Je découvre à travers le blog qu’anime Richard Laming pour Federal Union, section britannique de l’UEF, l’idée du candidat républicain John McCain d’une Ligue des démocraties.
Dans un article s’adressant aux Européens, publié dans le Financial Times, et intitulé "America must be a good role model" [1], paru le 18 mars dernier, McCain indique :
« We need to renew and revitalise our democratic solidarity. We need to strengthen our transatlantic alliance as the core of a new global compact – a League of Democracies – that can harness the great power of the more than 100 democratic nations around the world to advance our values and defend our shared interests.
At the heart of this new compact must be mutual respect and trust. We Americans recall the words of our founders in the Declaration of Independence, that we must pay “decent respect to the opinions of mankind”. Our great power does not mean we can do whatever we want whenever we want, nor should we assume we have all the wisdom and knowledge necessary to succeed. » [2]
A priori, cette idée est intéressante. Elle marque pour commencer une orientation plus multilatérale que ce que pratique aujourd’hui l’administration Bush.
Elle reconnaît également un principe qui me semble indispensable dans les relations internationales, c’est à dire la différenciation entre les États démocratiques et ceux qui ne le sont pas. Un gouvernement élu et respecteux des droits de l’homme ne devrait pas se comporter exactement de la même manière lorsqu’il traite avec un gouvernement du même type ou lorsqu’il s’adresse, au hasard, à la Lybie, à la Tunisie ou à la Chine, dont les gouvernements représentent certes leur État mais ne représentent pas leurs citoyens.
Préférence démocratique
J’ai souvent été d’avis que le mécanisme mis en place en Europe avec le Conseil de l’Europe, lequel assure une coopération entre les pays démocratiques (désormais tous les États européens sauf la Biélorussie) et la protection des droits de l’homme à travers une cour de justice quasi-fédérale, la Cour européenne des droits de l’homme, gagnerait à être étendu au reste du monde. Bien sur, le système ne peut pas être transposé à l’identique, sans quoi on devrait se passer des États-Unis qui ne répondent pas à tous les critères, notamment sur la peine de mort.
Une telle organisation, si elle est mise en oeuvre dans de bonnes conditions, peut s’avérer un outil précieux pour une mondialisation plus respecteuse des citoyens.
Bien sur, l’extrême-gauche française, toujours prompte à se laisser aller à l’antiaméricanisme primaire le plus sot, s’est empressée de publier plusieurs papiers paranoïaques sur le sujet.
Naturellement, la manière dont John McCain présente son projet peut poser question. En effet, s’il souhaite que les États-Unis prennent désormais en compte les avis de ses alliés démocratiques, il conçoit semble-t-il plutôt cette Ligue des démocraties comme un moyen d’agir en commun dans les domaines économiques et diplomatiques mais aussi militaires. Pourquoi pas — Européens et Américains sont déjà après tout alliés dans le cadre de l’Otan — mais il faut préciser impérativement objectifs poursuivis et le cadre institutionnel et surtout les relations avec l’ONU.
Le Machin reste en effet incontournable en tant qu’espace de dialogue entre tous les États du monde. Même s’il est consternant de voir la Lybie se permettre de s’exprimer sur les droits de l’homme dans la commission ad hoc ou de devoir subir le veto potentiel de régimes comme la Russie ou la Chine, toute initiative nouvelle doit prendre en compte et respecter dans la mesure du raisonnable cette institution.
Il reste aussi à déterminer les pays susceptibles — et désireux — de rejoindre un tel ensemble. Le cas de la Russie étant le principal point épineux ; car une démarche de cooptation sur la base d’un groupe de départ États-Unis-Union européenne peut très bien fonctionner. Les États démocratiques sont connus et les critères moins flous que l’on veut bien le faire croire. Plusieurs organismes se sont consacrés à étudier la question comme la Freedom House.
Même s’il est probable que l’idée lancée part McCain — surtout désireux d’imposer le thème des affaires étrangères dans la campagne américaine, les démocrates étant supposés moins crédibles sur cette question — termine dans les poubelles de l’histoire comme la Confédération européenne de Mitterrand ou l’Union méditerranéenne de Guaino, elle mérite d’être étudiée. Elle me semble plus pertinente en effet que l’Union occidentale de Balladur. Il convient toutefois de ne pas oublier d’autres propositions sur l’amélioration des relations internationales, comme par exemple la Campagne pour une assemblée parlementaire des nations unies.
