Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

Identité, citoyenneté, nationalité : trois ’’concepts’’ en débat...

, par Florent Banfi

Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

Malgré l’échec du rapport Catania en 2006, au Parlement Européen, la Citoyenneté européenne reste toujours un sujet d’actualité auquel les partisans d’une Europe Politique devront faire face et se devront d’apporter une réponse.

En effet, le mélange trop souvent effectué entre identité, nationalité et citoyenneté porte majoritairement la population à un renfermement sur soi et à une conception erronée des relations entre l’État et le citoyen.

Une clarification sur ces questions s’avère donc plus que jamais nécessaire...

L’identité : un concept personnel.

L’identité est un concept à la fois très simple et extrêmement complexe : l’identité est liée à l’individu, elle n’existe que par l’individu et ne peut être considérée dans sa totalité que par lui.

Toute tentative d’explication, de définition de l’identité d’un individu n’aboutit qu’à une simplification ou à une définition « erronée » du fait de l’intervention d’un tiers dans le processus. Personne ne se connaît mieux que soi-même.

La dimension personnelle de l’identité n’empêche pas un individu de se reconnaître dans tel ou tel ensemble (équipe de foot, musique baroque, etc) : c’est l’identité de groupe. Cette forme d’attachement est aussi liée à l’individu puisque deux personnes ne se reconnaissent pas dans un ensemble de la même façon : les uns et les autres nous ne sommes pas tous français, parisiens ou européens (par exemple...) de la même façon.

Il devient donc absurde de concevoir l’identité d’un ensemble sans tenir compte de la diversité des individus qui le composent. Toute tentative d’explication de l’être français, de l’être européen (etc) est vouée à n’être qu’une approximation simplificatrice.

La citoyenneté : un concept juridique.

La citoyenneté permet l’accès de tous à tous les droits et devoirs que l’État peut reconnaître et/ou fournir à un citoyen. Dans la théorie, à aucun moment le concept de citoyenneté ne discrimine les individus entre eux : égalité des droits et égalité des devoirs.

Cependant, force est de constater que l’accès à la citoyenneté européenne n’est pas toujours synonyme d’égalité. En effet, la citoyenneté européenne s’acquiert à travers la citoyenneté d’un État membre, et postérieurement et par conséquence à celle-ci. Il est donc impossible d’obtenir la citoyenneté de l’UE sans avoir au préalable obtenu une citoyenneté nationale.

Or nous remarquons que les modalités d’attribution de la citoyenneté nationale sont extrêmement variées, ce qui ne met pas sur un pied d’égalité les individus désirant obtenir la citoyenneté européenne.

Nationalité : un concept vide...

Quelle place reste t-il à la nationalité dans ce processus ? L’identité représente l’individu et la citoyenneté, les rapports entre ce dernier et l’État.

La nationalité est un concept qui ne reconnaît qu’une partie de l’identité d’un individu : celle nationale. Elle simplifie donc la complexité de l’individu en éliminant (par la non-reconnaissance) toutes les sources d’influences qui ne sont pas directement liées au modèle de nation.

En plus de la négation d’une partie de l’identité d’un individu, la nationalité supprime le lien unique entre la personne et son identité en considérant la nationalité unique et indépendante des individus qui la composent. Par exemple : l’être français, l’être européen... sont autant de concepts vides que l’on fait vivre sans prendre en considération l’individu qui s’y rattache. Comme nous avons dit que l’identité n’existait qu’en fonction de l’individu, alors la nation n’existe pas car elle nie l’individu.

« Unis dans la diversité »

Cependant l’Europe de demain ne pourra pas être la reproduction du modèle d’État-nation français qui nie l’individu et regroupe toutes les personnes ne se reconnaissant dans le modèle de nation (car il s’agit bien d’un modèle) en « minorités ».

Les défis de l’intégration sont capitaux pour la survie de l’UE et pour la création d’une Europe fédérale. Nous nous devons de changer notre façon de penser pour ne pas transformer l’UE en une simple zone de libre échange sans avenir politique. Nous devons aussi bien considérer les français jacobins, que les catalans ou encore les immigrés de pays extra communautaires...

Une solution existe...

Nous avons vu que toute tentative de définition de l’individu est vouée à une approximation et à la création de frustrations néfastes pour la vie en communauté. Le seul moyen de remettre l’homme au centre du système politique est de ne pas qualifier les rapports entre le citoyen et l’État en termes identitaire. Il faut donc inventer un nouveau critère, cette fois-ci objectif, qui permette une réelle égalité d’accès à la citoyenneté européenne à tous les individus. Ce critère existe, c’est la résidence.

Chaque résident en Europe depuis un certain nombre d’année devrait pouvoir obtenir la citoyenneté de l’UE indépendamment de son pays d’origine. La durée de résidence ou les autres critères (accord avec le contenu d’une constitution...) pourront se définir dans un deuxième temps. Car ce qui est important, c’est la séparation entre l’identité et la citoyenneté. Car sans cette séparation, la vie en communauté ne pourra survivre de façon pacifique face aux dérives identitaires et nationalistes.

