Pourquoi l’Union ?

, par Sébastien Pirlet

Pourquoi l'Union ?
Auteur bwaters23

Alors que la crise bat son plein dans la maison européenne et que l’Union est critiquée de toutes parts pour son manque de légitimité démocratique et son éloignement des citoyens, il est fondamental de mettre en lumière les raisons de la nécessité de la construction européenne.

Un nouvel objectif

L’essentiel de l’essor de l’idée européenne a reposé sur la volonté de mettre un terme aux guerres européennes. C’est cette idée de paix universelle qui a poussé Saint-Pierre, Saint-Simon, Fénelon ou encore Kant à défendre l’idée d’une unification européenne, convaincus que c’était le remède aux maux du continent. A l’heure de poser la première pierre de l’édifice, en 1948, c’est encore cette idée qui a servi de phare à l’Europe, renforcée comme jamais auparavant par le rejet des atrocités de la Deuxième Guerre. C’est ainsi que l’Union tout entière s’est construite sur cette aspiration à la paix.

Dès les premières années de la construction européenne, la guerre est rapidement devenue techniquement impossible et bientôt moralement impensable en Europe occidentale. Les thèses des défenseurs de l’unification se trouvaient ainsi superbement démontrées : la seule mise en place d’un début d’Union a suffit à écarter tout risque de conflit armé en son sein. Pourtant cette incontestable réussite a paradoxalement fait vaciller l’idée européenne. En effet, tout entière basée sur l’aspiration à la paix, pourquoi l’Union aurait-elle du être approfondie une fois tout risque de conflit écarté ?

Si la peur de la guerre a été largement suffisante pour les générations qui ont suivi l’armistice, ce motif s’est révélé être un argument de moins en moins puissant à mesure que les souvenirs de tragédie s’éloignaient et que la paix devenait évidente et naturelle pour les nouvelles générations. Cette victoire européenne a rendu indispensable de mettre en évidence les autres raisons de la nécessité de l’unification européenne.

Une valeur

Tout d’abord, avant d’être une réponse rationnelle, l’Europe unifiée est un idéal pour un grand nombre d’Européens. Dans chaque pays, même dans les plus eurosceptiques du continent, on trouve un nombre conséquent de passionnés de la cause européenne. L’intégration est aux fédéralistes ce qu’était le suffrage universel aux démocrates du XIXe et du XXe siècle. Ainsi élevée au rang de valeur, l’européanisme représente pour nombre d’Européens l’incarnation concrète de nos valeurs fondamentales : la liberté, l’égalité et la démocratie. Cette force de conviction s’explique par l’identité européenne et l’évolution de l’idée européenne au cours de l’histoire.

Pour la majorité d’entre nous, plus que notre histoire commune, c’est nos valeurs qui nous rassemblent. Sans être réservées au continent européen, la liberté, l’égalité et la démocratie sont nées et se sont développées sur notre sol au point d’être devenues l’essence de notre modèle. Marginales en dehors de l’Europe et des contrées peuplées de descendants de colons européens, ces valeurs définissent mieux que n’importe quoi d’autre l’identité européenne. Aussi, il est logique et naturel que notre unification politique soit intimement liée à notre lien le plus fort.

Si cette communauté de valeur explique l’importance de l’intégration aux yeux de nombre d’européens, c’est du côté de l’histoire de l’Union qu’il faut chercher les causes de cet attachement à l’Union Européenne. En effet, malgré ses nombreux défauts, celle-ci est parvenue à porter réellement les valeurs européennes et à les incarner concrètement. L’exemple le plus marquant est sans aucun doute son élargissement progressif, répandant ainsi démocratie et liberté sur le continent comme une quête irréversible. Utilisant l’attrait de la prospérité et fondée sur un socle de valeurs communes, elle a fait tomber les unes après les autres les dernières dictatures d’Europe occidentales et fermement amarré l’Europe orientale à la démocratie après la chute de l’URSS.

Prospérité

L’Union européenne apparaît en outre comme le meilleur rempart de notre prospérité.

