Le budget européen tel qu’il se conçoit et se négocie aujourd’hui reflète-t-il l’état de la construction européenne ?
Oui dans une très large mesure, c’est parce que la construction européenne est un peu problématique aujourd’hui qu’on a du mal à s’entendre sur le budget, qui est la manifestation financière des projets communs. Cela traduit le fait que nous ne sommes pas d’accord sur ce que l’on veut faire ensemble.
Quels sont les principaux obstacles au fédéralisme budgétaire ?
Les principaux obstacles sont aujourd’hui politiques, c’est-à-dire que les gouvernements nationaux ne souhaitent pas qu’une partie de leurs compétences soit transférée à un niveau supranational, ils s’attachent à un mode de fonctionnement intergouvernemental. Finalement, le budget européen serait un obstacle à ce mode de fonctionnement intergouvernemental.
Comment avancer aujourd’hui vers davantage de fédéralisme budgétaire ?
Une des idées est évidemment de réformer le financement du budget européen, d’abandonner le système actuel principalement fondé sur les contributions nationales et aller vers un impôt européen. Naturellement cela affaiblirait le pouvoir des États-membres sur le budget européen mais cela renforcerait parallèlement le pouvoir du Parlement sur lui.
Un impôt européen est-il faisable ? Quelle est la solution qui retient le plus votre attention ?
S’agissant de la faisabilité, il faut savoir qu’il y a encore 5 ans lorsque l’on évoquait un impôt européen, beaucoup répondaient que ce n’était pas d’actualité. Or aujourd’hui la Commission fait elle-même des propositions d’impôt européen, preuve qu’il y a une évolution, même lente. Il faut aussi rappeler qu’en 1980 ou 1985 si on avait demandé si une monnaie européenne était faisable, tout le monde aurait dit non. L’enjeu actuel est important, c’est celui du fédéralisme. Avec un impôt européen, nous ferions un pas décisif dans ce sens puisque naturellement le Parlement européen devrait se prononcer sur les ressources budgétaires, ce qui est le fondement d’une démocratie parlementaire.
Ensuite, quel impôt envisager ?
Plusieurs solutions ont été avancées, la Commission a proposé soit une TVA soit une taxe sur les transactions financières. C’est cette dernière proposition qui semble être la meilleure pour le moment. A titre personnel, je serais plutôt en faveur d’un impôt sur les sociétés qui soulagerait énormément la concurrence fiscale. De plus cet impôt ne serait pas impopulaire car non endossé par le citoyen. L’autre solution qu’il me paraît important d’évoquer est la taxe carbone, qui aurait beaucoup de sens au niveau européen au regard des objectifs fixés dans la lutte contre le changement climatique.
Une taxation sur les transactions financières ne serait-elle pas ridicule à l’échelle strictement européenne ?
Tout d’abord il y a un certain affichage politique dans cette proposition, c’est dire que nous allons faire payer les banques pour leur responsabilité dans la crise actuelle. D’autre part on risque de délocaliser les transactions financières, c’est l’un des arguments du gouvernement britannique contre cette mesure. Je ne suis pas convaincu par la pertinence de cette solution, en dehors de l’attrait politique qu’elle peut présenter. S’agissant de la TVA, je ne suis pas sûr que cela soit une très bonne idée car cela serait assez impopulaire. Tandis que la taxe carbone présente un avantage : on voit bien le lien avec l’objectif : lutter contre le changement climatique. Or c’est une cause qui rassemble les européens selon plusieurs Eurobaromètre. Avec un peu de pédagogie, on peut faire comprendre aux européens qu’il est nécessaire d’aller dans cette direction et qu’il serait assez naturel que l’Union en prenne l’initiative plutôt que les États-membres.
Le budget européen doit-il être un outil de solidarité ?
Oui. Aujourd’hui la logique du juste retour empêche assez largement cette solidarité et les crises récentes (Grèce, Portugal…) n’encouragent pas les États riches à aller davantage vers la solidarité. La tentation est grande de dire que ces États en difficulté ont déjà bénéficié de beaucoup de fonds structurels et qu’ils les ont gaspillés sans rendre au final leur économie plus efficace. L’argument de solidarité n’est pas facile à faire passer dans ce contexte. Mais ces égoïsmes nationaux ou régionaux ne sont pas propres à l’Union européenne : on les retrouve par exemple en Italie (Nord contre Sud), en Espagne (régions riches contre régions plus pauvres) ou encore en Belgique (séparatisme flamand). Il n’est pas facile de faire passer l’idée aux citoyens que faire société c’est aussi être solidaires financièrement et pas seulement donner ponctuellement.
En ces temps difficiles, quels sont les plus grands défis de l’Union ?
La conversion vers une économie bas-carbone est certainement le plus grand défi, même si au final l’Union européenne pèse peu dans les émissions mondiales. C’est le défi principal : nous sommes condamnés à avoir une politique énergétique efficace puisque nous n’avons que peu ou pas de ressources énergétiques. Il est dans notre intérêt d’aller vers une consommation plus faible d’énergie en général et fossile en particulier.
L’autre grand défi est celui de l’emploi et de la croissance, mais les deux vont de pair. La grande erreur aujourd’hui est de dire que l’on s’attache d’abord à la croissance et l’emploi et que nous nous occuperons plus tard du changement climatique. En mettant la stratégie du climat et de l’énergie au service de l’emploi et de la croissance, on verrait qu’ils sont en fait compatibles et non exclusifs. Convertir l’économie européenne en économie bas-carbone peut créer énormément d’emplois, d’investissements, etc. C’est une des solutions à nos problèmes.
Comment « vendre » l’Union européenne aux citoyens ?
L’Union a apporté beaucoup de bonnes choses aux citoyens et elle peut encore le faire. Vendre l’Union européenne comme la région du monde qui ne se soucie pas seulement de l’avenir de la planète mais aussi d’un mode de vie éco-compatible peut être une approche motivante pour les jeunes générations. L’Europe doit porter le projet d’un développement économique en harmonie avec l’environnement.
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