Imaginez un président français dont le père serait algérien, un chancelier allemand d’origine turque, ou un président du conseil italien d’origine albanaise, et vous comprenez alors la puissance symbolique de l’élection de Barack Obama, la leçon de démocratie que nous avons prise la nuit dernière. L’émotion est immense aux Etats-Unis, en Europe et partout dans le monde.
L’image de l’Amérique de G.W.Bush s’est évanouie pendant la nuit, remplacée par un message d’espoir qui fait honneur aux Américains : Yes We Can. Tout dans cette élection, de l’afflux de près de 25 millions de nouveaux inscrits sur les listes électorales, de la participation record pour une présidentielle où l’abstention est toujours élevée, jusqu’à la décence des propos du perdant, toutes ces victoires démocratiques forcent le respect. Elles sont un grand pied de nez à l’anti-américanisme qui s’est développé durant les deux mandats de G.W.Bush un peu partout en Europe, et notamment en France. Le peuple américain a dit au monde « Ce n’était pas nous ».
Des prochains jours décisifs : les premières nominations
Tentant de mettre l’émotion de l’événement de côté, pensons aux prochains jours qui vont être déterminants pour mieux appréhender les grandes lignes de la présidence d’Obama. Les premiers indices sont à chercher parmi les noms qui circulent à Washington pour la répartition des postes clés de l’administration Obama. On évoque la possibilité d’une équipe d’ouverture regroupant des personnalités comme Colin Powell, l’ancien secrétaire d’Etat du premier mandat de G.W.Bush, ou bien Robert Gates, l’actuel secrétaire à la défense.
Les Européens porteront un intérêt tout particulier aux nominations des représentants américains au sein des organisations internationales que sont l’ONU, l’OMC ou le FMI. La clique des idéologues de l’administration précédente laissera sa place à des personnalités que l’on pense être plus pragmatiques. La concurrence sera rude entre les proches de Bill et Hilary Clinton, plus expérimentés, et la nouvelle vague des soutiens directs de Barack Obama dont Chris Hughes, le co-fondateur de Facebook, est le symbole.
Dans les deux cas, nous avons toutes les raisons d’espérer un plus grand respect du multilatéralisme de la part des Etats-Unis. N’ayons cependant pas la naïveté de croire que le changement sera radical. Les intérêts des Etats-Unis resteront quoi qu’il arrive la pierre angulaire de leur politique étrangère ; d’ailleurs quoi de plus légitime, tant que cela se fait dans le respect de la coopération et du droit international.
USA / UE : partenaires d’un "New Deal" pour le monde
Les ministres des affaires étrangères des 27 pays de l’Union européenne ont rédigé un appel commun à destination du nouveau président, exprimant la nécessité d’un partenariat réel et durable entre l’Union européenne et les Etats-Unis. « Nous avons besoin d’un "New Deal" pour un nouveau monde. J’espère sincèrement que sous la direction du président Obama, les Etats-Unis joindront leurs forces à l’Europe pour mener à ce "New Deal", pour le bénéfice de nos sociétés et du monde entier », a déclaré José Manuel Barroso en commentant les résultats de l’élection. [1]
Cet appel est aussi une feuille de route énonçant les dossiers prioritaires, vue d’Europe, dont Barack Obama devra se saisir : la stabilisation de l’Afghanistan , la résolution du conflit israélo-palestinien, le nucléaire iranien, les relations avec la Russie et le renforcement du multilatéralisme via la réforme de l’ONU et l’ouverture du G8 aux pays émergents. Cette initiative volontariste est une première à saluer. « C’est le monde à l’envers. », s’étonnait Daniel Vernet, journaliste au Monde : « Au lieu d’attendre que le futur président américain lui fasse l’honneur de s’intéresser à elle, l’Union européenne a, cette fois, pris les devants. ». [2]
Pour qu’un leadership partagé entre Européens et Américains émerge et s’impose dans la durée comme une force pacificatrice des relations internationales, deux conditions sont nécessaires. La première, dont on espère qu’elle soit à l’avenir remplie, repose sur la volonté des Américains à partager ce leadership. La deuxième sera la capacité des Européens à tenir leur rang en s’affirmant comme une puissance diplomatique unie. Si tout ou presque reste à faire, aujourd’hui on a envie de dire « Yes We Can ».
1. Le 9 novembre 2008 à 18:33, par Ronan En réponse à : Président Obama, l’Europe vous attend
« Yes we can » : slogan décliné à toutes les sauces. Slogan qui fleure bon l’optimisme. Slogan volontariste. Incitation à l’action...
Voilà qui change singulièrement de nos politiques "européens" qui passent leur temps à nous dire "comprenez, on peut pas...". Mais, ceux-là, ont-ils jamais vraiment voulu et veulent-ils seulement ?!
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