Pays-Bas et liberté de la presse

Rapport « Goodbye to Freedom »

, par Fred Sanders, Traduit par Suzanne Curcu

Pays-Bas et liberté de la presse

Le rapport sur la liberté de la Presse en Europe « Goodbye to Freedom » vient d’être publié par l’Association des Journalistes Européens. Le Taurillon a décidé de publier le résultat de cet énorme travail. Aujourd’hui, voici la situation aux Pays-Bas.

Présentation générale

Aux Pays-Bas, la liberté d’expression est considérée comme l’une des libertés fondamentales et la liberté de la presse se définit en tant que condition préalable de ce droit humain essentiel. Même si les journalistes hollandais ne sont pas confrontés à de graves problèmes dans leurs relations avec le Gouvernement, deux affaires récentes peuvent donner des raisons de s’inquiéter.

Affaire n°1 : deux journalistes placés en détention pour avoir refusé de dévoiler leur source

Le 27 novembre 2006, Bart Mos et Joost de Haas, deux journalistes hollandais du plus grand quotidien du pays De Telegraaf, avaient été arrêtés et placés en détention trois jours durant dans une prison de la Haye pour avoir refusé de dévoiler la source de leurs articles. Ce traitement infligé par les autorités a soulevé deux questions : d’une part celle du principe de confidentialité entre les journalistes et leur source d’information et d’autre part celle de l’arrestation des journalistes, vue comme une tentative de couvrir une erreur gênante commise par le service de renseignement néerlandais.

Aux Pays-Bas, le droit des journalistes à ne pas divulguer leur source est généralement accepté, car sans ce droit la relation entre un journaliste et sa source d’information serait sérieusement compromise. Dans cette affaire, Bart Mos et Joost de Haas avaient été appelés à témoigner au cours du procès d’un ancien agent du service de renseignement hollandais, accusé d’avoir fourni des informations à un trafiquant de drogues. Les journalistes avaient ensuite publié une série d’articles sur ce procès en citant une source du service. Après avoir refusé de révéler comment ils avaient obtenus leurs informations, Bart Mos et Joost de Haas ont été placés en détention. Cette arrestation a suscité de nombreuses protestations de la part du Telegraaf, du syndicat néerlandais des journalistes et d’associations internationales de la presse et les deux journalistes ont finalement été relâchés trois jours plus tard, le 30 novembre 2006.

Ce procédé inhabituel de détention de journalistes soulève la question suivante : pourquoi les autorités ont-elles jugé nécessaire de recourir à une décision si radicale ? Les journalistes avaient appris l’existence d’une fuite au sein de service de renseignement néerlandais. En effet, un agent des services secrets avait divulgué des informations à propos d’une enquête sur le vol et la vente illégale d’armes fournies à un dangereux criminel, assassiné ensuite. Une autre source, provenant certainement du même service, avait informé les deux journalistes de cette fuite. Le tribunal a alors ordonné l’arrestation des ces derniers lorsqu’ils refusèrent de révéler le nom de leur informateur. Des interrogations ont été exprimées sur la volonté du service de renseignement à vouloir ainsi couvrir une de ses propres erreurs.

Plus tard, l’enquête a révélé que certaines armes auraient pu être volées dans un dépôt d’armes secret datant de l’époque de la Guerre froide et lié à un réseau de l’OTAN nommé « Gladio ».

Affaire n°2 : le Premier ministre et l’art de la manipulation politique, ou comment bien présenter son discours

Il n’est pas rare que les hommes politiques se montrent mécontents de la façon dont leurs glorieuses actions sont rapportées dans les médias. Ils préfèrent donc se trouver dans une position qui leur permette d’agir sur la manière dont leurs actions seront rapportées et d’user de ce pouvoir pour créer une meilleure image auprès du public. Ce fait est illustré par un exemple délicat mais éloquent : depuis l’été 2006, les entretiens hebdomadaires entre la presse et le Premier ministre des Pays-Bas, Jan-Peter Balkenende, ne se tiennent plus au Centre de presse Nieuwspoort de la Haye, mais au Ministère des Affaires générales, le bureau du Premier ministre.

Ce changement est significatif, car même si le porte-parole du Premier ministre tenait habituellement les conférences de presse, Jan-Peter Balkenende était l’invité de la presse parlementaire.

À présent, le nouveau lieu de conférence oblige les membres de la presse à se soumettre aux désirs du bureau de presse du Premier ministre. Le changement a d’abord suscité des plaintes et certains ont même appelé au boycott, mais les journalistes concernés n’ont pas eu les moyens de générer assez de mouvements de solidarité pour mettre en place une telle résistance. Ils se sont donc inclinés devant le nouveau statu quo.

Bien sûr, les journalistes ont toujours la liberté d’écrire ce que bon leur semble. Ils sont également libres, dans une certaine mesure, de poser les questions qu’ils jugent appropriées. Toutefois, ce changement apparemment innocent représente en réalité un renforcement de la mainmise exercée par le gouvernement dans sa tentative de manipulation de la politique rapportée dans les médias.

Conclusion et actions futures

Ces deux affaires amènent la conclusion suivante :

Même dans un pays où l’on ne rencontre généralement pas de problèmes liés à la liberté de la presse, les journalistes se doivent de rester vigilants, notamment pour défendre leur droit d’être critiques vis-à-vis de l’autorité et de la remettre en question.

Le Taurillon remercie l’Association des Journalistes Européens pour l’autorisation de publier cet issu du rapport « Goodbye to freedom » et de sa mise à jour du mois de février 2008.
Illustrations :

 le drapeau des Pays-Bas ; source wikipedia

 le logo du rapport « Goodbye to freedom »

 le logo de l’AEJ

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