1. Le 22 mai 2008 à 10:40, par Diego En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Je suis assez d’accord avec toi. C’est une proposition intéressante. Ce sont des pistes pour une démocratie mondiale.
2. Le 22 mai 2008 à 22:47, par Ronan En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Otez moi d’un doute, mais il semblerait qu’il s’agisse bien de liquider l’ancien ordre international né des conférences de Yalta et Potsdam (1945), ainsi que son "pendant" en termes de sécurité collective : l’ONU (forum bien encombrant où - et oui - on est bien obligé de "discutailler" avec les dictatures ; encore que ça vaut sans doute mieux que de se foutre sur la gueule...).
Et là on ne passe bien du multilatéralisme onusien ("discutons tous ensemble", même quand ça ne mène à rien...) au bilatéralisme frontal (les "libres" vs les "pas libres"), vision des idéologues néoconservateurs dont la seule perspective - belliqueuse et bien connue - est la suivante : « le monde libre emmerde le reste du monde ». Franchement, est-ce bien l’avenir que nous voulons léguer aux générations à venir ?!
A tout prendre, les républicains US, quitte à devoir absolument suppporter leur paranoïa traditionnelle, je les préfèrent encore isolationistes...
3. Le 23 mai 2008 à 07:01, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Je ne sais pas exactement ce que le candidat républicain a en tête — seulement ce qu’il écrit — mais il me semble que le « discutons tous ensemble » n’est pas incompatible avec le « faisons quelque chose de plus entre gouvernements élus démocratiquement ».
D’un point de vue fédéraliste, dès lors que l’on ne se satisfait pas de relations internationales fondées sur des ordres juridiques nationaux strictement séparés et sur des principes uniquement diplomatiques, et que l’on exige la possibilité pour les citoyens ou leurs représentants de jouer un rôle dans ces relations internationales et dans la définition des normes établies à ce niveau (comme c’est le cas dans l’Union européenne), alors on ne peut pas être indifférent à la légitimité effective des gouvernements avec qui l’on traite.
4. Le 30 octobre 2008 à 15:11, par KPM En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
En même temps il faut aussi tenir compte des particularismes culturels. Le fédéralisme, c’est aussi (et surtout ?) ça. Et tant qu’on considérera qu’une démocratie c’est forcément selon le modèle occidental, on se heurtera aux accusations de néo-colonialisme et, pire, on conduira des dizaines de pays vers l’exact contraire de la démocratie. Une démocratie est possible partout, sous réserve qu’on reconnaisse qu’elle peut prendre des modes différents selon les endroits, et qu’un système électoral ne fait pas un système politique.
cf. http://www.taurillon.org/La-Democratie-des-autres-Amartya-Sen
5. Le 30 octobre 2008 à 15:32, par KPM En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Au passage, je suis certain que l’action internationale des gouvernements tunisien ou chinois correspond à la volonté de leurs peuples peut-être de façon encore plus proche que ne le font les gouvernements élus occidentaux. Il ne s’agit donc pas dans ces pays d’un problème de l’expression de la volonté de la majorité, contrairement à ce qui est allégué dans cet article, mais bien plutôt d’un problème, plus fondamental à mes yeux, du respect des minorités.
La question de la représentativité mondiale est donc complètement à côté du problème, àmha. Ce qui fait la différence entre la France et la Chine ce n’est pas que Sarkozy représente mieux la volonté du peuple français que Hu Jintao celui du peuple chinois, mais bien qu’on peut proposer autre chose que ce que fait Sarkozy et pas autre chose que ce que fait Hu Jintao. C’est qu’on a pu manifester contre la guerre en Irak à Londres mais pas à Téhéran. Au passage, il y a des élections pluralistes à Téhéran, avec un vrai enjeu et des vraies répercussions sur la scène internationale : Ahmadinejad et Khatami c’est aussi différent que Bush et Obama.
Je ne serais absolument pas choqué qu’on traite avec un régime dont le dirigeant n’est pas élu et qui ne rend aucun compte à quiconque, mais qui laisse chaque opinion s’exprimer librement et se confronter aux autres dans un débat d’idées sain et constructif dont il s’inspirerait pour prendre ses décisions. On n’a pas besoin d’élections pour avoir un régime démocratique dans l’absolu, même si ce système, surtout s’il est accompagné d’une séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire, religieux, médiatique...), est le plus à même de garantir la démocratie dans nos cultures.
