Qu’est-ce que l’ « Occident » ?
D’après l’auteur, l’Occident existe même si l’on peine parfois à le définir. Il s’agit là d’une civilisation née à la fois de la pensée antique et de la foi chrétienne, une civilisation politiquement marquée par la laïcité, la Démocratie et l’état de droit : une civilisation et une communauté de destin marquées par la convergence d’intérêts et de valeurs (comme une même conception de la liberté et de la vie collective).
Cet "Occident" comprend donc essentiellement l’Europe et l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada). On pourrait certes le réduire au monde anglophone, mais ce serait inexact. Quant à la Russie, il est malaisé de la faire entrer dans cet ensemble où elle ne serait sans doute guère à l’aise (et mettrait mal à l’aise bien de ses "partenaires"...). L’Occident : la meilleure définition géographique possible serait donc de le décrire comme une « communauté transatlantique » ou « euroatlantique » d’un milliard d’hommes divisés en une multitude de nations.
Bien entendu, entre les deux grands pôles de cet « Occident » (Europe et Amériques), il existe de nombreuses différences d’ordre démographique, politique, culturel, économique, militaire et diplomatique : des différences culturelles profondes, enracinées dans l’histoire (comme la place de la religion dans la vie publique, par exemple...), des différences économiques et sociales d’ordre structurel ; comme le fait que les États-Unis soient, aujourd’hui encore, un pays d’immigration, jeune et dynamique (alors que l’Europe est un continent démographiquement vieillissant...).
Mais l’auteur estime que tout ce qui les rapproche néanmoins (mêmes valeurs spirituelles, même conception de la vie, des principes moraux très proches, les mêmes idéaux collectifs, les mêmes pratiques politiques et les mêmes intérêts fondamentaux) est — attachement à la Démocratie, à la Liberté individuelle, aux Droits de l’Homme, aux Droits fondamentaux de la personne, à l’État de droit — fondamentalement plus important que tout ce qui les divise.
La nécessité d’une « Union occidentale »
Cela dit, force est de constater qu’aujourd’hui l’Occident est à la fois divisé et concurrencé. D’où la nécessité d’organiser — pour demain — un « ensemble atlantique » qui soit à la fois plus cohérent et plus efficace. En effet, dans le monde d’aujourd’hui, l’Europe et les États-Unis ne sont décidément plus seuls à agir, à décider : d’autres puissances émergent (l’Inde, la Chine, le Brésil, la Russie, etc.).
Ainsi, l’Occident est désormais confronté à la concurrence : soit là une situation sans précédant depuis plusieurs siècles. Et sa puissance, son influence sont aujourd’hui battues en brèche dans tous les domaines : non seulement sur le plan démographique mais aussi dans la compétition qui s’ouvrent aujourd’hui entre leurs économies.
Et l’ancien premier ministre craint que, séparées, l’Europe et l’Amérique ne fassent désormais plus le poids devant les grands regroupements régionaux et continentaux qui prennent forme dans le monde d’aujourd’hui ; et face à l’hostilité croissante dont ils s’estiment parfois l’objet.
Partant donc du constat de l’affaiblissement relatif de l’UE et des USA dans le monde à venir, l’auteur estime que — réunis dans la difficulté — l’Europe et les États-Unis doivent enfin comprendre qu’il leur faut regrouper leurs forces pour mieux faire face à ces défis — voire dangers — communs.
« Espace transatlantique » : Le défi du partenariat
Les temps imposent donc aux deux pôles de l’Occident la nécessité de reconnaître qu’ils sont aujourd’hui incapables d’exercer seuls le leadership auquel ils prétendent. Et qu’il leur faut s’associer pour mener une action commune dans le monde. Pour ce faire, il leur faut donc nouer une coopération plus étroite — dans les domaines politiques, militaires, financiers et économiques — qui puisse leur garantir une meilleure sécurité et leur conserver une plus grande influence.
Le défi est donc le suivant pour les deux pôles du monde occidental : prendre conscience de leur précarité dans le monde de demain et de la communauté de civilisation qui les unit, bâtir des institutions qui leur soient communes et qui leur permettraient d’agir dans un monde où ils ne sont désormais plus les détenteurs exclusifs de la puissance.