Pour que l’Europe puisse relever les défis identitaires et d’intégration qui lui sont posés, militons donc pour une citoyenneté européenne basée sur la résidence et non sur l’identité !

- Illustration :

Le logo choisi pour illustrer cet article est proposé, sur wikimédia, comme emblême pour tous ceux qui se reconnaitraient dans ce ’’world citizen flag’’.

Article initialement paru en avril 2006

Vos commentaires
  • Le 21 avril 2006 à 02:53, par Ali Baba En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    Je ne suis pas d’accord à propos de ce que tu dis sur la nation et la nationalité. Pour moi la nationalité, si elle n’est certes pas à même de définir à elle seule l’identité d’un individu, reste une notion forte et à laquelle je suis attaché. Il y a une identité « de groupe » liée à la nationalité, elle est indéniable. Certains peuvent ne pas s’y reconnaître - c’est leur droit. Mais nier son exitence pour tous est finalement la négation d’une part de l’identité d’autrui.

    En tant que Français de l’étranger que j’ai été pendant plus de dix-sept ans, j’ai avec ma nationalité un lien très fort, affectif et passionné, tout autant que pour l’Europe. Et personne n’a le droit de me le dénier car elle fait intégralement partie de mon identité propre.

    Ma nation, ma patrie, ce sont mes racines. C’est important de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Pour moi l’Europe ne peut pas se construire sur la négation des identités nationales mais sur leur dépassement. La nuance est à mes yeux considérable.

  • Le 22 avril 2006 à 10:33, par Csillag En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    Bonjour Ali Baba !

    Je suis tout à fait d’accord avec toi en ce qui concerne notre lien avec notre nationalité. Je crois aussi que cela doit avoir un sens qu’on est né français, hongrois ou portugais. Que cela fait partie de nous, de ce que nous sommes, de comment nous sommes. Mais il est vrai que nous sommes aussi plus que cela et le dépassement dont tu parles est vraiment nécessaire, mais sans la négation de cette partie en nous qui est liée à notre nationlaité. Quant à moi, je suis hongroise et vis en Europe de l’Ouest depuis presque dix ans, et je sens véritablement que je suis ’déracinée’, et que je ne pourrais et je ne voudrais jamais nier, cacher mes origines. Même si je parle le français et l’allemand avec moins d’accent, je suis différente. C’est la raison pour laquelle la question de la nation existe pour moi, et a un vrai sens.

    Csillag

  • Le 26 avril 2006 à 15:11, par Ali Baba En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    On est tout à fait d’accord : le dépassement des nationalités est nécessaire, on ne peut limiter son identité à ce simple aspect. C’est pour ça qu’on fait l’Europe unie. Mais on ne peut pas le faire en niant les nations, c’est pour ça qu’on fait l’Europe diverse.

    L’Europe fédérale répond précisément à ce besoin d’unité dans la diversité.

  • Le 26 avril 2006 à 17:47, par Ronan Blaise En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    Je ne partage pas nécessairement ce point de vue dans la mesure où il me semble que la ’’Nation’’ au sens français et jacobin du terme a précisément été, historiquement, une formidable machine à ’’arraser’’ les différences individuelles et collectives et à ’’détruire’’ les identités particulières et locales.

    Le problème de la ’’Nation’’ au sens traditionnel du terme c’est précisément qu’elle cherche égoïstement à régner de façon exclusive et sans partage dans le coeur de ses ’’Nationaux’’. Là où, précisément, ceux là devraient avoir parfaitement le droit de se voir reconnaître des identités multiples (ce qui n’est, aujourd’hui encore, pas nécessairement le cas...). Et de, à seule titre personnel, pouvoir reconnaître d’autres formes d’allégences affectives et symboliques toutes aussi légitimes que celle due à la seule ’’Nation’’.

    Pour ma part, je me sens donc breton et polonais d’origines, haut-normand de résidence et français de nationalité. Mais aucune de ces dimensions d’une identité forcément plurielle et multiple ne devrait normalement avoir droit de ’’préséance’’ sur les autres. Puisqu’Européen donc, par choix civique. Et puisqu’Etre humain, au final.

    (Ronan)

  • Le 27 avril 2006 à 17:10, par ASCER (association pour une citoyenneté européenne de résidence) En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    Pour toutes les personnes désireuses de débattre de l’avenir d’une citoyenneté européenne fondée sur la résidence, et qui seront présentes au Forum social d’Athènes, rendez-vous au séminaire intitulé « Pour une citoyenneté européenne de résidence et le droit de vote des résidents étrangers : état des lieux, s’organiser, agir ».

    Faisons ensemble le bilan des campagnes menées, et envisageons les suites à donner à notre action (construction de réseaux, campagnes européennes).

    Le séminaire se déroulera le vendredi 7 mai de 14h à 17h, en présence d’associations françaises, espagnoles, italiennes et européennes.