6. Le 30 octobre 2008 à 16:31, par Valéry En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Amartya Sen propose d’élargir la notion de démocratie à celle de débat public sans se focaliser sur les seuls mécanismes électoraux sur le modèle grec. De fait et en adoptant ce point de vue de nombreuses sociétés et civilisations ont mis en oeuvre des formes de démocraties.Toutefois les exemples donnés concernent le plus souvent des débats dans le cadre de petites communautés qui ne sont guère applicables à l’échelle des nations modernes.
Les critères de la démocratie au sens moderne du terme ne me semble ni ambigus ni l’apanage de l’occident. L’accusation de néocolonialisme existe mais il nous appartient de l’ignorer compte tenu du fait qu’elle est infondée et généralement émise par des tier-mondistes qui n’hésitent souvent pas à défendre les pires dictatures pourvu qu’elles aient un discours anti-occidental.
Donc une définition large de la démocratie, pourquoi pas, mais pas au point de renoncer à distinguer les démocraties des régimes autoritaires.
7. Le 30 octobre 2008 à 16:53, par Valéry En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Au passage, je suis certain que l’action internationale des gouvernements tunisien ou chinois correspond à la volonté de leurs peuples peut-être de façon encore plus proche que ne le font les gouvernements élus occidentaux.
Je suis curieux de connaître l’origine de cette certitude compte tenu du fait que l’on n’a pas de moyen fiable de connaître la volonté de ces peuples. Par ailleurs compte tenu de l’absence de pluralisme dans le domaine de l’information, ou de débat public, la formation de cette « volonté » reste largement artificielle.
« Au passage, il y a des élections pluralistes à Téhéran, avec un vrai enjeu et des vraies répercussions sur la scène internationale : Ahmadinejad et Khatami c’est aussi différent que Bush et Obama. »
Euh... les candidats doivent obligatoirement être islamistes et approuvés pour se présenter, ce qui relativise très sérieusement le dit pluralisme. En outre, l’existence de mécanismes électoraux ne suffit pas à définir la démocratie. Il y en avait en RDA aussi. Sans liberté d’expression, d’association, de manifestation, de respect des droits de l’homme en général, les élections relèvent de la parodie.
Je ne serais absolument pas choqué qu’on traite avec un régime dont le dirigeant n’est pas élu et qui ne rend aucun compte à quiconque, mais qui laisse chaque opinion s’exprimer librement et se confronter aux autres dans un débat d’idées sain et constructif dont il s’inspirerait pour prendre ses décisions.
On doit traiter avec tout le monde - mais ce que dit l’article est que ce traitement doit être différencié. Une dictature éclairée ne peut pas être traitée comme une dictature sanguinaire mais ne doit pas non plus être traitée à l’égal d’une démocratie.
On n’a pas besoin d’élections pour avoir un régime démocratique dans l’absolu, même si ce système, surtout s’il est accompagné d’une séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire, religieux, médiatique…), est le plus à même de garantir la démocratie dans nos cultures.
Sans élection comment au juste associer chacun des citoyens au processus politique ? Elle n’est pas le critère unique de la démocratie mais certainement un critère nécessaire.
8. Le 30 octobre 2008 à 17:16, par Ronan Blaise En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Franchement, si cette « Ligue des Démocraties » doit servir de faux-nez à une politique aventuriste, aventureuse, belliqueuse et unilatéraliste telle que l’absolument désastruse politique étrangère menée depuis huit ans par l’administration républicaine sortante, je ne vois vraiment pas l’intérêt. (Et j’espère même alors que l’Europe ne s’associerait pas à un tel projet...).
Si l’objectif est juste de mieux contourner les Nations unies pour plus vite encore "casser la gueule aux méchants", je ne le vois pas non plus. De plus, une administration républicaine prolongée serait complètement discréditée pour pouvoir désigner - sans rire - qui sont vraiment les méchants...