Bien entendu — d’après l’auteur — l’idéal serait que l’UE soit assez forte pour qu’elle puisse expliquer aux USA — oscillant traditionnellement entre isolationnisme et interventionnisme — qu’ils doivent ralentir leur course trop solitaire pour mieux écouter les conseils avisés de nos vieilles nations européennes expérimentées.
Pour ce faire, l’Europe ne doit donc pas seulement être une conseillère raisonnable mais devenir un allié respecté. Pour convaincre, l’UE doit donc exister. Ne serait-ce que pour pouvoir proposer. Pour peser dans l’ « Union ocidentale » à venir, il faut donc que l’UE soit un partenaire solide, fiable, écouté pouvant parler d’égale à égale avec les États-Unis.
Le préalable — incontournable — d’une « Europe » réorganisée
Nécessité préalable à la mise en place de cette future « Union occidentale » : que l’Europe se réorganise et se réforme en profondeur. Rebâtie, l’UE pourrait ainsi manifester une volonté plus forte : condition indispensable pour la mise en place de relations plus équilibrées et plus égalitaires avec les Amériques, dans le cadre de ce véritable « partenariat euro-atlantique » que l’auteur appelle de tous ses vœux.
Pour mener à bien cette « Union occidentale » — affaire de longue haleine qui, du propre aveux de l’auteur, ne se fera sans doute pas du jour au lendemain — Edouard Balladur souhaite donc la mise en place d’une UE renforcée, réorganisée en "cercles" concentriques. Une Europe en ’’cercles concentriques’’ constituée de trois grands ensembles géopolitiques bien distincts.
Avec un noyau central à forte vocation politique constitué d’États mettant en commun davantage encore de souveraineté (notamment en matière de recherche et de formation ; et — surtout — en matière de diplomatie et défense…) [1] (où l’on retrouve le couple franco-allemand). Avec un noyau périphérique à fort contenu diplomatique, constitué de « partenaires privilégiés » (dont la Turquie ?). Et avec un noyau intermédiaire à vocation essentiellement mercantile, formant là un vaste marché commun continental.
Et alors que l’UE à 27 serait donc en fait réduite à n’être qu’un vaste « grand marché » continental [2], on pourrait alors voir en son sein l’émergence d’une « Europe politique », "avant-garde" constituée — sous la forme de "coopérations spécialisées" (sic) — des États les plus ambitieux et les plus volontaires, déterminés à aller plus vite et plus loin ensemble.
Quelles structures pour cette « Union occidentale » ?
Quant aux structures politiques de cette future « Union occidentale » [3] : dans un premier temps elles pourraient prendre la forme d’un « Conseil exécutif » (flanqué d’un secrétariat commun permanent) réunissant, environ tous les trois mois, les dirigeants de l’administration américaine et les dirigeants de l’UE renforcée.
Ce « Comité exécutif », simple "organisme restreint" (sic), aurait pour seule mission d’organiser la confrontation des points de vue à échéances régulières, pour parvenir à la définition de positions communes. Et si cet ’’ensemble atlantique’’ aurait effectivement besoin — à moyen terme — d’institutions plus solides, cela serait la tâche de la prochaine génération...
Ce qui leur permettrait d’adopter des vues communes sur — par exemple — la prolifération nucléaire [4], les questions de politique étrangère (comme la réorganisation de l’OTAN : une répartition plus équitable des commandements et des responsabilités au sein de l’alliance...) [5], les questions économiques et financières. Ainsi, les bases d’un nouveau système monétaire international [6] — d’une union douanière voire d’un grand « Marché commun transatlantique » [7] — pourraient être conjointement établies.
Quoi qu’il en soit, Edouard Balladur voit dans ce projet d’ « Union occidentale » un grand dessein pour le demi-siècle à venir : un projet politique qui permettrait alors à l’Occident d’échapper au lent et constant affaiblissement qu’il pressent. Mais, pour ce faire, faut-il encore cesser de nourrir les nostalgies souverainistes. Ce qui est d’autant plus vrai pour nos vieilles nations européennes...
