Pour l’économiste J.Grapin « C’est à l’UE de reconstruire la relation avec les Etats-Unis »

, par Micaela Finkielsztoyn

Pour l'économiste J.Grapin « C'est à l'UE de reconstruire la relation avec les Etats-Unis »
(De gauche à droite) Jean-Claude Houdoin, Trésorier du Mouvement Européen-France et Jacqueline Grapin Tous droits réservés

Dans le cadre de la conférence organisée par le Mouvement Européen-France, « Obama, ‘four more years’ : quelles relations entre les EU et l’UE ? » le Taurillon a pu interviewer Jacqueline Grapin, économiste, présidente des Conseillers du Commerce Extérieur de la région de Washington. Elle revient sur l’importance de la connexion transatlantique.

Le Taurillon : Quels sont les enjeux contemporains de la relation EU-UE ? Sur quelles questions les points de vue convergent et sur lesquels on observe des divergences ?

Jacqueline Grapin : La relation entre les EU et l’EU est ce que les Américains appellent un « must ». Le commerce entre les deux pays constitue le 54% du commerce mondial, raison pour laquelle il est nécessaire de travailler ensemble. Deuxièmement, il y a beaucoup de défis dans le monde d’aujourd’hui que les États Unis doivent affronter et ils précisent à l’UE qu’il n’y a pas de leadership américain. Mais, dans le même temps, la relation entre ces deux blocs est en transition. Au début, quand cette relation fut établie, l’Europe attendait la protection des Etats-Unis.

Mais, après la fin de la Guerre Froide et les changements qui ont eu lieu à cause de la crise économique globale, les Etats-Unis ont du faire face des priorités différents : le Pacifique est un point de haute importance dans l’agenda américain. En plus, les Etats-Unis ont évolué après la Guerre Froide. Les hispaniques représente presque un tiers de la population ; la jeunesse, un cinquième des électeurs. Les femmes aussi sont beaucoup plus importantes qu’hier. Chez les jeunes, la population anglo-Saxonne est aujourd’hui devenue une minorité. Donc, l’approche européenne vers cette nouvelle population américaine doit être différente, parce que il n’y a plus forcément une connexion historique et culturelle avec eux, pas comme celle qui existait auparavant. En conséquence, c’est à l’Union européenne de reconstruire la relation avec les Etats-Unis. Et, malheureusement, l’incertitude à laquelle Europe doit faire face complique les choses. Obama n’a pas reçu d’incitations stratégiques concrètes pour se concentrer sur l’Europe. Il pense au Pacifique, en soutenant une relation historique avec l’Europe. Mais ce sera le devoir européen de renforcer la relation transatlantique pour les 5 prochaines années.

Le Taurillon : Quel est votre avis sur l´état des négociations sur le traité commercial transatlantique, compte tenu du fait que les Etats-Unis et l’UE sont les premiers partenaires commerciaux ?

Jacqueline Grapin : Ce qui est drôle c’est que l’idée d’un traité de libre échange entre les Etats-Unis et l’UE apparut pour la première fois à Institut européen dont j’ai été la fondatrice il y a 20 ans ! Et, en ce temps-là, personne ne le croyait possible au court terme. Mais, aujourd’hui les deux partis le réclament même si ce sera difficile. Le président des États- Unis le désire beaucoup plus que le Congrès, qui ne lui permettra d’avoir un tel succès si facilement. Ils essayeront de l’empêcher. En Europe, Berlin et Londres le réclament aussi. Les Français sont quant à eux un peu plus réticents. La vérité est que, en temps de crise, tout le monde cherche à mener des politiques protectionnistes. Les Américains sont aussi protectionnistes même si on ne voit pas les restrictions, mais elles sont là au travers de régulations et de normes.

Mais si Obama réussit à achever le Pacific Partnership et le traité transatlantique, il réussira les négociations les plus importantes de sa génération.

Le Taurillon : Quel est, selon vous, la distribution des rôles sur la scène internationale entre les Etats-Unis et l’Union européenne ?

Jacqueline Grapin : On pourrait dire que les Américains font les plus grands efforts et que l’Europe coopère. La question centrale est celle de l’OTAN : qu’est-ce qu’elle fera dans le futur ? Parce que elle avait été conçue comme une alliance pour la protection de l’Europe mais, maintenant, c’est devenue une structure expéditionnaire. Les Etats-Unis ont la tendance à la maîtriser comme un outil leur appartenant. Mais, quel est le vrai rôle de l’Europe dans l’OTAN ? Les Américains ont commencé à retirer leur forces de notre continent : ils sont passés de 300.000 troupes à 70.000. Il n’y a plus d’artillerie. Ils se tournent vers l’Asie ce qui peut choquer l’Europe. Cependant, il est aussi vrai que les pays européens n’ont pas augmenté leurs dépenses en matière de défense comme ils le devraient et qu’ils trouvent des difficultés sérieuses pour travailler dans une politique de Défense Commune satisfaisante.

Le Taurillon : Croyez vous que le triomphe d´Obama aux dernières élections est un atout pour l’Europe ?

Jacqueline Grapin : Oui, parce qu’il a empêché le pire de se passer ! Si M. Romney avait été élu, l’écart entre les Américains et les Européens se serait accentué, en termes de politique interne –des valeurs, des idées–, mais aussi dans la façon de conduire et concevoir les relations internationales. Aujourd’hui c’est mieux pour l’Europe d’avoir Obama. Sinon, les Etats-Unis deviendraient plus interventionnistes, plus unilatéralistes et réticents à coopérer avec les institutions internationales.

Le Taurillon : Qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans les relations transatlantiques ?

Jacqueline Grapin : Le dialogue qui existait pendant les administrations de Bush (père) et Clinton fonctionnait mieux. C’était un dialogue fixé et organisé qui avait lieu deux fois par an sur des sujets concrets et sur lesquels il fallait coopérer. Maintenant, c’est différent : il y a des sommets, des réunions mais on a l’impression qu’il n’y a pas une volonté d’harmoniser les opinions.

Je continue à être optimiste sur la relation, parce qu’il n’y a pas d’autres options : les États- Unis savent qu’ils ont besoin de l’Europe et vice versa. Mais comment le faire ? Il y a des sujets difficiles à aborder. Le Parlement européen est un outil très important pour l’amélioration des relations. Il faut qu’il travaille beaucoup plus étroitement avec le Congrès américain –ils le font déjà. La Commission européenne, surtout après Lisbonne a continué à renforcer la coopération intra-européenne qui facilite aussi le dialogue avec les Etats-Unis. Mais il reste beaucoup à faire. Le défi principal est de régler les problèmes économiques ensembles, les Etats-Unis et l’UE ont plus de chances de réussir ensembles que séparés. De plus, les Etats-Unis ont commencé à sortir de la crise plus vite que les Européens. Il est dans l’intérêt européen de rester « branchés » aux Etats-Unis et les Etats-Unis n’ont pas d’option non plus, parce qu’ils ont un grand nombre d’investissements en Europe. Pour vous donner un exemple, entre 2000 et 2010, les Etats-Unis ont investi 9 fois plus aux Pays Bas qu’en Chine. On ne peut pas négliger cette réalité.

Il y a une phrase américaine qui dit que le diable se cache dans les détails. Il faut alors regarder ces détails très soigneusement !

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