémentaires - souvent en parallèle, parfois même en opposition, (voire dans la polémique, sinon l’ignorance l’une de l’autre…).

Années 1990, temps de rapprochements heureux

Mais, par delà ces temps d’opposition et de rivalités ’’ponctuelles’’, la fin des années 1980 et le début des années 1990 (années de la fin de la guerre froide mais, également, d’un dramatique renouveau des nationalismes…), les responsables de ces deux organisations se sont enfin rendu compte de vivre les temps nouveaux d’une opportunité historique.

L’opportunité et la nécessité de réunir enfin tous les membres de la grande famille fédéraliste, afin d’œuvrer plus efficacement (puisque ensemble…) à la mise en place d’un nouvel ordre mondial pacifique, car plus juste et plus démocratique.

A nouveau rassemblées, les organisations fédéralistes semblent avoir enfin pris la mesure de leurs divergences stratégiques pour retrouver, enfin, l’essence de ce qui les rassemble. Ce qui peut être formulé ainsi : on peut effectivement parfaitement admettre que le renforcement graduel de l’ONU (par la réforme de la Charte voire la rédaction d’une Constitution spécifique à l’ONU, par la limitation voirs l’abololition de l’usage du droit de véto, par la démocratisation de l’ONU et la mise en place d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies élue au suffrage universel, ainsi que par le renforcement de ses cours de justice, par exemples…) est un projet politique tout à fait raisonnable et souhaitable...

Comme les deux faces d’une même pièce

Mais toutes les organisations fédéralistes semblent avoir également enfin admis qu’il s’agissait là d’un processus complexe pouvant également inclure - en tant que modalités régionales de ce même projet ’’global’’ - le règlement des conflits (notamment au Proche-Orient) via des solutions fédéralistes, ainsi que le maintien de la paix par la mise en place d’organisations continentales entretenant entre elles des relations amicales et de coopération.

« De même, l’on conviendra que la fédération mondiale ne va sans doute pas naître comme Apollon, jaillissant de la tête de Zeus dans une armure étincelante. Mais qu’il s’agirait là d’un processus historique, d’une évolution dans lesquels il semblerait que les Nations d’Europe occidentale aient été désignées par les faits historiques pour entamer cette évolution vers la fédération mondiale. A conditions, toutefois, qu’il s’agisse là du début d’un processus ouvert. Et non pas, comme on pourrait également le redouter, de la formation d’un Etat souverain fermé destiné à s’affronter aux autres entités souveraines » [7].

Ainsi « L’intégration au niveau régional peut être une méthode pour établir le gouvernement fédéral mondial. La formation de fédérations régionales peut hâter l’établissement du gouvernement fédéral mondial à condition qu’elles ne deviennent pas des fins en soi, qu’elles soient susceptibles de diminuer les tensions et les divergences existantes entre les grandes et les petites nations et enfin qu’elles restent subordonnées à l’établissement du gouvernement fédéral mondial (…) Puisqu’on peut souligner que les fédérations régionales ne peuvent d’elles-mêmes résoudre le problème d’assurer une paix durable. » [8].

Bref, fort d’un demi-siècle d’exemple européen ’’modèle d’intégration régional ou continental pour un ordre mondial pacifique et démocratique’’ [9], il s’agit aujourd’hui - toujours - de réussir la mise en place, à terme, d’une fédération mondiale. Mais c’est désormais l’approche régionale qui semble aujourd’hui réunir les diverses branches du mouvement fédéraliste bientôt réunifié. Même si - autant le dire - les fédéralismes européens et mondialistes (deux combats inextricablement imbriqués l’un dans l’autre…) semblent décidément n’être en fait que les deux faces d’une seule et même pièce….

Ainsi semblent avoir été patiemment renoués le fil d’un héritage fédéraliste et mondialiste dont les premières expressions politiques remontent aux toutes premières années du XXe siècle.

Quand par exemple (en 1915-1916), les assemblées fédérales du Massachusetts (puis des Etats-Unis…) adoptèrent des motions parlementaires demandant la création d’une fédération mondiale [10], premiers pas vers la création de la SDN puis de l’ONU : simples ligues d’Etats souverains ou prototypes diplomatiques (et intergouvernementaux) de futurs gouvernements universels (et supranationaux).

Car, même si le contexte historique a considérablement évolué, le constat et l’objectif restent les mêmes : instaurer la paix entre Etats, dans l’Humanité entière, par l’affirmation universelle de la suprématie du droit.

Article initialement paru en octobre 2007

Illustration : le logo choisi pour illustrer cet article est proposé, sur wikimédia, comme emblême pour tous ceux qui se reconnaitraient dans ce ’’world citizen flag’’.

- Références :

« Mondialisme, Fédéralisme européen & Démocratie internationale / Le mondialisme et l’intégration européenne (1945-1995) » ; un ouvrage de Jean-Francis Billion (UEF-France) publié en France (en 1997) aux éditions Fédérop et par l’Institut Altiero Spinelli (220 pages).

Notes

[1Seconde guerre mondiale puis guerre froide : deux époques où - dans les pays anglo-saxons tout du moins - l’on échafauda de nombreux projets de regroupements - sous forme fédérale - des démocraties occidentales face aux Etats de l’Axe ou face au bloc communiste, autour - notamment - des travaux de Clarence Streit sur l’idée d’ « Alliance atlantique ». Cf. Opus cit. : pages 151 à 156.

[2Cf. Opus cit. : page 16.

[3Cf. Opus cit. : pages 17-18-19, 25, 35, 72-73, 143 à 153, 166 à 170.

[4Cf. Opus cit. : pages 36-37, 75 et 86.

[5Cf. Opus cit. : pages 27, 40-41-42 et 57.

[6Cf. Opus cit. : pages 124, 135 et 170.

[7Extraits de la déclaration finale du Congrès du MUCM, à Luxembourg, en 1948. Cf. Opus cit., page 39.

[8Propos tenus par le fédéraliste d’origine hongroise Emery Reves. Cf. Opus cit., page 38.

[9Cf. Opus cit., pages 110 et 170.

[10Cf. Opus cit., page 16.

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