Cette idée d’une « fédération transatlantique » (ici : « Union occidentale ») n’est pas nouvelle. Puisque c’est exactement cette même idée qui avait déjà été portée — pendant la guerre froide — par, entre autres, le journaliste américain Clarence Streit. Alors, il s’agissait d’unir les démocraties occidentales face au risque de l’impérialisme soviétique (et de transformer l’Otan en une fédération politique, démocratique).
Aujourd’hui, cette idée « transatlantique » réapparaît donc sous la plûme d’un Edouard Balladur. Et le principal intérêt de cet ouvrage est de nous préparer l’esprit non pas tant à l’alliance étroite entre Europe et Amériques (ce à quoi nous avons — désormais — depuis bien longtemps l’habitude...) qu’à l’émergence d’une Union européenne rénovée : pilier autonome d’une « Alliance atlantique » enfin rééquilibrée... et nouvel acteur ambitieux sur la scène internationale de demain.
1. Le 20 avril 2008 à 14:44, par Charlemagne XXI En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Un Occident fédéral aboutirait a un renforcement de la puissance des états unis sur l’ Europe,en effet les Etats Unis représenterait un tiers de la population et la moitié du PIB du nouvel ensemble,cela renforcera encore plus l’anglais en Europe et contribuera a régionalisé encore plus le français et les autres langue européenne. Avec un telle déséquilibre les US auront toujours le dessus,combiné a la divisions linguistique et politique de l’ Europe cela finirait de faire de l’ UE la « légions étrangère » des US.
2. Le 21 avril 2008 à 07:38, par Valéry En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Je suis assez favorable à une telle vision, toutefois je crois qu’il faut aller plus loin et rassembler dans une sorte de structure commune toutes les démocraties, un peu comme le Conseil de l’Europe le faisait autre fois (avant d’accueillir la Russie).
3. Le 21 avril 2008 à 18:51, par Ronan En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Dans son ouvrage, Edouard Balladur ne parle pas exactement d’un « Occident fédéral » mais plutôt d’une relation « euratlantique » vraiment équilibrée et paritaire, justement.
4. Le 21 avril 2008 à 18:56, par Ronan En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Justement, Edouard Balladur distingue nettement les démocraties (après tout, le Japon, l’Inde, l’Afrique du sud et le Brésil - +/- nouvelles puissances émergentes - en sont...) et les pays de l’espace « euro-atlantique »...
5. Le 18 mai 2008 à 17:54, par Gilles-Emmanuel Jacquet En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Une union occidentale de l’Europe et des USA me semblent être le meilleur moyen de faire échouer le rêve européen et en particulier toute indépendance géopolitique de notre continent. Une alliance occidentale aurait pour effet d’accentuer certains antagonismes et la méfiance de la Russie. L’Ukraine, la Géorgie et les régions caucasiennes ou balkaniques deviendraient encore plus instables dans la mesure où s’y affrontent les intérêts atlantiques / US et ceux de la Russie, l’Europe restant comme toujours une otage ou une "suiveuse" de Washington. Depuis la Guerre Froide, les relations entre les Etats-Unis et l’Union Européenne ont muté au point que Jacques Rupnik affirme de manière révélatrice : « Pour la première fois depuis la guerre, l’administration américaine ne considère plus son soutien à l’intégration européenne comme une priorité. Au contraire, elle érige la division européenne en vertu de la relation transatlantique ».
6. Le 20 mai 2008 à 23:27, par Valéry En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
John MacCain, probable futur président des États-Unis vu le gachis des primaires démocrates, semble proposer pour sa part une « Ligue des démocraties » :
7. Le 21 mai 2008 à 10:23, par Ronan En réponse à : « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis » (Edouard Balladur)
Tout dépend ce qu’on entend par « Ligue », tout dépend ce qu’on entend par « Démocratie » (pas sûr que beaucoup d’entre elles ne souhaitent vraiment s’associer avec l’Amérique post-Bush...) (quand le caractère « démocratique » de celle-ci n’est pas clairement remis en question...).
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