Noëlle Lenoir : « incroyable qu’après plus de 60 ans, on n’ait pas substitué le 9 mai au 8 mai »

Le Taurillon : Le Cercle des Européens organise une grande rencontre le samedi 28 février. Pourriez-vous nous présenter cet évènement ?

Noëlle Lenoir : Cette rencontre marque le lancement des actions du Cercle des Européens concernant les élections au Parlement européen. Nous en aurons d’autres, mais c’est la première cette année.

Cette rencontre a une double force symbolique :
– D’une part, elle s’inscrit dans le contexte noir d’une crise mondiale, financière, économique, sociale, mais aussi et surtout morale. Les marchés financiers - que l’Europe a contribué à déréguler ces dernières années - se sont emballés et ont généré des liquidités en masse, ne reposant sur aucun substrat économique réel, et constituant souvent d’ailleurs des crédits « toxiques ». Si j’évoque ce contexte, c’est pour mieux souligner l’importance du Parlement européen en tant qu’il représente un espoir pour une Europe sachant faire face aux difficultés tout en restant unie et solidaire, eu égard notamment à un certain effacement - regrettable d’ailleurs - de la Commission.

– La venue de Hans Gert Pöttering, que je connais bien et que j’apprécie, illustre l’engagement du Cercle en faveur de cette Europe des peuples et pas seulement des nations. Le Parlement européen est en effet, avec la Cour de Justice européenne, l’institution la plus fédérale. Par ailleurs, Hans Gert Pöttering est allemand. Or j’ai toujours été persuadée que le couple franco-allemand a un rôle moteur irremplaçable, même à 27, même à 30 (moteur ne voulant pas dire directeur). Je lui demanderai samedi prochain s’il partage toujours cette vision dont je sais qu’elle était en tous les cas la sienne ces dernières années.

Le Taurillon : Qu’est-ce que le Cercle des Européens ? Quel public souhaitez-vous toucher ?

Noëlle Lenoir : J’ai créé le Cercle des Européens comme un prolongement au plan associatif de mon action en tant que ministre des Affaires européennes. Lorsque j’étais au gouvernement, j’organisais une fois par moi des rencontres avec des personnalités marquantes de la scène européenne. J’avais été frappée de l’écho rencontré par ces réunions sous forme de petits déjeuners au Quai d’Orsay avec des convives de tous les horizons politiques et socio-professionnels. J’avais aussi été impressionnée par la qualité de nos débats par la passion qui animait l’échange entre les invités et les intervenants. En fait, les sujets européens sont le filtre à travers lequel nous testons notre capacité à répondre au défi du monde au niveau qui convient pour les pays comme ceux du continent européen.

Le Cercle va fêter en avril son 5ème anniversaire comme association. Il devient au-delà d’un lieu de débats (en général à l’Express ou à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris), au-delà même du réseau constitué par ses membres et leurs interlocuteurs en Europe, un think tank. Notre site internet relate nos activités et donne la parole à toutes sortes de personnalités pour des interviews très libres. Mais je voudrais aller plus loin. Nous allons bientôt rendre publique une étude très intéressante sur la fiscalité des entreprises en Europe pour démontrer qu’il est temps d’aller vers une harmonisation plus poussée, tout en veillant à lutter énergiquement contre l’évasion fiscale. Last but not least, je vais constituer un groupe de travail permanent qui va produire des analyses et des points du vue, afin de nous permettre d’être encore plus présents dans le débat.

Notre public est constitué d’abord par des décideurs, car nous ne faisons pas de vulgarisation et nous nous adressons à ceux qui ont déjà une bonne connaissance de l’Europe. Mais nous ne sommes pas un club d’initiés. Nous nous adressons à tous ceux qui s’intéressent à l’Europe.

Le Taurillon : Mme Lenoir, vous êtes une ancienne Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004). Que pensez-vous de l’idée du Mouvement européen et des JE-France de faire du 9 mai un jour férié ?

Noëlle Lenoir : Je ne suis par principe pas favorable aux jours fériés. Il y en a beaucoup trop de sorte que chacun n’a plus de valeur distinctive. En revanche, je trouve incroyable qu’après plus de 60 ans, on n’ait pas substitué au 8 mai, le 9 mai, d’autant qu’il existe maintenant le 27 janvier pour se souvenir des déportés des camps, la plus grande blessure de l’Europe.

Donc j’apprécie l’initiative sur le fond si on substitue le 9 au 8 mai, et si elle ne conduit donc pas à multiplier les jours fériés…notamment en mai.

Le Taurillon : Vous tenez un blog d’opinion sur L’Express.fr sur l’actualité européenne. Quel sera selon vous le principal sujet des élections européennes du 7 juin 2009 ?

Noëlle Lenoir : La crise, la crise, la crise… j’aurais tendance à vous répondre comme le général de Gaulle le faisait à propos de l’Europe, l’Europe, l’Europe.

Les députés européens seront jugés, non seulement par rapport à leur parti politique, mais en fonction de l’enthousiasme qu’ils sauront communiquer, de l’espoir qu’ils sauront susciter et aussi de leur capacité à répondre à deux questions fondamentales liées à la crise :

1. Qu’apporte l’Europe aux salariés licenciés, aux entrepreneurs en mal de commandes ou de crédit, aux investisseurs prêts à contribuer à l’innovation, aux ménages qui ont des difficultés à se loger, aux étudiants qui cherchent un emploi...

2. L’Europe est-elle en mesure d’aider à refonder un système de marché dont les défaillances provoquent des drames humains et qui ne peut survivre que s’il existe une vraie gouvernance européenne, et même mondiale.