La mise en commun d’une partie de souveraineté des Etats membres a permis d’harmoniser nos législations et de créer une confiance réciproque entre les pays européens. Ces avancées ont été nécessaires pour instaurer la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, ouvrant la voie au « marché unique européen », le plus grand du monde. Celui-ci offre un énorme potentiel de développement à l’économie européenne et permet en outre d’accroître la compétitivité des entreprises européennes en favorisant l’apparition de « géants européens » comme EADS. Le dernier exemple d’amélioration en date est la création du brevet unique européen.

Ensuite, l’Union nous permet de peser bien davantage dans les négociations avec des pays tiers. Le commerce étant une compétence exclusive de l’Union, l’Europe dispose du pouvoir de négocier et de signer les accords commerciaux qu’elle entend. Il en résulte que nous parlons d’une seule et même voix et occupons un siège unique au sein de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), ce qui rend notre position plus audible et notre force de persuasion d’autant plus grande.

Enfin, plus l’Europe est unifiée et moins il nous est douloureux de traverser des crises économiques. Première puissance économique mondiale, l’UE dispose de la force suffisante pour maintenir à flot ses états membres. La crise de l’euro aura d’ailleurs permis de renforcer cet aspect de la construction européenne avec notamment l’Union bancaire (pour éviter qu’un état ne supporte seul la faillite d’une de ses banques) et le MES (Mécanisme Européen de Stabilité, pour permettre d’aider directement un Etat membre ou ses banques).

Pérennité

Finalement, l’unité européenne semble de plus en plus indispensable pour assurer l’indépendance du continent. Dans quelques années, la Chine ravira très certainement aux Etats-Unis la place de première puissance mondiale, portant ainsi un régime dictatorial aux commandes de la première économie et peut-être la plus grande armée de la planète. Bien que l’Occident soit amené à rester longtemps encore champion toute catégorie de la richesse par habitant, c’est la démographie qui joue à notre désavantage, nous rendant de plus en plus vulnérables. Dans ce monde multipolaire en pleine émergence, les Etats-Unis jouent de moins en moins le rôle de « protecteur » de l’Europe.

Dans ce contexte de renversement progressif des rapports de force, il est absolument nécessaire que les Européens assument leur propre sécurité et possèdent une force militaire conséquente pour être en mesure de se défendre et d’intervenir là où nos intérêts sont menacés. Une capacité de frappe est aussi et surtout un des outils indispensables pour peser diplomatiquement. Pratiquement, cela signifie qu’il faut réaliser des économies d’échelles en unifiant les armées nationales sous le drapeau européen et en combinant nos efforts de recherche.

Préalable à toute union militaire, l’Union doit être en mesure de parler d’une seule voix sur la scène internationale. Sans effacer le concept de consensus, les décisions stratégiques doivent pouvoir être prises au niveau européen par une autorité légitime et réactive sans quoi les pays tiers pourront continuer à exploiter les divisions internes de l’Union, étalées au grand jour, pour favoriser leurs propres intérêts au détriment de ceux de l’Union.

L’UE doit être perçue à l’extérieur de nos frontières comme un bloc indivisible, à l’instar de l’image que nous avons des USA et ce malgré leur système fédérale et la grande autonomie dont dispose leurs « Etats ». Cela implique de créer un système institutionnel qui fait la part belle aux discussions et aux négociations mais où in fine une autorité européenne dispose de la possibilité de décider. Concrètement, cela revient dans un premier temps à définir systématiquement une position commune à la majorité et non plus à l’unanimité.

La diplomatie et la défense sont des compétences d’une telle importance stratégique que ce transfert massif de souveraineté ne peut se concevoir que dans le cadre d’une union politique intégrée où un gouvernement européen, responsable devant son parlement, dispose de la légitimité démocratique nécessaire pour prendre des décisions d’une telle ampleur. Concrètement, cela signifie que l’union diplomatique et militaire ne peut vivre sans une union politique qui elle-même nécessite la création d’une véritable euro-démocratie.

Conclusion

En résumé, l’Union Européenne s’impose comme le meilleur garant de notre liberté et de nos valeurs en nous permettant d’avoir un grand marché pour notre prospérité et une armée forte pour notre sécurité. Si l’essentiel du chemin vers l’union économique, monétaire et commerciale est fait, l’unification diplomatique et militaire est à construire. Il nous reste en outre à façonner et à poser la clef de voûte de l’édifice : une union politique démocratique.

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