  • Le 23 août 2006 à 19:06, par Paul Oriol En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    Bonjour, Connaissez-vous la campagne « pour une citoyenneté européenne de résdience » ? Vous pouvez avoir tous les renseignements utiles sur le site de la Fidh-ae et sur mon site personnel. Je suis prêt à répondre à vos questions mais seulement après le 5 septembre car je m’absente pour 15 jours et moa boite risque d’être surchargée de courrier pendant cette période. Bien à vous Site : http://perso.wanadoo.fr/paul-oriol/

  • Le 8 février 2007 à 14:08, par ? En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    bonjour g actuellemnt un devoir a rendre en droit communautaire é j’aimerai connaitre les differents moyens d’accéder à la citoyenneté europééne merci d’avance mon adresse est louizadu02 chez hotmail.fr

  • Le 24 août 2012 à 15:33, par Bal En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    En somme, on est citoyen européen, parce qu’on s’est donné la peine de naître dans les limites d’un pays qui fait partie de l’Europe ? Je trouve cela un peu léger.

    Il y a deux moyens de faire naître une nation :

    1 - La guerre : des gens d’intérêt vitaux communs sont agressés par des gens d’intérêts vitaux antagonistes. Ce qui est vital rassemble alors chaque groupe d’une manière hyper-solide, puisque la vie est en jeu. Exemple : Bismark qui crée l’Allemagne moderne par la guerre de 1870, mais aussi Garibaldi pour l’Italie etc. etc.

    2 - L’éducation. Exemple : Jules Ferry. Chaque petit Français reçoit un tronc commun culturel qui l’identifie au groupe français. On punissait les élèves qui parlaient le patois local.

    Mais maintenant, les jeux sont faits. Si je préfère la deuxième solution, il faut reconnaître que l’Europe est une puzzle de langues et de cultures. A la fois un handicap et une chance. Il n’y a qu’un moyen de lever l’inconvénient et de profiter de la chance : une école commune. La guerre, ça coûte trop cher.

    Pour initier cette école commune, il faut que tout citoyen passe au moins une année solaire (à la fin des études par exemple) dans un pays qui n’est pas le sien pour y apprendre la langue... Et l’anglais. Pas ERASMUS, réservé aux étudiants, donc trop élitiste, mais une école gratuite, laïque et obligatoire. Ca a réussi partout, pourquoi pas faire de même pour l’Europe ?

    Il ne suffit pas de faire des analyses à perte de vue, il faut proposer des solutions...

  • Le 27 août 2012 à 13:30, par Florent En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    @ Bal,

    « Il y a deux moyens de faire naître une nation » Nous divergeons sur ce point, selon moi l’Europe ne doit pas devenir une nation mais une fédération. Donc toute tentative d’analogie visant à créer un mythe européen au détriment des diversités nationales me semble hors sujet.

    Si la solution consiste à créer une identité monolithique sur le modèle jacobin cela révèle une incompréhension totale du projet des pères fondateurs.

    Je vous rejoins sur la nécessité d’élargir la base de personnes touchées par Erasmus, aujourd’hui trop limitée.

  • Le 8 janvier 2013 à 20:51, par Antinational En réponse à : Pour une citoyenneté européenne fondée sur la résidence

    La « nationalité » est un concept au nom duquel chaque individu « national » semble devoir reconnaître un lien avec tous les autres individus de la même « nationalité ». Je refuse de reconnaître ce lien absolu qui m’attacherai malgré moi à tout un tas de gens avec lesquels je ne m’identifie pas du tout.

    La culture d’une « nation » n’est pas une liste d’éléments finis qu’il faudrait connaître et apprécier afin d’obtenir la « nationalité ». Il y a de grands éléments, de grands concepts etc, mais aucun n’est indispensable pour conserver sa nationalité. Je peux vivre hors de France, sans parler le français ni voter aux élections françaises et cependant conserver ma nationalité acquise par ma naissance. D’un autre côté je peux vivre en France, parler français, connaître toute l’histoire de France par cœur, avoir lu ses auteurs les plus célèbres, connaître les rituels quotidiens des français sur le bout de doigts, etc. sans pour autant être français (par exemple si je suis étranger et ne désire pas faire la demande de naturalisation).

    La « nation » est donc -pour moi- un concept vide et creux, sensé attacher de manière quasi obligatoire (et émotionnelle ?) ses « nationaux » à elle. Je parle d’obligation, car bien que celle-ci n’est aucune valeur juridique, elle est une pierre angulaire du nationalisme, concept complètement mélangé à celui de « patriotisme » (que je conchie tout autant d’ailleurs). Le bon patriote se doit d’être fier de ses « racines », de ses « origines » etc. Celui qui refuserait cette allégeance « nationale », « patriotique » est vu comme un traître et considéré comme un ennemi. C’est bien là que se trouve l’obligation : elle est imposée à l’individu par le groupe / la société qui exige l’allégeance du premier.

    Je suis humain, citoyen français et donc citoyen européen, et je brûlerai ma carte nationale d’identité dès qu’elle ne me sera plus imposée comme une obligation pour justifier que je ne suis pas un dangereux terroriste lorsque je veux prendre l’avion ou le train. « Carte Nationale d’Identité » ... tout un programme. Je lui préférerais de très loin une « carte d’identification de la citoyenneté ».

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