Pays arabes-UE : Les bons voisins font les bons amis

, par Traduit par Julien Hagelstein (ULG-HEL, Liège, Belgique), Styliani Kampani

Pays arabes-UE : Les bons voisins font les bons amis
Štefan Füle, Comissaire chargé de l’Elargissement et de la Politique européenne de voisinage Services audiovisuels de la Commission européenne

Depuis décembre 2010, peu de jours passent sans avoir de nouvelle des révolutions arabes. Ce n’est pas étonnant : des changements aussi profonds ne se réalisent pas en quelques jours ou en quelques mois. Malgré le nombre incalculable d’innocentes victimes, la communauté internationale et les Nations Unies (NU) n’arrivent pas à régler cette situation problématique, qui atteint son apogée en ce moment en Syrie.

En tant que voisine, l’UE ne peut pas rester en dehors de ces évènements en raison du fait que cela met « en péril » ses intérêts et ses politiques cohérentes. Plusieurs personnes relèvent que le printemps arabe pourrait amener un flux incontrôlé d’immigrants, ce qui troublerait et amènerait des problèmes supplémentaires au Vieux Continent… Des pensées alarmistes exagérées ou peut-être juste une excuse pour modifier la politique d’immigration et tout ce qu’elle implique : le contrôle des frontières, l’octroi du droit d’asile, les visas, les permis de travail ou d’études, etc. La plus grosse claque vient des déclarations de plusieurs représentants de l’UE qui ont désiré ramener sur la table des négociations la révision des accords de Schengen et l’éventuel rétablissement du contrôle des frontières internes — souvent considérée comme un prétexte pour la promotion du programme des partis de droite. Il convient aussi de mentionner qu’après la chute du régime libyen, environ 1,5 millions de personnes (principalement de pays d’Afrique) sont retournées dans leur pays au lieu de venir en Europe.

Les bienfaits de la Politique de l’immigration

En 2011, l’UE a pris des décisions importantes pour s’approcher d’une politique de l’immigration plus intégrée. La Politique commune de l’immigration est fondamentalement supposée faire de l’émigration une opportunité plutôt qu’une nécessité pour les étrangers. En d’autres mots, le Portail de l’UE sur l’immigration est vu comme le précurseur de la politique commune de l’immigration de l’UE, alors que la stratégie Europe 2020, proposée par la Commission, a pour objectif de créer un ensemble de droits pour les travailleurs extérieurs à l’UE résidant dans un État-membre pendant que des directives additionnelles sur les conditions d’entrée et de séjour pour les saisonniers et les personnes transférées par leur entreprise sont soumises à débat. De plus, la directive relative aux résidents de longue durée a créé un statut uniforme pour les ressortissants de pays extérieurs à l’UE qui résident légalement sur le territoire d’un pays de l’UE depuis au moins 5 ans, ce qui assure une base légale pour un traitement égal sur tout le territoire européen. Les autres initiatives de l’UE comprennent le Forum européen sur l’intégration, le Portail européen sur l’intégration, le manuel sur l’intégration et le Fonds européen d’intégration. Ces nouveaux projets sont tous innovants et prometteurs, même s’ils ne sont qu’au stade de l’essai. Avec un peu de chance, ils aboutiront plus que la fameuse Convention de Dublin.

Le défi

Pour les hommes politiques, la gestion de l’émigration légale est un thème grandement sujet à controverse. Lorsqu’ils doivent s’occuper de l’émigration illégale, ils agissent comme des autruches. Les frontières maritimes du sud de l’Union européenne sont de loin les plus compliquées à contrôler et augmentent l’immigration clandestine. L’Italie, la Grèce et l’Espagne voient arriver de nombreux réfugiés de la mer en provenance d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de Turquie. La majorité de ces personnes n’ont pas de papiers et sont souvent les victimes de réseaux de passeurs ou de contrebandiers. Les autorités nationales rencontrent des difficultés pour les reloger, les répartir sur le territoire et pour leur accorder le droit d’asile. Coincés dans un pays autre que le leur, ils sont soit recrutés, de manière non déclarée, par un employeur local, soit ils travaillent sur le marché noir, sous la menace constante d’être arrêtés ou poursuivis en justice.

En parlant du droit d’asile, il est extrêmement dysfonctionnel au sein de l’Union européenne. Par exemple, un Afghan cherchant à être en sécurité parmi les États de l’UE aura des chances d’y rester allant de 8 % à 91 % ! Pour les Européens, le printemps arabe peut être considéré comme une occasion unique d’améliorer la Politique Européenne de Voisinage. Avec tous ces affrontements et la situation tendue que nous avons actuellement, l’espace humanitaire s’amenuise. Par conséquent, il y a plus de victimes, plus d’abus, plus de peur. À la différence de la guerre froide, où les USA et l’URSS tiraient les ficelles, la communauté internationale attend des Nations Unies qu’elle enraye l’escalade de la violence. Difficile.

