En Roumanie, des communautés entières sont reléguées dans des quartiers séparés par des murs, sans eau ni électricité, comme en Slovaquie, où des femmes Roms ont par ailleurs été stérilisées. En Bulgarie, ils sont parqués dans des ghettos urbains. En République Tchèque, ils sont la cible de manifestations néo-nazies qui se multiplient. En Croatie, ils sont visés par des cocktails molotov. En Hongrie, la milice paramilitaire du Jobbik les harcèle et les violente, les obligeant souvent à chercher l’exil à l’étranger. En Bosnie-Herzégovine, ils sont victimes de discriminations quotidiennes comme en Italie, en Moldavie ou encore en Serbie. En France, les appels à la haine voire à l’extermination se multiplient, et les Roms continuent d’être victimes de stigmatisations similaires et des mêmes expulsions que sous le précédent pouvoir. Les retours forcés au Kosovo répondent aux expulsions continues d’Allemagne, du Danemark ou encore de Suède.
Si la violence des persécutions varie selon les pays, elles sont de même nature partout. Elles puisent leurs origines dans les mêmes représentations stigmatisantes et les mêmes stéréotypes éculés.
Comme pour mieux faire perdurer ces persécutions, c’est un véritable violentement de la mémoire qui est parfois à l’œuvre aujourd’hui. Par exemple à Léty, en République Tchèque, une usine porcine est installée sur le site même d’un camp nazi, souillant la mémoire des quelque 1 300 Roms qui y ont été concentrés entre 1942 et 1943 – et dont seuls 300 ont survécu aux déportations et à la mort sur place.
Face à ce sombre tableau, la réaction des institutions politiques n’a pas été à la hauteur de la gravité de la situation, quand ce ne sont pas elles qui l’ont aggravée.
Comme on pouvait s’y attendre, les « Stratégies nationales d’intégration des Roms » présentées par les Etats-membres de l’UE à la Commission à la fin 2011, souvent sans budget, sans objectif et sans mesure, n’ont pas permis d’améliorer la situation de misère sociale et de domination raciale dans laquelle se trouvent trop souvent les communautés Roms. Par manque de pouvoir, de légitimité et parfois de volonté, la Commission n’a pas décidé de mesures européennes pourtant nécessaires alors que la situation se dégrade dangereusement pour ces communautés dans toute l’Europe.
Il est temps que les Etats membres arrêtent de mettre en place des stratégies d’évitement voire de persécution, et que l’UE se montre enfin garante du respect des droits fondamentaux pour tous les individus, quitte à prendre le risque d’entrer en conflit avec les Etats membres, car ce sont les valeurs fondamentales de l’Europe qui sont en jeu.
A l’inverse des institutions politiques, c’est avec résolution que la société civile s’engage, offrant espoir et perspectives d’avenir à un continent entier.
Depuis trois ans maintenant, la matrice et le symbole de cet engagement est la Roma Pride, large mouvement d’auto-émancipation et d’accompagnement à l’auto-émancipation mêlant dirigeants et organisations des communautés Roms et du reste de la société civile européenne, engagés ensemble contre les différentes expressions du racisme et pour l’égalité.
L’esprit de la Roma Pride, c’est celui de la dignité, de la justice et de la solidarité, qui irriguent les nombreuses initiatives menées par la société civile à travers toute l’Europe.
C’est dans la dignité que plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées sur le site du camp d’Auschwitz pour y commémorer le génocide Rom le 2 août dernier, en référence à la nuit du 2 au 3 août 1944 au cours de laquelle 2 500 Roms y ont été assassinés. Cette date doit faire partie intégrante du calendrier commémoratif européen afin de donner une place plus juste à la mémoire du « Samudaripen » et afin de combattre les persécutions actuelles en désignant avec clarté dans quelle filiation elles s’inscrivent. C’est la justice, et non la vengeance, que les victimes et la société civile ont réclamée après les meurtres racistes en séries contre des Roms en Hongrie. Après plus de trois ans de procédure, les coupables ont été justement et lourdement condamnés.
C’est par la solidarité, et l’appel au respect de la loi, que la société civile a réagi aux ignobles provocations et menaces des néo-Nazis en République Tchèque.
Alors que la crise qui perdure exacerbe la haine nationaliste et pousse à désigner les plus fragiles comme responsables de cette crise dont ils sont en réalité les premières victimes, nous appelons tous les individus à exprimer leur désir de vivre ensemble en Europe, avec nos différences de cultures, de langues et d’identités, et à faire vivre leur solidarité par-delà les frontières.
Dimanche 6 octobre, nous nous rassemblerons simultanément dans près de 15 pays européens, de Paris à Kiev, d’Oslo à Istanbul en passant par Prague, Bucarest ou encore Budapest, pour la Roma Pride, déterminés à montrer pourquoi et comment vivre ensemble dans une Europe véritablement démocratique car enfin débarrassé du racisme et du nationalisme.
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