Seule l’élection d’un Barrack Obama à la présidence des Etats-Unis peut rendre possible la "révolution copernicienne" dont ce début de XXIe siècle a plus que jamais cruellement besoin : permettre au reste du monde de regarder autrement l’Amérique (qui - dans le passé - aura rarement été à ce point détestée...) et à l’Amérique de regarder autrement le reste du monde.
Il ne reste donc plus qu’à espérer que les citoyens américains aient clairement compris qu’une Amérique gouvernée par des incompétents notoires (susceptibles de faire absolument n’importe-quoi...) est un facteur d’instabilité pour le reste du monde (et, par retour de flamme, une menace pour les USA eux-mêmes...).
Allez, plus que six dodos et (on touche du bois...) on n’aura peut-être plus franchement honte de dire qu’on aime bien l’Amérique...
9. Le 31 octobre 2008 à 23:32, par Robert En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
encore un machin qui servira à ourdir les plus tristes machinations sous prétexte de démocratie. A ce propos, quand on voit que la Turquie, la Russie ou l’Azerbaïdjan sont membres du Conseil de l’Europe, ça fait doucement rigoler !
10. Le 1er novembre 2008 à 06:29, par Valéry En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Le problème est surtout les critères du Conseil de l’Europe qui permet d’y faire entrer les pays que vous citez — quoi que le cas de la Turquie ne me semble pas poser de problème — alors que les États-Unis ne pourraient pas forcément être admis puisqu’ils pratiquent la peine de mort.
Il me semble pour ma part légitime d’agir contre les dictatures qui oppressent leurs populations, ce qui n’implique pas nécessairement d’y envoyer des Marines. Je trouve extrêmement regrettable que les initiatives en faveur de la démocratie dans le monde soient systématiquement soupçonnées d’impérialisme, attitude qui revient au final à accepter le maintien au pouvoir des pires criminels.
11. Le 1er novembre 2008 à 09:16, par Ronan En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
Je trouve extrêmement regrettable que les initiatives en faveur de la démocratie dans le monde soient systématiquement soupçonnées d’impérialisme, attitude qui revient au final à accepter le maintien au pouvoir des pires criminels.
Le problème, c’est moins l’initiative proposée que celui qui la propose. L’ennui, c’est que l’administration américaine sortante (à laquelle est lié le candidat McCain) a singulièrement manqué de discernement dans sa politique étrangère durant les huit dernières années. Notamment en Irak, où son action (proclamée comme étant « en faveur de la démocratie ») peut très bien être honnêtement perçue comme une action effectivement... impérialiste.
M. Saddam Hussein était probablement un criminel mais l’intervention américaine enIrak se sera révélé au final pire que le mal (même et surtout pour les Irakiens). Alors M. Ahmadinedjad est probablement quelqu’un de peu recommandable, mais je n’ose imaginer quel pourrait être le résultat cataclysmique d’un intervention militaire comme celle que le candidat McCain (à l’origine de cette idée de « Ligue des démocraties ») a laissé entendre qu’il pourrait lancer.
La géopolitique des néoconservateurs - (i. e : « le monde libre enmerde le reste du monde ») - n’aura pour seul résultat que d’envoyer tout le monde dans le mur. Permettant également la restriction voire la violation des libertés dans nos démocraties. Pas sûr que la démocratie sorte grandie de telles « croisades » agressives et déraisonnables. Pas sûr non plus qu’elle ne devienne un modèle franchement très attractif pour les peuples qui ne la connaissent pas.
12. Le 5 novembre 2008 à 23:57, par Robert En réponse à : Pour une Ligue des démocraties
La Turquie pose problème :
– elle mène une guerre civile contre ses propres citoyens kurdes
– elle occupe militairement un pays tiers (qui plus est de l’Union européenne)
– elle nie le génocide des Arméniens (vis-à-vis de l’étranger) et s’en glorifie (sur la scène domestique)
– elle réprime pénalement toute personne qui remet en cause le bien-fondé des trois politiques précédentes par le biais d’un arsenal législatif dont l’article 301 n’est que la disposition la plus connue
13. Le 11 décembre 2008 à 14:59, par A.B. En réponse à : Contre la Ligue des démocraties
L’idée de la ligue des démocratie est une idée dangereuse. Elle fait échos à la lointaine ligue de Delos qui marqua la fin de la domination d’Athènes en Grèce au V avant JC.
« De la Ligue de Délos à la League de Mc Cain »
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Cordialement, A.B.
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