Vu la population vieillissante de l’Europe, le recours à la main-d’œuvre étrangère deviendra une nécessité après la génération « Baby-Boom ». Selon les statistiques, d’ici 2060, si les taux d’immigration actuels sont maintenus, l’Europe comptera 50 millions de travailleurs en moins qu’aujourd’hui. Dans le cas contraire, il y aura 110 millions de travailleurs en moins qu’aujourd’hui pour contribuer au financement des dépenses sociales, plus particulièrement des pensions. Selon les estimations, dans un futur proche (en 2020) le secteur de la santé souffrira d’un manque d’un million de professionnels ! La Communauté européenne se transforme en un espace multinational et multiculturel ; nous ne pouvons pas l’éviter, même si certaines personnes s’y opposent.

Des paroles aux actes

L’Union européenne possède un grand nombre de politiques et de mécanismes pour lutter contre l’immigration illégale et la criminalité transfrontalière et est en train d’en développer d’autres. Cependant, l’UE devrait faire en sorte que ses partenaires du sud prennent des initiatives similaires, avec pour but d’assurer une immigration régulière ainsi qu’une sécurité maritime et transfrontalière. Selon les déclarations de la Commission européenne, l’UE devrait entrer en dialogue avec ces pays en prenant soigneusement en compte tant les politiques à court terme qu’à long terme.

Alors que la coopération pour la sécurité maritime, la surveillance des frontières et le partage d’informations devraient entrer en vigueur sur le court terme, il y a aussi la nécessité de prendre en considération les causes profondes de l’immigration illégale et du trafic d’êtres humains. De plus, l’UE devrait travailler en coopération avec des organisations régionales telles que la Ligue arabe, l’Union africaine ou l’Organisation de la Coopération Islamique, qui désirent prendre part à une approche stratégique en collaboration menant vers une stabilisation de la région.

L’UE, tout comme une grande majorité des États-membres, a clamé haut et fort son soutien aux révolutions arabes et son opposition aux violations des droits de l’homme lors des soulèvements sociaux. Cela s’est effectué principalement par le biais de déclarations politiques condamnant l’utilisation de la violence contre les manifestants pacifiques et par l’application de sanctions sur les régimes autocratiques qui interdisaient les révoltes sociales. Dans ce sens, l’UE a adopté plusieurs mesures restrictives importantes en soutien au printemps arabe en Égypte, en Tunisie, en Libye et en Syrie. Tandis que l’UE se fait toujours entendre dans le cas de la Syrie, elle devrait aussi continuer à donner de la voix dans les pays en transition.

Article issu du partenariat avec le site European Student Think-Tank

Vos commentaires
  • Le 13 octobre 2012 à 13:54, par alan En réponse à : Pays arabes-UE : Les bons voisins font les bons amis

    Bonjour, j’attire votre attention sur un souci de sémantique : En droit national et international, il n’existe pas de textes se référant à « l’émigration légale » ni à l’ « immigration illégale ». Il n’existe aucune convention internationale évoquant un statut de migrant légal, pas plus que de migrant illégal. Ce sont des abus de langage, contraires à l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « tout homme a le droit de quitter son pays et d’y revenir ». Les migrations ne relèvent donc pas des lois. Les migrations relèvent de politiques publiques, pas des productions juridiques. Le statut des migrants est lié au statut administratif, pas au statut légal. Ainsi, on parlera raisonnablement d’« immigration irrégulière plutôt que d’ »immigration illégale« . Quant à l’ »émigration légale", c’est un terme non seulement impropre, mais particulièrement douteux. Il a fait l’objet de sévères critiques de la part par exemple du réseau Migreurop au début des années 2000, mais aussi de la part de de nombreuses personnalités scientifiques ou encore de défense des droits des migrants. Un européen qui voudrait s’expatrier devrait-il vérifier si son projet migratoire est légal ? De même pour toute autre personne dans le monde.

    Ces termes relèvent du vocabulaire politique". Ils n’ont rien à faire dans le langage journalistique qui doit rester en phase avec les règles déontologiques de la profession. Des guides sur le traitement de la migration pour les professionnels des médias sont faciles à trouver sur internet. Cordialement

  • Le 14 octobre 2012 à 11:56, par Jonathan Leveugle En réponse à : Pays arabes-UE : Les bons voisins font les bons amis

    @alan Merci pour ce détail sémantique

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